Vous avez joué « La Musica deuxième » avec Niels Arestrup en 1995. Vingt ans après vous reprenez avec Gérard Depardieu. Est-ce que la performance théâtrale est la même ou change-t-elle avec le partenaire ?
Forcément, elle change avec un partenaire différent, mais je ne peux pas encore en parler puisque je n'ai pas encore joué avec Gérard. Ce sera à Riga la première fois qu'on jouera ensemble La Musica (demain, 29 août). Chaque acteur est différent, chaque acteur s'avance masqué mais il n'est que ce qu'il est.
Vous êtes de celles qui pensent que le comédien apporte au texte sa propre expérience et son passé, ou bien devient-il un personnage différent en montant sur les planches ?
Quand il monte sur les planches, je crois qu'un acteur a ce privilège et cette opportunité d'être finalement honnête ce que, peut-être dans la vraie vie, il n'a pas l'occasion ni le courage d'être. La scène donne aux acteurs la possibilité d'ouvrir leur cœur, leur esprit, leur corps mais, par ailleurs, on ne peut être que ce qu'on est. Au théâtre, c'est soi et pas soi. C'est tout ce que la vie vous a fait connaître et tout ce qu'on imagine d'elle. Je ne crois pas que le théâtre soit un psychodrame, mais une possibilité d'être meilleur, d'agrandir le spectre de l'humanité.
« La Musica deuxième » est un rythme de mots musicaux mais surtout de non-dits. Comment un acteur peut-il exprimer ces non-dits ?
Je pense qu'au théâtre, c'est comme pour la sculpture. Quand on prend un bloc de pierre, la forme arrive avec ce qu'on enlève. Les non-dits et les silences sont ce qu'on enlève de la pierre. C'est ce qu'il y a entre les mots.
Lorsque vous jouez une pièce qui a été auparavant interprétée par d'autres comédiens, la voyez-vous pour ne pas faire comme les autres ?
Sinon, comment procédez-vous ?
Non, je ne regarde jamais ce que font les autres. Quand je joue une pièce, c'est comme si elle n'avait jamais été présentée. C'est comme si elle avait été écrite pour moi. J'ai même tendance à trahir les auteurs avec leurs indications, leurs didascalies, cela m'est égal. C'est la possibilité, finalement, de vivre quelque chose qui n'appartient qu'à moi.
Vous jonglez ces derniers temps entre cinéma et théâtre. Laquelle de ces deux disciplines artistiques vous convient-elle à présent ?
Je pourrais dire que c'est comme entre un mari et un amant. Si on a les deux, c'est qu'on n'arrive pas à choisir. J'aime le théâtre et le cinéma. Je pense que quand vous avez été au théâtre un certain temps, vous vous nourrissez pour le cinéma et quand vous êtes resté longtemps au cinéma vous vous nourrissez pour le théâtre. Ce sont deux disciplines qui se nourrissent l'une de l'autre. Techniquement c'est différent, mais dans le fond, c'est toujours l'intérieur de soi qui compte, son âme, son esprit. Ce qui, finalement, est différent, c'est le public. Un spectateur du cinéma n'est pas le même que celui du théâtre. Au théâtre, il est la partie prenante alors qu'au cinéma, il subit. À mon avis, au théâtre il ne faut pas oublier que nous venons du cinéma donc habitué au gros plan, à la caméra près. Nous devons par conséquent faire attention de ne pas tricher sur scène. On pourrait enfin dire que la différence entre le théâtre et le cinéma, c'est que le premier est un coureur de fond alors qu'au cinéma chaque prise est un course du 100 mètres.
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18 h 29, le 28 août 2014