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Économie - Liban - Éducation

À l’université aussi, la crise économique se fait ressentir

Conjoncture économique morose, frais de scolarité en hausse, baisse du pouvoir d'achat des ménages... Qu'ils soient aidés par leurs parents, bénéficiaires d'une bourse ou obligés de travailler pour financer leur scolarité, les étudiants aussi sont concernés par la morosité économique ambiante.

Selon les chiffres du service social de l’USJ, sur 12 000 étudiants inscrits en 2013 quelque 2 260 ont bénéficié d’une aide pour financer leurs études. 1 135 ont souscrit à un prêt étudiant, le reste a bénéficié d’une bourse.

À moins d'une semaine de la rentrée des classes, c'est l'effervescence sur le campus de la faculté de médecine de l'Université Saint-Joseph (USJ). Quelque peu désorientées, Zeinab et Neemat, fraîchement bachelières, sont venues régler les dernières formalités. Les deux amies ont décidé de suivre des études scientifiques. La première s'est inscrite en pharmacie visant une licence en trois ans, la seconde un master en laboratoire pour une durée de cinq ans.

Pour réaliser ces ambitions, chacune des jeunes filles devra débourser entre 8 000 et 10 000 dollars par an. « Ce sont mes parents qui règlent les frais, précise Zeinab. Mon père préfère que je me concentre sur mes études plutôt que de travailler. » Idem pour sa camarade et pour près de 90 % des étudiants inscrits à l'USJ, selon les estimations du service social de l'université francophone.
Pourquoi l'USJ plutôt que l'université publique gratuite ? « Pour la discipline des pères jésuites et la qualité de l'enseignement en français », répond Neemat.

C'est également l'argument avancé par Yara, 18 ans, venue s'inscrire en diététique et nutrition, accompagnée de son amie Maya, 19 ans. Toutes deux ont suivi une première année de biochimie à l'Université libanaise, mais, pour la seconde année, les jeunes filles emprunteront des voies différentes. Yara continuera sa licence à l'USJ, Maya, elle, a fait le choix de rester à l'université publique.

« J'ai réussi le concours d'entrée à l'USJ, mais je préfère ne pas faire supporter ce poids financier à mes parents, concède Maya. Pour une licence, il faudrait compter quelque 27 000 dollars, alors qu'à l'Université libanaise, les frais sont pratiquement gratuits et les enseignants aussi bons. Le seul problème, c'est qu'il faut travailler beaucoup plus dur car le nombre d'élèves est trop important. Nous sommes cinq classes de 250 élèves dans mon domaine alors qu'ici à l'USJ, les classes sont au maximum de 40 élèves », explique la jeune fille.

(Lire aussi : Plus de 80 % des jeunes diplômés libanais pessimistes quant à l'accès à un premier emploi)


Pour d'autres étudiants, le choix de l'université privée s'impose aussi par la spécialité choisie. C'est le cas de Joanna, 21 ans, étudiante en architecture extérieure à l'Université Saint-Esprit de Kaslik (Usek). « Avec un baccalauréat technique en poche, il était difficile pour moi de passer le concours d'entrée à la faculté des beaux-arts de l'Université libanaise, explique-t-elle. J'ai alors fait le choix de l'Usek soutenue par l'aide financière de mes parents. » À sa première année, les frais universitaires s'élevaient à 7 000 dollars l'année, aujourd'hui ils ont augmenté à 10 000 dollars. « Mon rêve ? Poursuivre mes études en Italie où l'université est moins chère, en espérant pouvoir un jour rendre à mes parents, au moins partiellement, ce qu'ils ont fait pour moi », conclut-elle.

La crise économique est passée par là...
Dans un contexte de crise économique, il devient de plus en plus difficile pour les ménages d'assumer le financement d'un enseignement supérieur privé. Pour beaucoup de familles qui, contrairement à celle de Maya, ne souhaitent pas renoncer à cet enseignement, le recours aux prêts bancaires devient alors un impératif.
« Les parents n'ont plus les moyens d'assumer la totalité des études de leurs enfants, explique à cet égard Élie Abou Khalil, responsable du département du détail à la Byblos Bank. Les revenus des ménages ont tendance à diminuer vu la conjoncture actuelle tandis que les frais de scolarité connaissent, eux, une augmentation. Ce déficit de paiement est alors comblé par les crédits bancaires. »

Byblos Bank a signé en 2010 un contrat de 25 millions d'euros avec l'Agence française de développement (AFD) pour accorder des prêts étudiant. Ce fonds a ainsi permis d'octroyer des crédits à un taux subventionné par la Banque du Liban à hauteur de 3 %. Ces crédits peuvent financer jusqu'à 75 % du montant des études. « Durant les deux années suivant la fin de l'enseignement, l'étudiant ne rembourse que le taux d'intérêt et peut ensuite s'acquitter de la somme restante sur une période de 10 ans », poursuit le responsable bancaire.
Entre 2010 et 2014, Byblos Bank a ainsi accordé des prêts étudiants pour un montant de 27,7 millions de dollars à quelque 1 200 étudiants.

« 2013 a été une année où la demande de ce type de crédits a particulièrement augmenté vu la dégradation économique dans le pays, ajoute Élie Abou Khalil. Les demandeurs sont en général des Libanais de la classe moyenne, qui ne peuvent plus débourser la totalité des études de leurs enfants ou même se permettre un remboursement sur trois ans, ils ont alors recours à des crédits plus échelonnés. »

(Lire aussi : Le Liban et ses jeunes ont les honneurs de la liste MIT des innovateurs)


Même analyse pour Dania Kassar, directrice de la communication à la Fransabank. « Le coût des études est bien plus élevé que le salaire minimum du pays, mais le diplôme universitaire est une nécessité pour pénétrer le marché du travail actuellement, les familles ont alors recours aux crédits. »
C'est le cas d'Éliane, 21 ans et étudiante en finance à l'Université Saint-Esprit de Kaslik. Pour financer ses études, la jeune fille a eu recours un prêt bancaire à hauteur de 75 % du montant de ses études, soit 20 000 dollars au moment où elle a formulé sa demande.

Mais en quatre ans, les frais universitaires ont bien augmenté. « Il y a quatre ans, l'année à l'Usek était à 6 500 dollars, maintenant les frais ont augmenté à 8 000 dollars », raconte la jeune fille. L'année dernière le montant de son prêt à 20 000 dollars étant ainsi arrivé à son terme, l'étudiante à dû s'acquitter elle-même des 8 000 dollars supplémentaires dus à la hausse des coûts de scolarité. Pour cela, elle travaille dans un musée neuf heures par jour incluant le dimanche. « Mes études ? Je révise autant que possible mais seulement avant les examens », regrette-t-elle.

Retour à l'USJ, sur le campus des sciences sociales à quelques mètres à peine de la faculté de médecine. Jana, 20 ans, scrute son nouvel emploi du temps, le sourire aux lèvres. « Je suis passionnée de psychologie et j'ai hâte de débuter les cours lundi », livre-t-elle.
Jana fait partie des 1 125 étudiants de l'USJ à avoir bénéficié d'une bourse pour financer leurs études à hauteur de 73 %. Pour le reste de ses dus, la jeune étudiante en psychologie a travaillé tout l'été. « Je suis fière de cette responsabilité, livre-t-elle. À mon âge, mes amis pensent à sortir et à s'amuser, moi je sais que je n'ai pu payer les 2 400 dollars à l'université grâce à mon travail. »
Selon les chiffres du service social de l'USJ, sur 12 000 étudiants inscrits en 2013 quelque 2 260 ont bénéficié d'une aide pour financer leurs études. 1 135 ont souscrit un prêt étudiant, le reste a bénéficié d'une bourse, comme Jana.

Pour ceux qui n'ont recours ni à l'aide de leurs parents ni à une bourse universitaire, le passage à la vie active n'attend pas la remise des diplômes. C'est le cas de Christelle, 22 ans. La jeune femme étudie la comptabilité et les affaires à l'Arab Open University (AOU) depuis 2010. Il s'agit d'une faculté privée où les frais s'élèvent à 3 500 dollars par an. Pour s'acquitter de cette somme, Christelle a commencé à travailler dès sa première année universitaire. « J'ai occupé différents postes depuis le début de mes études universitaires », raconte-t-elle.
Aujourd'hui, elle travaille neuf heures par jour comme comptable pour environ 900 dollars par mois, ce qui lui permet de financer entièrement ses frais de scolarité.
« Dans un monde parfait où l'État assurerait l'éducation des jeunes, j'aurais aimé étudier à l'USJ, avoue-t-elle. Les professeurs y sont plus expérimentés qu'à l'AOU, et je pense qu'il est plus aisé de trouver un emploi en venant d'une université renommée au Liban », ajoute la jeune femme.

Malgré cela, la jeune femme ne regrette pas son parcours, bien au contraire. « J'ai réalisé que travailler et étudier en même temps est une expérience unique. Ma vie étudiante est enrichie par ma vie professionnelle. Je sais comment gérer mon argent et suis déjà responsable. Je recommande cette expérience enrichissante à quiconque. »

 

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À moins d'une semaine de la rentrée des classes, c'est l'effervescence sur le campus de la faculté de médecine de l'Université Saint-Joseph (USJ). Quelque peu désorientées, Zeinab et Neemat, fraîchement bachelières, sont venues régler les dernières formalités. Les deux amies ont décidé de suivre des études scientifiques. La première s'est inscrite en pharmacie visant une licence...

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j'ajouterais à l'adresse de Faouzi Fakhouri, que ma mère était connue sous le nom de "M'Chafic" du prénom de mon frère ainé Ma mère et mon frère cadet sont enterré au cimetière de Beit Chabab Je ne sais pas si la maison de mes parents existe encore... Je suis retraité confortablement Si je peux participer à quelque initiative pour l'avenir de l'artisanat de Beit Chabab, je suis partant

FAKHOURI

16 h 53, le 12 septembre 2014

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Commentaires (1)

  • j'ajouterais à l'adresse de Faouzi Fakhouri, que ma mère était connue sous le nom de "M'Chafic" du prénom de mon frère ainé Ma mère et mon frère cadet sont enterré au cimetière de Beit Chabab Je ne sais pas si la maison de mes parents existe encore... Je suis retraité confortablement Si je peux participer à quelque initiative pour l'avenir de l'artisanat de Beit Chabab, je suis partant

    FAKHOURI

    16 h 53, le 12 septembre 2014

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