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Lifestyle

À un poète disparu...

On a dit de lui un jour qu'il pourrait « même jouer un trou noir », si le rôle lui était proposé, preuve de l'étendue infinie de son génie.

On savait un peu qu'il y avait des trous noirs dans son âme, dans ses yeux, depuis la mort de son grand ami John Belushi, comédien hors pair décédé d'une overdose de cocaïne en mars 1982, à l'âge de 33 ans. De Niro et lui avaient été les derniers à voir Belushi vivant.
Mais Robin Williams avait ce talent inouï, magnétique, de faire rire aux éclats, de passer d'un état cryogénique à celui d'une véritable tornade en quelques millièmes de seconde. Si bien que cette tristesse infinie au fond de ses yeux, il savait la dissimuler derrière un air facétieux de lutin bondissant, intenable, entretenu depuis ses débuts à la télévision avec « Mork and Mindy », à la fin des années 70.
L'énergie du désespoir, sans doute. Un gamin coincé dans un corps d'adulte, comme dans le Jack de Francis Ford Coppola ou le Peter Pan du Hook de Steven Spielberg ; doté d'un esprit d'une intelligence ultrasensible, hors de ce monde, comme le protagoniste de l'excellent The Fisher King, de Terry Gilliam, en quête permanente d'un nouveau Graal pour donner un sens à sa misérable vie et conjurer la tristesse là où il le pouvait à coups de fantaisies burlesques néo-Monthy Python.
Rebelle et anticonformiste aussi en politique face à l'interventionnisme américain, mais quand même solidaire des troupes américaines en Irak qu'il cherchait à soutenir, comme le sublime Adrian Cronauer de Good Morning, Vietnam. Paria jusqu'au bout des ongles, comme le Vladimir Ivanoff de Moscow on the Hudson, ou comme le protagoniste de The World According to Garp de George Roy Hill, adapté de l'ouvrage iconique de John Irving. Chez Williams, le rire combattait toujours la mélancolie et les pulsions morbides, à coups de Patch Adams, de Mrs. Doubtfire et même dans les univers les plus étranges et paradoxaux, comme celui du Toys de Barry Levinson...
Cependant, il ne faut pas s'y tromper, le summum, l'acteur l'avait atteint dans ses rôles dramatiques, qu'il savait interpréter avec toute l'intensité tapie au fond de ses petits yeux bleus perçants et pétillants de souffrance, notamment Good Will Hunting de Gus Van Sant, pour lequel il obtint enfin, en 1998, l'oscar tant mérité du meilleur second rôle masculin. Pourtant, son génie, Robin Williams en avait déjà montré toute la démesure près de dix ans auparavant, dans le rôle du professeur de littérature John Keating, la figure initiatique pour toute une génération de jeunes étudiants du magistral Dead Poets Society de Peter Weir. En fait, toute la particularité de Robin Williams peut être saisie à travers cette anecdote : Steven Spielberg le contactait souvent par téléphone pour qu'il fasse des thérapies de rire à l'équipe de Schindler's List, plongée dans le climat asphyxiant du tournage...
Avec Robin Williams, c'est en effet une folle étincelle d'amour incroyable, impossible, borderline, de la vie qui s'en va – pour tous les amoureux de l'authenticité, du talent pur, du véritable cinéma, nu et raclé jusqu'à la moelle, même lorsqu'il est encastré au cœur de l'establishment, Mais aussi et surtout pour toute la génération des late eighties, celle qui a tant de fois souhaité accompagner Dustin Hoffman, Tom Cruise et Valeria Golino on the road dans Rain Man, séduire coûte que coûte Nathalie avec Hyppo dans Un monde sans pitié d'Éric Rochant, ou encore arbitrer avec Rosanna Arquette les duels d'océan entre Jean-Marc Barr et Jean Réno dans Le Grand Bleu de Luc Besson...
Pour ceux-là, le cinéma est mort hier.
Le génie d'Aladin, lui, peut enfin sortir de sa bouteille. L'électron Robin Williams a recouvré sa liberté. Il est vraiment libre. Et nous, pauvres hères, sommes désormais condamnés à la servitude éternelle ; celle du vide incommensurable qu'il laisse derrière lui...
Captain, oh my Captain ! Carpe Diem !

On a dit de lui un jour qu'il pourrait « même jouer un trou noir », si le rôle lui était proposé, preuve de l'étendue infinie de son génie.
On savait un peu qu'il y avait des trous noirs dans son âme, dans ses yeux, depuis la mort de son grand ami John Belushi, comédien hors pair décédé d'une overdose de cocaïne en mars 1982, à l'âge de 33 ans. De Niro et lui avaient été les...

commentaires (3)

L'énergie du désespoir résume malheureusement le parcours de Robin Williams .Triste fin .

Sabbagha Antoine

19 h 32, le 13 août 2014

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • L'énergie du désespoir résume malheureusement le parcours de Robin Williams .Triste fin .

    Sabbagha Antoine

    19 h 32, le 13 août 2014

  • très bel hommage,bouleversant,plein d'érudition,d'inspiration et de compassion. merci michel!!

    Bahjat RIZK

    11 h 30, le 13 août 2014

  • Alors qu'il allégeait les moments noirs et les souffrances de tant de gens et durant tant de temps, cet homme devait souffrir d'un mal mystérieux, très douloureux. Son suicide est très, très choquant.

    Halim Abou Chacra

    10 h 32, le 13 août 2014

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