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Liban - Crise

Présidentielle : séance reportée et « surenchères » autour de la prorogation du mandat des députés

Ce sont surtout les craintes d'un vide généralisé qui se sont exprimées, justifiant le scénario d'une nouvelle extension de la législature.

Au fil des séances électorales reportées, l'image que renvoie la place de l'Étoile est accablante : les députés du 14 Mars et des blocs centristes continuent de s'y rendre par principe, « par détermination », malgré le boycottage de la présidentielle par le 8 Mars (à l'exception du mouvement Amal). Même le président de la Chambre s'est absenté hier de l'hémicycle, pour la troisième fois consécutive, reportant au 2 septembre la dixième séance électorale, à partir de Aïn el-Tiné.
Les craintes de voir se ternir, d'une manière irréversible, le rôle de la présidence de la République grandissent. Un rôle pourtant crucial face aux dangers régionaux, comme devait le rappeler hier le député des Forces libanaises, Élie Keyrouz, rappelant que le candidat de son parti, Samir Geagea, « a présenté plusieurs issues au nœud de la présidentielle ».
Mais ce sont surtout les craintes d'un vide généralisé, initié avec la vacance présidentielle, qui se sont exprimées, justifiant le scénario d'une nouvelle autoprorogation du mandat parlementaire.
Le député Nicolas Fattouche a ainsi présenté une proposition de loi pour la prorogation du mandat de deux ans et sept mois, invoquant des circonstances exceptionnelles liées à la situation sécuritaire (voir ci-dessous).
S'il est presque certain, du moins officieusement, que le Parlement prorogera son mandat, les réserves émises à ce sujet ne manquent pas de s'exprimer officiellement, surtout chez les parties chrétiennes, avec un flou entretenu sur la question par le tandem Amal-Hezbollah.
Le député Boutros Harb a refusé hier catégoriquement que des élections législatives aient lieu avant l'élection présidentielle. « Tenir des élections législatives sans président revient à porter un coup au système », a-t-il déclaré depuis le Parlement. Autrement dit, « toute l'affaire dépasse la question du respect du pacte national et de l'aval des chrétiens à la prorogation. Il y va désormais de l'existence du pays, de l'État, de la conception même de la République et de l'État démocratique ». Dans cette logique, considérant que « l'extension du mandat de la Chambre est une conséquence du boycottage de l'élection présidentielle », le député Harb a appelé les parties qui maintiennent leur boycottage des séances électorales mais refusent en même temps la prorogation du mandat parlementaire à se rendre à l'hémicycle. Maintenant l'espoir que le retour de Saad Hariri soit un prélude à la relance du dialogue, Boutros Harb a dit vouloir « examiner prochainement avec le président de la Chambre une issue à ce cercle vicieux inacceptable ».
Même son de cloche du côté des Kataëb, dont le député Élie Marouni a établi le même rapport de causalité entre le boycottage de la séance électorale et la prorogation du mandat parlementaire, tout en opposant son refus à cette dernière option.
Paradoxalement, les blocs chrétiens qui boycottent la présidentielle manifestent la plus grande hostilité à une éventuelle autoprorogation du mandat parlementaire. Pour le député Ibrahim Kanaan, qui s'exprimait à la Voix du Liban (93.3), cette option « porterait un coup aux institutions et à la crédibilité du Liban ». La solution serait, selon lui, de procéder à des élections législatives « sur la base d'une nouvelle loi électorale équitable ».

Dualité berryste
Ce refus aouniste est relayé par les déclarations du président de la Chambre devant ses visiteurs de Aïn el-Tiné, où il se pose officiellement en fervent pourfendeur de la prorogation. Pourtant, c'est la perspective de cette prorogation et le moyen de la mettre en œuvre qui avaient sous-tendu l'initiative du chef du Front de lutte nationale, le député Walid Joumblatt, et fait l'objet de son entretien dans ce cadre avec le président de la Chambre, comme l'avaient affirmé à L'Orient-Le Jour des sources du PSP. Le député du bloc du Développement et de la Libération (bloc berryste), Kassem Hachem, n'a pas commenté une possible prorogation. Il s'est contenté de critiquer une nouvelle fois le blocage de la présidentielle, appelant à « l'abandon des intérêts égoïstes et personnels, quelle que soit leur source, l'essentiel étant d'aboutir à un consensus, au plus vite, sur le nom du nouveau chef de l'État ». Le Hezbollah, quant à lui, n'a toujours pas décidé s'il cautionnerait la prorogation du mandat de la Chambre, comme devait le préciser le numéro deux du parti chiite, Naïm Kassem, lors d'un entretien télévisé la veille.

Mises en garde contre « les surenchères »
Ce flou du 8 Mars sur la question, donnant libre cours à la virulence des députés du CPL sur la question, contraste avec la position claire du Futur et les nuances dans les discours des Forces libanaises (« Notre responsabilité est la tenue de la présidentielle, et nous ne sommes pas particulièrement enthousiastes pour la prorogation du mandat de la Chambre », devait affirmer le député Georges Adwan). Dans la ligne de son refus de principe de tenir des législatives avant d'avoir élu un nouveau chef de l'État – une position exprimée dans sa feuille de route, avant son retour –, le leader du Futur a affirmé hier de la Maison du Centre qu'il cautionnait la prorogation du mandat parlementaire, « même si cette option était pour moi la dernière option envisageable ».
Le chef du bloc du Futur, le député Fouad Siniora (seul chef d'un bloc parlementaire à s'être rendu hier à la séance électorale), a rebondi sur cette position à sa sortie de l'hémicycle. « Je ne crois pas qu'il y ait un député souhaitant vraiment la prorogation du mandat, qui est un mandat du peuple. Le président Hariri a d'ailleurs affirmé que son bonheur serait dans la tenue des législatives », a-t-il affirmé, avant de pointer du doigt « le vrai problème », celui du blocage de la présidentielle. « Nous voulons les législatives et nous tentons de maintenir notre engagement en faveur de ce principe. Si toutefois il s'avère impossible, il faut être réaliste et assumer tous ensemble, sans surenchères, l'option de la prorogation du mandat. »
Une source parlementaire du 14 Mars explique en effet à L'Orient-Le Jour que la prorogation devait faire éviter au pays un vide généralisé. Plus précisément, avec la tenue des législatives, le gouvernement est considéré démissionnaire. Plus grave encore, une nouvelle Chambre implique l'élection d'un nouveau président de la Chambre. Or, il est fort probable que les députés chrétiens et sunnites boycotteront cette élection, à défaut d'avoir élu un président de la République – les députés aounistes seraient-ils prêts alors à aller jusqu'au bout de leur plaidoyer pour les législatives en élisant un président de la Chambre ? Le vide se généraliserait alors aux trois présidences, pavant la voie à une Constituante, selon cette source.
Si le 14 Mars est certain de contrer la tenue des législatives, la convocation des collèges électoraux se faisant par décret, il craint surtout de devoir assumer seul une prorogation qui serait en réalité convenue par tous...

Au fil des séances électorales reportées, l'image que renvoie la place de l'Étoile est accablante : les députés du 14 Mars et des blocs centristes continuent de s'y rendre par principe, « par détermination », malgré le boycottage de la présidentielle par le 8 Mars (à l'exception du mouvement Amal). Même le président de la Chambre s'est absenté hier de l'hémicycle, pour la...
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