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À l’asile !

Elle est si énorme, celle-là, qu'elle n'avait aucune chance de passer sans commentaires et cela malgré tout le respect, l'estime, l'admiration que l'on doit à Amnesty International.


Cette organisation humanitaire s'est toujours émue de nos malheurs, qu'ils soient le fait de nos voisins israéliens et syriens, ou encore de nos hôtes palestiniens. C'est dire que depuis le temps, elle devrait être parfaitement au courant de la fragilité structurelle, organique, de ce même Liban, comme de ses capacités d'absorption extrêmement limitées. Ne voilà-t-il pas cependant qu'Amnesty nous reprochait hier un comportement discriminatoire flagrant envers les Palestiniens fuyant le feu et le soufre déversé à profusion par Bachar el-Assad. Amnesty fait ainsi état de formalités administratives draconiennes imposées à ces malheureux qui, de réfugiés en Syrie, souhaitent devenir réfugiés au Liban. Venir s'ajouter, en somme, au demi-million de déracinés vivant, depuis des décennies, dans les camps aménagés aux quatre coins de la République : question devenue un véritable cauchemar national, à tel point qu'elle figure en préambule de la Constitution.


D'autant plus injustes sont les griefs d'Amnesty que fin 2014, les réfugiés syriens représenteront plus du tiers de la population du Liban : un million et demi de personnes, dont plus de la moitié d'enfants, selon le dernier rapport de l'Onu. C'est en vain que l'organisation internationale en appelle aux États donateurs, lesquels se font tirer l'oreille pour financer les gigantesques efforts d'hébergement que déploie le Liban.

Pour son honneur mais trop souvent pour son infortune aussi, c'est une terre d'asile qu'a toujours été la nôtre ; jamais cependant les retombées de cette vocation n'auront autant tourné au désastre. De tous les pays arabes, le Liban, né du délicat équilibre démographique et communautaire entre ses diverses composantes, était le moins naturellement désigné, en 1948, puis en 1967, pour accueillir les réfugiés palestiniens. Et deux tiers de siècle plus tard, il reste le moins bien préparé pour accueillir plus que sa part (38 pour cent) de réfugiés syriens. Le relever, s'effarer d'un phénomène menaçant de revêtir la dimension d'un problème existentiel, n'est certes pas comportement discriminatoire, quoi qu'en pensent ces bonnes âmes d'Amnesty International.


Chômage en forte hausse, du fait de la concurrence illégale affectant tous les petits métiers, croissance stoppée, écoles publiques engorgées, vague de criminalité : de toutes les séquelles économiques et sociales de ce trop-plein d'humanité en détresse, la moins angoissante n'est pas cependant le risque d'épidémies. Éradiquée dans le reste du monde, oubliée depuis longtemps chez nous, la poliomyélite refait son apparition, et avec elle rougeole, tuberculose et leishmaniose. Méritoires certes sont les prestations des ministères de la Santé et des Affaires sociales. Mais la carence internationale s'ajoutant à des années de légèreté et d'imprévoyance – bien libanaises, celles-là – les stocks manquent tragiquement, souligne l'Onu, pour une campagne de vaccination massive : constat atterrant quand on songe (charité bien ordonnée) à tous les petits Libanais vivant dans des régions reculées, et historiquement délaissées, du pays.


À l'heure où la marine US s'emploie à détruire en haute mer les stocks d'armes chimiques dont s'est dessaisie la Syrie, c'est cette arme de contamination massive qu'il nous faut, en grande priorité, neutraliser.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Elle est si énorme, celle-là, qu'elle n'avait aucune chance de passer sans commentaires et cela malgré tout le respect, l'estime, l'admiration que l'on doit à Amnesty International.
Cette organisation humanitaire s'est toujours émue de nos malheurs, qu'ils soient le fait de nos voisins israéliens et syriens, ou encore de nos hôtes palestiniens. C'est dire que depuis le temps,...