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Le test du feu

C'est par temps de crise grave que peuvent souvent se réveiller soudain des potentiels que l'on croyait assoupis et se révéler, en gerbes d'étincelles, des tempéraments d'une force insoupçonnée.

À tout seigneur tout honneur : uni dans la condamnation de l'horreur, le peuple français a passé haut la main l'épreuve de ce feu qui, le 7 janvier, mordit douloureusement dans la chair de ses valeurs républicaines. Aux terroristes qui cherchaient à fragiliser, craqueler son tissu social, il a opposé une farouche volonté de résister aux outrages passés et à venir, quel qu'en puisse être le prix. Pour cela, il a droit à l'admiration de tous, y compris ceux qui ne se reconnaissent que bien peu, ou alors pas du tout, dans la ligne de Charlie Hebdo.

C'est un président français grandi, littéralement transfiguré qui émerge de la tourmente : un président ému certes jusqu'aux tréfonds de l'âme et affichant néanmoins une froide lucidité ; un responsable prompt à désigner la racine du mal, comme à tracer la marche à suivre pour y remédier ; bref, un chef qui voit juste et qui trouve le mot juste pour s'en ouvrir à ses concitoyens, même s'il reste encore fort à faire pour protéger efficacement la France et les Français. Des mots, le président Hollande en a prononcé des masses, au gré des apparitions qu'il a multipliées dès le lendemain du massacre de la rue Nicolas-Appert. De toutes ces interventions, ce sont cependant ses vœux aux armées et son allocution de jeudi à l'Institut du monde arabe qui interpellent avec le plus de vigueur les Libanais que nous sommes. Et qui, bien avant les Français, avons subi – et continuons de subir – les atteintes d'un terrorisme qui trouve sa source dans le conflit de Syrie.

On ne refait pas le monde avec des si, c'est vrai, et le célébrissime nez de Cléopâtre est là pour en témoigner. Mais c'est bien parce que tant de si ont été loupés, sont demeurés lettre morte, que le monde va résolument de mal en pis. C'est à bon escient, dès lors, que François Hollande, la mort dans l'âme, a évoqué, par deux fois en l'espace de deux jours, l'occasion historique manquée en Syrie mais que les extrémistes islamistes n'ont pas ratée, eux, finissant par menacer, dans leurs propres murs, les pays occidentaux. Terrible leçon, a-t-il dit notamment, quand la communauté internationale tarde trop à faire ses choix, à prendre ses décisions : autrement dit à intervenir militairement dans ce pays à la fin de l'été 2013, quand il en était encore temps.

De tels regrets ne sont évidemment pas nouveaux, sans cesse formulés qu'ils étaient, mais en vain, par les rebelles propres de Syrie : ceux-là mêmes qui, faute d'armements adéquats, se sont trouvés submergés par les hordes terroristes. Ce qui est nouveau, en revanche, c'est qu'un chef occidental soit amené à déplorer publiquement une telle dérobade internationale. Ce qui est carrément extraordinaire, de surcroît, c'est que ce reproche d'indécision s'adresse surtout, de toute évidence, à l'allié américain Barack Obama dont les hésitations, atermoiements et reculades auront permis au régime de Damas de survivre au scandale du recours aux armes chimiques : mieux, de se poser en rempart face à la montée en puissance des radicaux de l'islam.

Ce faible pour la valse-hésitation, le président des États-Unis n'en est pas encore guéri. Il s'est fait porter absent à la marche historique de Paris, alors qu'un Benjamin Netanyahu jouait des coudes et écrasait maints orteils pour se faufiler au premier rang des dirigeants qui y prenaient part. La Maison-Blanche n'a pas tardé à faire mea culpa, et le secrétaire d'État John Kerry s'est démené comme un diable, à Paris, pour que soit oublié l'incident. Hier, Obama appelait l'Europe à mieux intégrer ses communautés musulmanes car les problèmes ne peuvent pas être réglés uniquement par la force. Judicieux, certes, est le conseil. Ce qui est troublant, c'est qu'il avait trop l'air d'une riposte aux allusions françaises.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

C'est par temps de crise grave que peuvent souvent se réveiller soudain des potentiels que l'on croyait assoupis et se révéler, en gerbes d'étincelles, des tempéraments d'une force insoupçonnée.
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