Rien ne semble devoir arrêter le ministre de la Santé, Waël Bou Faour, dans la campagne qu'il a entamée mardi dans le secteur de la sûreté alimentaire, créant un scandale à tous les niveaux du secteur. Malgré les reproches qui lui ont été adressés par ses collègues aux ministères du Tourisme et de l'Économie et du Commerce, il est remonté hier au créneau, dévoilant les noms de nouveaux établissements où des produits contaminés ne répondant pas aux normes ont été trouvés (voir par ailleurs). Il a aussi, comme la première fois, nommé les fameuses bactéries trouvées dans ces produits : Escherichia coli, Listeria, staphylocoque et salmonelle.
M. Bou Faour a entamé sa conférence de presse en répondant aux critiques qui lui ont été adressées. « Nous nous attendions à des réactions et à des représailles de la part de certaines personnes parce que nous touchons à de grandes entreprises dans le pays, a-t-il ainsi déclaré. Mais nous ne nous attendions pas à être poignardés par nos collègues au gouvernement. »
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Répondant au ministre de l'Économie et du Commerce, Alain Hakim, qui avait déclaré que cette campagne nuit à l'économie du pays, M. Bou Faour s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles son collègue de l'Économie « objecte contre toutes les actions du ministère de la Santé, comme ça a été le cas avec les boissons énergisantes ». « Le ministère de la Santé a été le premier à appeler à une réunion conjointe avec les ministères concernés, c'est-à-dire la Santé, l'Économie et le Commerce, l'Industrie et le Tourisme, au cours de laquelle un accord a été conclu sur le mécanisme de coordination. Mais cette réunion a été tirée par les cheveux par son côté abstrait et théorique. » Et de reprendre : « Si le ministre de l'Économie est en possession de 150 procès-verbaux, pourquoi il ne divulgue pas les résultats de ce travail ? Quelle économie veut-on ? Veut-on que l'économie libanaise soit celle des aliments avariés ? Et que le ministre de la Santé accorde une couverture à ceux qui contreviennent à la sûreté alimentaire et qu'il dise que l'eau des égouts est un parfum ? »
M. Bou Faour a expliqué que « des avertissements ont été adressés à plusieurs reprises à un nombre d'entreprises et des sections ont été fermées sans que les propriétaires de ces entreprises ne soient pour autant affectés ou ne changent de comportement ». « À cause de cette campagne, de nombreuses entreprises ont détruit des tonnes de viande avariée avant que les inspecteurs du ministère ne les visitent », a-t-il assuré.
(Voir ici la première liste donnée par le ministre)
« La campagne se poursuit »
Aux reproches du ministre du Tourisme, Michel Pharaon, qui avait estimé que la campagne aurait un impact négatif sur le tourisme et que les informations publiées par le ministre ont besoin d'un examen plus approfondi, M. Bou Faour a répondu : « Je m'excuse d'avoir fait fuir les touristes à l'aéroport de Beyrouth. Je ne les voit pas. » « Les problèmes liés au tourisme sont plus importants que l'action que nous menons, a-t-il poursuivi. Il y a les problèmes liés à la situation sécuritaire au pays et dans la région. » Et de se demander : « Faut-il que l'eau des égouts fasse partie des attractions touristiques du Liban ? » Avant d'entrer en Conseil des ministres et dès que M. Bou Faour avait terminé sa conférence de presse, M. Pharaon a entamé la sienne.
M. Bou Faour s'est ensuite adressé au président du syndicat des propriétaires de restaurant, Tony Ramy, qui s'était élevé contre ce qu'il estime être de la « diffamation ». « Savez-vous quelle est la quantité de viande pourrie qui a été jetée ces derniers jours ? » lui a-t-il ainsi demandé, affirmant qu'il détient « des rapports scientifiques ».
Le ministre de la Santé a affirmé que « la campagne se poursuit » et englobera toutes les régions. « Je demande aux citoyens de nous faire confiance, a-t-il insisté. Que personne n'aille croire que nous avons lancé une bombe fumigène et que le tour est joué. Nous poursuivrons notre action. » Soulignant que la campagne comprendra également tous les abattoirs, M. Bou Faour a conclu en annonçant qu'en ce qui concerne l'irrigation des végétaux avec les eaux usées, un plan global sera exposé par le ministère de l'Agriculture.
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Messages de soutien... et de reproches
Dans le cadre de cette campagne et sur instruction du ministère de l'Intérieur, les Forces de sécurité intérieure ont commencé hier à dresser les procès-verbaux contre les entreprises incriminées.
Par ailleurs, les messages de soutien à l'initiative de M. Bou Faour se sont poursuivis hier encore. Le chef du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, a ainsi affirmé sur son compte Twitter qu'il « soutenait » le ministre « dans sa lutte contre les ministres de la corruption et les cartels des restaurateurs ». « C'est un combat pour la protection du citoyen », a-t-il insisté. En soirée, M. Joumblatt a annoncé qu'il effectuera une tournée dans les abattoirs la semaine prochaine en compagnie de MM. Akram Chehayeb, Waël Bou Faour et Riad Assaad.
Des messages de soutien au ministre de la Santé ont été également adressés par les moukhtars du Chouf, la Ligue des amis de Kamal Joumblatt et le Rassemblement civil pour la sécurité du citoyen. De son côté, le secrétaire général du Mouvement des nassériens indépendants, Moustapha Hamdane, s'est dit étonné de constater que la lutte contre la corruption est « saisonnière » et selon « les besoins de la propagande ».
L'initiative de M. Bou Faour est certes louable, de l'aveu de nombreux experts qui mettent toutefois l'accent sur de nombreuses failles dans le traitement du dossier. Selon eux, le ministère devrait commencer par s'excuser auprès des citoyens du laxisme observé au cours des deux dernières décennies dans ce domaine. Ils assurent également que doivent être clarifiées les méthodes des échantillonnages, les normes adoptées dans les analyses et la qualification des laboratoires agréés, etc. Enfin, ils n'hésitent pas à souligner que cette initiative à elle seule ne suffit pas et qu'un grand chantier de réformes doit être entamé dans ce secteur, à commencer par la promulgation d'une loi qui régisse la sûreté alimentaire. À suivre évidemment...
commentaires (5)
POUR LES "INSECTES" DE TOUT GENRE DONT MOUCHES... MOUCHERONS... CAFARDS... RATS ET AUTRES MURIDÉS... LES RELENTS PESTILENTIELS DES ÉGOUTS SONT BIEN DES PARFUMS !
LA LIBRE EXPRESSION
11 h 45, le 14 novembre 2014