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Économie - Quatre questions à...

« Erdogan part avec l’avantage d’un bilan économique positif »

Julien Vercueil, maître de conférences en sciences économiques à l'Institut national des langues et
civilisations orientales.

Le nouveau président de la République turque, Recep Tayyip Erdogan. Adem Altan/AFP

Peu après l'élection du nouveau président de la République turque Reccep Tayyip Erdogan lundi dernier, les marchés financiers turcs se sont orientés à la baisse. Cette élection étant, aux yeux des investisseurs, porteuse de troubles économiques.

L'orientation économique du nouveau président influencerait-elle positivement ou négativement les marchés turcs ?
Jusqu'à présent, la politique conjoncturelle du gouvernement a été guidée par la perspective des élections et la nécessité pour le gouvernement de conserver un soutien populaire, qui avait montré sa fragilité lors des manifestations. Le gouvernement a donc soutenu la consommation des ménages, qui a été le principal moteur de la croissance turque durant les derniers mois avec l'investissement. De ce fait, les performances économiques de la Turquie ont été bonnes (plus de 4 % de croissance du PIB en 2013), à contre-courant de ce qu'on a observé en Europe où les politiques sont restées restrictives et ont, de ce fait, cassé la reprise. Ce dynamisme s'est accompagné d'une inflation un peu plus élevée que la moyenne, mais qui est restée modérée et sous contrôle (taux à 7,5 %). Le nouveau président part donc avec l'avantage d'un bilan économique relativement positif. Ce bilan doit toutefois être nuancé par deux déséquilibres potentiellement dangereux pour l'économie turque : le déficit des transactions courantes, qui est resté à près de 8 % du PIB en 2013, ce qui pour un pays émergent est un élément de vulnérabilité à court terme, et un taux de chômage qui officiellement se situe aux alentours de 10 %, mais pourrait croître rapidement si la croissance venait à faiblir dans les années à venir, compte tenu de la structure par âge de la population. L'impact sur les marchés de l'élection présidentielle ne peut donc pas être négatif à mon sens. Mais tout cela est surdéterminé par l'évolution, dans les mois qui viennent, de la situation régionale : la Turquie se trouve dans une zone de conflits et de tensions géopolitiques croissants (Irak, Syrie, Israël-Palestine, Ukraine).

La politique économique menée par Erdogan en tant que Premier ministre pourrait-elle changer avec Erdogan président de la République ?
Cela dépendra en grande partie de la capacité de M. Erdogan président à faire évoluer les attributions de sa fonction : le président a dans la Constitution actuelle des pouvoirs exécutifs bien moins étendus que le Premier ministre, et il n'est certainement pas dans les intentions de M. Erdogan que cet état de fait perdure indéfiniment. Aura-t-il les moyens politiques de modifier la Constitution ? C'est la première question qu'il faut se poser.

L'incertitude politique en début de toute élection présidentielle pourrait-elle préoccuper les investisseurs? Pourquoi, aux yeux de ces derniers, cette élection est porteuse de risques institutionnels et économiques ?
Je ne crois pas que l'incertitude politique à laquelle vous faites référence soit le principal facteur susceptible de troubler les investisseurs. À moins d'une erreur politique majeure du nouveau président, qui modifierait la donne (par exemple des décisions entraînant un conflit politique et un affaiblissement de l'exécutif dans son ensemble), ce point me semble devoir jouer un rôle mineur par rapport à ce qui compte le plus aujourd'hui : la manière dont la Turquie continue de jouer un rôle stabilisateur, économiquement comme politiquement, dans la région du Proche-Orient, tout en maintenant une relation privilégiée avec l'Union européenne. Tant qu'il n'y aura pas de doute sur cet aspect de la politique turque, les investisseurs occidentaux continueront d'avoir confiance dans le potentiel économique de ce pays, qui est considérable.

Le nouveau président devra-t-il faire moins de pression sur la Banque centrale pour que les marchés repartent à la hausse ? Quelle politique devra-t-il mener ?
L'indépendance de la Banque centrale est un sujet délicat, en Turquie comme ailleurs. La relation entre l'exécutif et la Banque centrale ne doit pas être ouvertement conflictuelle. Cela est plus important que les dispositions légales qui encadrent cette même relation. Car lorsque survient ce type de conflit, la politique macroéconomique n'est plus cohérente et affaiblit les perspectives conjoncturelles. Le deuxième point qui me paraît nécessaire est que la politique monétaire reste en accord avec les besoins du moment de l'économie : si la croissance faiblit, la politique monétaire est, le plus souvent, le premier levier pour la stimuler. Il faut donc qu'elle ne soit pas engoncée dans des dogmes rigides et qu'elle soit gérée par des gouverneurs pragmatiques. Depuis 2010, la Turquie a bénéficié d'afflux de capitaux étrangers bienvenus, compte tenu de son déficit courant. Ils sont toutefois essentiellement constitués d'investissements en portefeuille. Le défi de la politique monétaire et budgétaire des années à venir consistera à améliorer la structure des investissements entrants en Turquie pour stabiliser les perspectives de croissance à long terme.

Peu après l'élection du nouveau président de la République turque Reccep Tayyip Erdogan lundi dernier, les marchés financiers turcs se sont orientés à la baisse. Cette élection étant, aux yeux des investisseurs, porteuse de troubles économiques.
L'orientation économique du nouveau président influencerait-elle positivement ou négativement les marchés turcs ?Jusqu'à présent, la...
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