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Culture - Festivals - Baalbeck

État de grâce avec Angela Gheorghiu

Une voix qui a la douceur des archanges et le feu des orages. Angela Gheorghiu, accompagnée du pianiste Alexandru Petrovici, a offert au Casino du Liban, dans le cadre du Festival de Baalbeck, un bouquet d'arias et de lieds belcantistes multilingues. Un état de grâce où se croisent glamour et brio vocal.

Deux romantismes, également impétueux et tonitruants...Press photo

Sous le sigle en cercle du festival, au fond de la scène, ensemble de candélabres aux pieds en argent. Leur lueur diffuse illumine, sous les spots dardés sur les feux de la rampe ornée d'un collier de fleurs, le piano à queue au couvercle ouvert et les deux artistes applaudis à tout rompre par une salle comble.
Cheveux couleur d'ébène flottant sur les épaules, teint clair laiteux, pas de bijoux, fidèle à son image de diva assoluta, Angela Gheorghiu a concocté aux mélomanes libanais le même programme que celui de la Scala de Milan, donné en mai 2014.
Programme à la palette étendue, mais cédant de toute évidence au plaisir de plaire et de donner toute l'ampleur et toute la puissance d'une voix aux modulations exceptionnelles. Allant du cristal le plus clair aux tonalités les plus sombres.


De ce Grillon de Philippe Rameau à cette Nuit d'étoiles de Claude Debussy, en passant par le Chant d'amour de Bizet, l'Élégie de Massenet, la Mandoline de Fauré ou Plaisir d'amour de Martini (à qui l'artiste a donné un souffle, une chair et un esprit nouveaux !), l'expression lyrique, avec ses scintillements de l'esprit français, est ici au sommet de sa formulation. Dans ses nuances, ses silences, ses points d'orgue, son phrasé fluide ou précipité, ses élans passionnels ou ses retenues, sa légèreté, sa gravité.
Changement de registre avec les mélodies de Rachmaninov. Qu'on aurait souhaité (tout comme pour le répertoire italien ou roumain) traduites et projetées sur écran, ou distribuées sur « flyers » indépendants pour une meilleure compréhension et perception. Car les images sonores ne véhiculent qu'une partie de l'émotion, le texte étant la substance vive de ce qui échappe au gosier magique et doré d'une cantatrice.
La scène lyrique italienne prend le relais et c'est Adrienne Lecouvreur de Cilea qui ouvre les vannes de la tragédie, des véhémences enflammées et des sentiments exacerbés. Et suivra, en bis, ce suave et bouleversant O mio babbino caro de Puccini où une fille implore la clémence de son père pour l'élu de son cœur.


En seconde partie, arborant une robe d'une fraîcheur d'été, en voile aux motifs ramagés qu'elle fait danser avec une exquise coquetterie dans ses draperies vaporeuses, Angela Gheorghiu entame le bel canto, avec un brin de touchant nationalisme, dans ses vibratos et sa descente au cœur de la terre d'origine. En images sonores phares, Enescu. Dans ses intonations puisées de la sève nourricière patriotique. Pour ce qui est sa vérité, en musique, on reprend ses propres mots : « La perfection qui passionne tant de gens ne m'intéresse pas. Ce qui importe, en art, c'est de vibrer soi-même et de faire vibrer les autres. » Alors pari réussi !
Se succèdent en un chapelet soutenu et brillant, frais souvent comme une eau de source, des pages aux couleurs du pays de Zamfir. Révélation d'une musique que l'on ignore dans cette contrée et le soprano, en fin héraut, fait éclater et claironner. Avec des partitions détonantes de vie, de rythme, de cadence. De Sabin Vasile à Edouard Caudella, en passant par Mezzetti, Dima, Negrea, Brediceanu et Stefanescu, le chant roumain est brusquement un tournoiement de notes entrelacées, vrillées à la Roumanie profonde, empreintes de ses paysages séduisants et de son joyeux folklore bariolé. Combien auraient été éclairantes et enrichissantes les projections de traduction dans cette déambulation in terra incognita.
En interlude, le pianiste Petrovici, discret et efficace accompagnateur, n'en est pas moins un concertiste soliste. De La tristesse de Chopin au Prélude (op 3 n° 2) de Rachmaninov, en passant par un Nocturne (op 9 n° 2) du pèlerin polonais, le clavier a fait des étincelles pour un univers habité des nostalgies et des langueurs du poète du piano tout autant que des accords plaqués et rageurs sur fond de tourmente et d'aspiration à la paix du génie de Semionovo exilé en Amérique.


Deux romantismes, également impétueux et tonitruants, avec des échappées belles et des sérénités d'azur, se croisent sous les doigts du pianiste sur les touches d'ivoire. En attendant que la voix de Gheorghiu resurgisse et emporte à nouveau l'auditoire vers d'autres rives, d'autres cieux, d'autres contrées, d'autres espaces.
Trombe d'applaudissements et standing ovation pour une diva qui, tout en faisant la révérence à un public qu'elle a totalement mis sous sa coupe, serre avec élégance deux superbes gerbes de fleurs. Un public certes enthousiaste, mais à l'addiction au portable affligeante car les sonneries étaient des parasitages que même la cantatrice a souligné, avec le sourire. Tout comme ce petit chahut incongru au portillon après l'entracte et la promenade impromptue de quelques retardataires entre les rangées.
Mis à part ces deux insignifiants nuages, une soirée dont on se souviendra avec bonheur, longtemps encore.

 

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Sous le sigle en cercle du festival, au fond de la scène, ensemble de candélabres aux pieds en argent. Leur lueur diffuse illumine, sous les spots dardés sur les feux de la rampe ornée d'un collier de fleurs, le piano à queue au couvercle ouvert et les deux artistes applaudis à tout rompre par une salle comble.Cheveux couleur d'ébène flottant sur les épaules, teint clair laiteux, pas de...

commentaires (1)

... la douceur des archanges ? C'est comment au juste? ... les spots dardés sur les feux de la rampe ? Mais les spots SONT les feux de la rampe ! Que fallait-il traduire dans les morceaux pour piano SOLO de Rachmaninov? Les notes jouées peut-être ? Des partitions "détonantes" ? C.-à-d. explosives ? Ou bien détonnantes, c.-à-d. "out of tune" ? ...Angela Gheorghiu entame le bel canto, jusqu'ici c'était quoi au juste ? ...Changement de registre avec les mélodies de Rachmaninov, mais elle n'a RIEN chanté de Rachmaninov! Et tout le reste à l'avenant. Navrant.

Paul-René Safa

12 h 49, le 07 août 2014

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Commentaires (1)

  • ... la douceur des archanges ? C'est comment au juste? ... les spots dardés sur les feux de la rampe ? Mais les spots SONT les feux de la rampe ! Que fallait-il traduire dans les morceaux pour piano SOLO de Rachmaninov? Les notes jouées peut-être ? Des partitions "détonantes" ? C.-à-d. explosives ? Ou bien détonnantes, c.-à-d. "out of tune" ? ...Angela Gheorghiu entame le bel canto, jusqu'ici c'était quoi au juste ? ...Changement de registre avec les mélodies de Rachmaninov, mais elle n'a RIEN chanté de Rachmaninov! Et tout le reste à l'avenant. Navrant.

    Paul-René Safa

    12 h 49, le 07 août 2014

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