Le père de David Daoud Drugeon, jeune breton converti à l'islam devenu artificier pour le groupe jihadiste Khorassan et probablement tué par une frappe américaine en Syrie, a expliqué jeudi que son fils voulait "mourir en martyr".
Patrice Drugeon a appris la mort possible de son fils jeudi par les médias, qu'il a reçus à son domicile de Meucon, dans la banlieue de Vannes. "A l'heure où on parle, je n'ai rien d'officiel de l'Etat français ou de l'Etat américain sur la mort de David, mon fils qui a 25 ans, tué cette nuit par un drone", a-t-il déclaré jeudi à l'AFP.
Un responsable du Pentagone a affirmé que David Drugeon avait probablement été tué mais que la confirmation de sa mort nécessiterait un peu de temps.
Le général Lloyd Austin, qui dirige le Commandement central des forces américaines (CentCom), a confirmé jeudi que David Drugeon était considéré comme "l'un des éléments du commandement et l'un des éléments les plus dangereux de cette organisation". S'exprimant à Washington, il a refusé d'ajouter si Drugeon avait péri dans ces frappes.
La chaîne américaine Fox News, citant un haut responsable de la défense, a affirmé tard jeudi soir qu'il avait été tué par un missile tiré par un drone contre une voiture dans laquelle il se déplaçait dans le gouvernorat d'Idlib. D'après Fox News, David "Daoud" Drugeon, âgé de 24 ans, s'était rendu en Egypte en 2010 pour apprendre l'arabe avant de gagner le Pakistan, d'où il avait rallié el-Qaëda.
"Nous sommes toujours en train d'évaluer les résultats de cette attaque, mais d'après les indications initiales dont nous disposons, elle a eu les effets recherchés", a indiqué le CentCom dans un communiqué diffusé jeudi. "Ce réseau se préparait à attaquer en Europe ou sur notre sol, et nous avons agi de manière décisive pour protéger nos intérêts et détruire leurs capacités d'action", précise le CentCom.
(Pour mémoire : Khorassan : phénomène médiatique ou nébuleuse terroriste en gestation ?)
"J'ai une lueur d'espoir parce qu'on ne m'a pas confirmé sa mort (...), mais vu le déferlement de presse et de médias actuellement, malheureusement tout laisse croire qu'il aurait été tué par un missile", a reconnu son père, en montrant des photos de son fils alors tout jeune, en maillot de foot devant un sapin de Noël ou à la piscine.
Dans une lettre, qui constitue le dernier signe de vie adressé en 2010 à son père, David Drugeon déclare: "On se retrouvera dans l'au-delà et je mourrai en martyr". "Une phrase qui me marque dans le coeur depuis 2010", a souligné Patrice Drugeon.
"Je n'ai pas de mots, les mots me manquent mais comme il m'avait dit: il aurait aimé mourir en martyr. Mais si c'est ça, à 25 ans, mourir en martyr, tout ça pour quoi?", a demandé M. Drugeon. "Il est parti le 17 avril 2010 d'ici, pour moi, il partait en école coranique en Egypte, et il revenait soit à l'été, soit à Noël. Je lui ai dit +au revoir+, je ne lui ai pas dit +adieu+", a-t-il ajouté sur la chaîne de télévision française France 2.
Apprenant que son fils était devenu un expert en explosifs, M. Drugeon s'est exclamé: "ça m'a fait froid dans le dos (...). Jamais j'aurais imaginé qu'il montre cette voie-là, cette voie de la guerre, de la bombe, de l'envie de tuer".
David Daoud Drugeon avec des amis. AFP/Photo fournie par la famille Drugeon
Converti très jeune à l'islam
La mort du jeune homme serait un coup dur pour Khorassan, puisque "Daoud", le nom qu'il s'est donné après sa conversion à l'islam, brillait par son savoir-faire en matière d'explosifs, selon une source sécuritaire française à l'AFP.
David s'est converti très jeune à l'islam, a expliqué son père : "13 ans, vous imaginez? On était en divorce avec sa maman, mais j'avais de bonnes relations avec David et son frère aussi, il n'y avait pas de problème. Je l'ai vu se convertir, mais il était modéré".
"Il a été baptisé, il avait reçu une éducation européenne, avec des parents qui ont la foi chrétienne, et... la dérive", a poursuivi le père, un chauffeur de bus de l'agglomération de Vannes.
Dans la dernière lettre de David, "il y avait deux ou trois phrases qui me disaient qu'il allait bien, qu'il était en bonne santé, que la voie de l'islam était une bonne voie et qu'il priait pour moi, qu'il pensait à moi à la famille, mais que si on se retrouvait c'était dans l'au-delà...", a-t-il ajouté.
"Je dis aux parents de vraiment faire attention à leurs enfants, de les écouter, de parler avec eux, de les dissuader de partir au jihad, parce que d'apprendre la mort de son fils sur l'internet c'est quelque chose de très dur, très fort et je le souhaite à personne", a déclaré M. Drugeon à l'AFP.
"Jamais je n'aurais pensé qu'il puisse faire ça et voilà ou ça en est arrivé maintenant. Jamais je n'aurais imaginé son destin et sa voie", a-t-il confié.
(Repère : Jihadistes français en Syrie et en Irak : tous les chiffres)
Un groupe constitué de militants étrangers aguerris
Les frappes américaines se sont produites dans la nuit de mercredi à jeudi dans le secteur de Sarmada, une localité du gouvernorat d'Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie, indique le CentCom. Des centres d'entraînement et des ateliers de fabrication d'explosifs ont été détruits par ces bombardements, ainsi que plusieurs véhicules et bâtiments servant à des réunions. Au total, cinq cibles du groupe Khorasan ont été visées au moyen de bombardiers, de chasseurs et de drones.
Le groupe Khorasan est constitué de militants étrangers aguerris. Son existence n'a été révélée qu'à la mi-septembre par les autorités américaines. Il regrouperait quelques dizaines d'anciens membres d'el-Qaëda qui opéraient dans la région de la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan qui se sont redéployés en Syrie, non pas pour combattre le régime de Bachar el-Assad mais pour recruter et former des agents dans des zones tenues par les rebelles islamistes du Front al-Nosra en vue d'opérer à l'étranger.
Déjà visé en septembre
Le groupe Khorasan avait déjà été visé le 23 septembre en marge des premiers raids aériens lancés contre des cibles de l'organisation Etat islamique (EI) en Syrie. Contrairement aux frappes contre l'EI, auxquelles plusieurs pays arabes alliés de Washington avaient participé, ce premier raid contre le groupe Khorasan avait été mené par les seules forces américaines.
Dans un premier temps, la défense américaines pensait avoir touché un des chefs présumés du groupe, le Koweïtien Mohsen al-Fadhli. Les services de renseignement estiment à présent qu'il a échappé aux premières frappes. On ignore s'il a été visé dans cette nouvelle série de raids aériens contre Khorasan.
Le nom de David Drugeon avait été évoqué lorsque le groupe de presse américain McClatchy avait affirmé il y a un mois qu'un ancien officier du renseignement français avait rejoint les rangs du jihad en Syrie et avait été la cible fin septembre d'une frappe américaine. Le ministère français de la Défense avait toutefois démenti toute implication d'un ancien agent français. La Direction Générale de la Sécurité extérieure (DGSE, renseignement extérieur) s'était refusée pour sa part à tout commentaire, de même que le ministère français des Affaires étrangères.
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commentaires (8)
Pire que les Takfiristes fakkihistes, ces djihadistes !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
17 h 17, le 08 novembre 2014