Les apparences sont souvent trompeuses. Surtout en politique. Et plus particulièrement au Liban. Serait-ce le cas pour la conjoncture présente sur la scène locale ? Il est prématuré, à l'évidence, d'apporter une réponse tranchée à cette interrogation. Tout ce qu'il est possible de faire pour l'heure, c'est d'avancer des constatations...
Le plus aisé est de commencer par les apparences. L'élection présidentielle demeure toujours dans l'impasse et tout indique que le Hezbollah reste jalousement attaché à la carte du défaut de quorum dans le but de permettre à l'Iran de monnayer, le cas échéant, cette carte dans le cadre de son bras de fer stratégique et géopolitique avec le camp occidental. Téhéran jouait jusqu'à récemment la carte du blocage politique en Irak en rejetant tout départ de son poulain, le Premier ministre Maliki. En Syrie, le jeu iranien n'échappe à personne. À Gaza, l'Iran a remis sur le tapis la carte du Hamas en provoquant une escalade sur le terrain. Idem pour le Yémen où la tête de pont iranienne, les Houthiyines, s'est livrée à une offensive aux portes de Sanaa. Et pour boucler la boucle, le Hezbollah place la présidentielle au Liban dans l'impasse. De Bagdad à Haret Hreik, en passant par Sanaa, Gaza et Damas, le régime iranien – serait-il plus exact de dire l'aile dure représentée par les pasdarans ? – a abattu ainsi ses cartes de façon quasi concomitante.
C'est précisément ce rôle joué par le Hezbollah dans ce cadre que le leader du courant du Futur, Saad Hariri, a dénoncé hier soir, sans détour et loin de toute complaisance. L'ancien Premier ministre a tenu à rappeler noir sur blanc ce qui paraît comme une lapalissade et que le 14 Mars et le courant du Futur ne cessent de souligner depuis de nombreuses années, à savoir que le Hezbollah serait le bienvenu sur la scène politique libanaise s'il joue le jeu dans le cadre des institutions et sous l'ombrelle de l'État, sans se laisser engluer dans un projet régional qui le dépasse et qui dépasse le Liban. En termes plus clairs, le rejet par le Hezbollah du fondement de la déclaration de Baabda (qui prône la neutralité du Liban dans les conflits régionaux) ne saurait être agréé et toléré par les autres composantes libanaises.
Nouvelle donne pour la présidentielle
Appliquant cette position de principe au contexte présent, le leader du courant du Futur a rejeté de manière catégorique que la présidentielle reste otage de considérations régionales ou d'une volonté de retourner à l'hégémonie syrienne au Liban, affirmant que ce cas de figure constituerait une atteinte à la coexistence consacrée par l'accord de Taëf. Dans les faits – et il s'agit là d'un développement nouveau d'une importance certaine –, M. Hariri a indiqué qu'il entamera sous peu des concertations avec ses alliés du 14 Mars « ainsi qu'avec les différentes forces politiques en dehors du 14 Mars », afin d'examiner le moyen de mettre un terme à la vacance au niveau de la présidence dans les plus brefs délais. Cela signifie, à n'en point douter, que le courant du Futur penche désormais pour un candidat d'entente susceptible d'être agréé par M. Walid Joumblatt d'abord, et par certaines factions du 8 Mars ensuite – ou même par le Hezbollah directement –, afin d'aboutir à l'élection d'un président rassembleur.
C'est là que se situerait peut-être la partie invisible de l'iceberg qui va au-delà des apparences. On chuchote en effet dans certains milieux que les décideurs occidentaux, inquiets des retombées sécuritaires du blocage politique actuel, tentent de prospecter le terrain en vue de paver la voie à l'élection d'un président consensuel, partant du principe que les principales forces politiques locales, y compris le Hezbollah, sont désormais conscientes des graves risques qu'entraîne l'absence d'un locataire à Baabda. La démarche est, certes, sage et bienvenue, mais reste à savoir si le régime des mollahs iraniens est réellement disposé à se dessaisir de la carte du défaut de quorum alors que les négociations sur le dossier nucléaire n'ont pas encore abouti aux résultats escomptés.
Il faudra encore patienter pour déterminer si oui ou non le blocage de la présidentielle est appelé à se prolonger plusieurs mois ou si l'impasse n'est à ce stade qu'une apparence. Dans l'attente que cette incertitude soit levée, M. Hariri a tenu à clarifier hier soir deux autres points fondamentaux : le rejet d'une nouvelle prorogation du mandat de la Chambre, souhaitée par le Hezbollah (ce qui implique obligatoirement qu'un nouveau président doit être élu avant les élections législatives), et surtout le refus de toute remise en question des fondements de Taëf. En soulignant sans ambages que pour lui Taëf signifie le refus du « décompte (démographique) à caractère communautaire », M. Hariri a apporté une fin de non-recevoir aux velléités du Hezbollah de modifier les équilibres confessionnels au niveau de l'exercice du pouvoir à différents niveaux.
En avançant cette feuille de route à quadruple facette, le leader du courant du Futur a pratiquement défini en quelque sorte des lignes rouges – fussent-elles théoriques – au rôle du Hezbollah au double plan local et régional. Mais il s'agit là peut-être d'un message adressé surtout au décideur iranien, pour lui signifier sans doute les limites de ses manœuvres sur la scène libanaise, car en définitive le Hezbollah n'est nullement maître de ses décisions lorsque les intérêts de Téhéran sont en jeu.
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commentaires (7)
Quand on a Rien à dire, c'est en "onomatopées" qu'alors on baragouine évidemment sans finalité et pour ne Rien dire.
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
17 h 27, le 19 juillet 2014