Un jour ou l'autre cela ne pouvait que se produire : la crise syrienne dans toute sa complexité, dans tout le potentiel d'horreurs et de menaces existentielles qu'elle véhicule, nous frappe de plein fouet, interpelle tous ceux qui n'ont pas voulu comprendre ou qui ont opté pour la politique réconfortante de l'autruche.
Ce qui devait arriver arriva : l'intrusion libanaise dans la guerre civile syrienne, la participation de miliciens aguerris, tragiquement fanatisés, dans des règlements de comptes intercommunautaires ne pouvait avoir pour résultat que ce qui se déroule aujourd'hui dans la région de Ersal avec les inévitables ricochets tripolitains.
Et c'est ainsi que l'armée se retrouve entraînée dans la mêlée, contrainte de mener une bataille dont elle se serait bien passée et qui n'est que la réflexion du cancer qui frappe tout le monde arabe, toute la oumma musulmane, au cœur même des déchirures qui ensanglantent les communautés chiite et sunnite.
Le Liban est frappé de plein fouet par les répliques du séisme régional, les centaines de milliers de réfugiés syriens qui y ont élu domicile enfoncent les dernières portes des immunités démographiques et confessionnelles, et nos dirigeants sont encore en train de se quereller sur le sexe des anges, sur le comment et pourquoi des quotas de privilèges qui font de l'État une vache à traire, à récompenser les derniers de classe : une démission criminelle, aux niveaux exécutif et législatif, alors que les flammes embrasent toute la région et que les vautours de l'apocalypse sèment déjà mort et destruction à l'intérieur de nos frontières.
Ne l'oublions pas et cela devrait être notre angoisse latente, notre hantise permanente : presque deux millions de réfugiés syriens sont installés sur le sol libanais, éparpillés dans toutes les régions, des sunnites et des alaouites, des pro-Bachar et des islamistes convaincus, des réfugiés désemparés mais aussi des excités de la gâchette qui entendent poursuivre au Liban le combat mené en Syrie.
Il est d'ailleurs significatif que parmi les éléments armés qui investissent le jurd de Ersal (les chiffres varient entre 5 000 et 7 000) figureraient de nombreux combattants sortis des camps de réfugiés installés au Liban. Un vivier de jihadistes qui ont leurs connexions auprès de leurs alliés palestiniens, à Aïn el-Héloué plus particulièrement.
La situation est grave, elle est dangereuse et ouvre la voie au pire des scénarios dans le cas où le Hezbollah déciderait d'entrer dans la mêlée étendant ainsi au Liban la désastreuse aventure entamée sur les champs de bataille en Syrie. Si cela venait à se produire, le parti chiite rendrait alors le pire des services à une armée libanaise engagée dans une véritable bataille de légitimation de l'institution militaire, elle-même confrontée à des tentatives pernicieuses de déstabilisation avec la diffusion sur des sites suspects d'informations sur des défections d'ordre communautaire.
Walid Joumblatt a raison d'appeler à l'union sacrée autour de l'armée, au renforcement du sunnisme modéré face aux jihadistes de tous crins. Mais il se trompe lourdement en exonérant le Hezbollah de toute responsabilité dans le cheminement menant à la catastrophe d'aujourd'hui. Les Libanais ne sont pas prêts d'oublier l'épisode criminel des voitures piégées qui a suivi l'implication des combattants du Hezb dans la guerre civile syrienne. Un épisode sanglant auquel fait suite maintenant l'intrusion des nouveaux barbares en terre libanaise.
Une vacance présidentielle qui joue les prolongations, un gouvernement miné par une mésentente chronique et un Parlement qui n'entend toujours pas assumer les responsabilités qui sont les siennes et réclamer des comptes à un exécutif aux abonnés absents. Voilà comment l'État se prépare à faire face au cataclysme qui le menace.
À Ersal, entre-temps, les « fous d'Allah » réfléchissent déjà à la prochaine étape de leur croisade infernale...
Est-il déjà trop tard ?
OLJ / Par Nagib AOUN, le 04 août 2014 à 00h00
commentaires (12)
CORRECTION ! Merci : " …. Après quoi, le résultat au finish est always trop rapide, pour ne pas dire direct précoce et donc affligeant…." !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
10 h 04, le 06 août 2014