Christianophobie française

Déclaration de M. Jean Paillot, avocat au barreau de Strasbourg et expert au Conseil de l'Europe: «Ici une crèche devrait être retirée d'un conseil général, là un maire est sommé par le préfet de retirer celle qu'il a fait installer dans sa mairie. Les Français sont-ils devenus fous?»
Ces Français hypothétiquement «fous» (dans le sens que l'entend l'auteur de ce propos) ne sont pas les seuls à l'être devenus dans cette Europe des droits de la personne dépersonnalisée et neutralisée. Les Belges, les Allemands, les Hollandais...leur emboîtent mécaniquement le pas. En fait, ce n'est pas (seulement) une question de jurisprudence, mais de prudence: il faut être neutre, incolore, inodore et sans saveur ; sans histoire, sans mémoire et sans âme ; il faut se dépouiller, se déchristianiser pour ne pas froisser les sentiments athées, judaïques, musulmans, hindous...Il faut couper ses racines ancestrales, identitaires, historiques, culturelles, pour qu'elles soient d'égale longueur et profondeur que celles des néo-Français, néo-Belges, néo-Allemands venus s'installer dans leur « propre » pays. C'est pour qu'ils se sentent tous chez eux, selon la devise « faites comme chez vous et oubliez que vous êtes chez nous ». Pour qu'ils n'aient pas besoin de s'adapter au pays d'accueil. C'est à leurs hôtes de le faire. Ces derniers doivent prendre avec des pincettes leurs nouveaux compatriotes. C'est la charte qui le commande. C'est pour les besoins de liberté, d'égalité, de fraternité...et de fertilité pour des raisons démographiques.
Et puis vous, les autochtones, avez besoin de leur main-d'œuvre, de leurs services, de leur sueur. Les « pure laine » ne peuvent pas (en général) se souiller de graisse, ni se mouiller des bulles de vaisselle. Qui fera la cuisine dans les restos, surtout exotiques? Qui seront les plongeurs de votre bonne chère? Les fournisseurs de bonne chair? Qui videra vos bennes à ordures? Qui payera les taxes? Qui assurera vos rentes? Vos prestations de chômage? Vos allocations de vieillesse? N'est-ce pas eux? Ne faut-il pas donc les chouchouter? Vous adapter à leurs us et coutumes ? Ménager leurs susceptibilités ? N'est-ce pas là le moindre des accommodements raisonnables ? Histoire, patrimoine, coutumes sont choses du passé. Place à la postmodernité, amnésique, à la table rase laïque-agnostique, égalitaire, libertaire, sauf dans les ghettos où les divers lieux de culte peuvent faire florès et l'ultraconservatisme bonne figure. Oui, l'espace public doit être neutre pour tous, mais pas leurs agoras privées. Il faut niveler par le bas. Pour conjurer cette constellation de signes et symboles étrangers, il faut éliminer les vôtres, qui sont aussi les nôtres. Il ne suffit plus d'être politiquement correct, mais socialement correct, uniforme, unidimensionnel.
Mais tout n'est pas de leur faute. Il faut réserver une bonne part à l'involution intrinsèque de la société française et, dans la même veine européenne, vers la consécration de l'anticléricalisme, d'une part, en réaction aux erreurs et abus historiques de la chrétienté sur le Vieux Continent, laquelle a injustement déteint sur le christianisme (qu'il convient de différencier) et, d'autre part, en conséquence d'une transformation sociétale qui se caractérise par la prolifération des nouvelles technologies et des nouveaux loisirs à effet «désublimant». Ces nouvelles « drogues sociales » ne constituent pas une réponse à des besoins satiables, mais plutôt insatiables, après les avoir suscités, et offrent par conséquent à l'individu la distraction, la sécurité et le confort matériel qui le placent, ipso facto, dans les limitations et les finitudes temporelles où il se complaît et s'oublie.
D'où le reniement de Dieu sur ce continent, découlant de la « mauvaise croyance » en Lui, mais aussi de Sa non-nécessité et Son inutilité, puisque les progrès technologiques et ludiques viennent le remplacer, d'autant plus que la distraction est l'ennemie de la méditation.
Le tout placé sous le grand chapiteau européen des droits et libertés, où l'on voit, par endroits, des crèches démontées et des sapins déracinés de leur terroir ancestral, on comprend mieux à présent ces prohibitions qui, paradoxalement, viennent porter atteinte aux droits et libertés.
Que deviennent dès lors les valeurs chrétiennes, les beaux-arts, les symboles, les usages chrétiens au regard du confort et des plaisirs de l'homo sapiens Technologicus? Que signifient désormais ces crucifix, ces crèches, ces églises dans la nouvelle sémantique des temps ludiques et lubriques? Les credos se perdent dans cette tour de Babel.
Le Génie du christianisme de Chateaubriand cède la place au génie de l'athéisme de ses descendants, lequel cède à son tour sa place à un génie ascendant: celui de l'islamisme.

Ronald BARAKAT