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Liban - Éclairage

Entre Djeddah et Téhéran...

Depuis que l'Iran a confirmé avoir reçu une invitation « chaleureuse » de la part de l'Arabie saoudite pour participer à la réunion des ministres des AE des pays membres de l'Organisation de coopération islamique (OCI) à Djeddah, les 18 et 19 juin, les spéculations libanaises vont bon train sur l'ouverture concrète d'un dialogue sérieux entre les deux pays.


Des milieux diplomatiques arabes rappellent que sitôt après son élection, Hassan Rohani avait clairement exprimé le souhait d'établir des relations étroites avec le royaume wahhabite. Son ministre des Affaires étrangères Mohammad Jawad Zarif avait aussi multiplié les ouvertures en direction des dirigeants saoudiens, mais les réponses saoudiennes avaient été plus que tièdes. C'est à peine si une vague invitation avait été lancée à l'occasion de la fête du Fitr pour le pèlerinage de La Mecque. Il a fallu donc attendre près de onze mois pour que l'Arabie se décide enfin à adresser une invitation concrète au ministre iranien des Affaires étrangères par la voix de l'émir Saoud al-Fayçal, qui l'a fait en direct devant les médias avant de procéder aux formalités nécessaires pour fixer une date et un lieu. Des diplomates arabes en poste au Liban estiment que les dirigeants saoudiens ont ainsi commis une lourde erreur, car, l'an dernier, leur position était de loin plus forte dans le cas de l'ouverture de négociations avec les dirigeants iraniens. Aujourd'hui, c'est quasiment acculés qu'ils lancent une invitation au ministre Mohammad Jawad Zarif.


Les dossiers conflictuels en suspens entre les deux pays ont en effet évolué pendant ces onze derniers mois dans un sens défavorable au royaume. La situation en Syrie a nettement évolué en faveur des forces du régime de Bachar el-Assad qu'il n'est plus question de chasser du pouvoir. Au contraire, la grande question est de savoir comment composer avec sa réélection quasiment certaine pour un troisième mandat. Certes, des combats stratégiques se déroulent dans certaines régions du pays, notamment dans le sud autour de Deraa et de Quneïtra, et au nord autour d'Alep, mais il est de plus en plus clair que l'opposition divisée et phagocytée par les groupes islamistes est en perte de vitesse alors que l'armée officielle est dans une courbe ascendante. L'Arabie saoudite, qui a mis tous ses moyens à la disposition des groupes de l'opposition et qui a fait le pari de la chute rapide du régime, sort affaiblie de ce bras de fer. Elle a non seulement dû remercier l'émir Bandar ben Sultan, champion de l'option militaire en Syrie, et son frère l'émir Selman ben Sultan, qui dirigeait les opérations à partir de Amman, mais elle doit désormais affronter une menace islamiste sur son propre territoire. En Irak, le Premier ministre Nouri al-Maliki, qui avait directement accusé l'Arabie saoudite d'aider les islamistes d'el-Qaëda à Falloujah et à al-Anbar, a remporté une victoire claire, alors que les alliés de l'Arabie ont enregistré des scores assez faibles aux dernières élections législatives. Les alliés de l'Arabie ne sont donc pas en mesure d'imposer leurs conditions pour la formation d'un nouveau gouvernement en Irak et ils ne sont même pas indispensables à la coalition qui devrait se constituer pour permettre cette formation.
À Bahreïn, et malgré le peu d'intérêt médiatique accordé à la révolution dans ce petit royaume du Golfe, le pouvoir, largement appuyé par l'Arabie, y est de plus en plus discrédité. Au Yémen, que l'on a longtemps appelé « la province de l'Arabie heureuse », l'instabilité continue de régner, les Houthis marquent des points et des affrontements se déroulent régulièrement à la frontière sud du royaume wahhabite.

Enfin, au Liban, il est clair que l'alliance entre le bloc du général Aoun et le 8 Mars est en mesure d'entraver tous les scénarios qui lui déplaisent. Cette alliance a ainsi, selon ses propres sources, fait échouer le projet de prorogation du mandat de Michel Sleiman, appuyé, toujours selon les mêmes sources, par Walid Joumblatt. C'est cette même alliance qui tient d'ailleurs une des clés de la présidence libanaise, d'abord avec la question du quorum des deux tiers (86 députés) pour valider la séance parlementaire d'élection, et ensuite avec la proposition faite à l'ancien Premier ministre Saad Hariri, via le général Michel Aoun, d'établir un véritable partage du pouvoir par le biais d'une alliance tripartite entre les trois formations représentant les principales communautés du pays...


Dans ces cinq dossiers conflictuels, la position de l'Arabie saoudite est donc aujourd'hui moins forte qu'elle ne l'était il y a moins d'un an. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'Iran ne semble pas aujourd'hui très pressé d'ouvrir le dialogue avec le royaume wahhabite. Même si les milieux diplomatiques arabes en poste au Liban considèrent que le fait même d'avoir officiellement reconnu avoir reçu une invitation serait l'indice que l'Iran compte y répondre favorablement. La réunion de Djeddah pourrait donc servir de cadre idéal pour l'ouverture de ce dialogue. Mais il reste encore beaucoup d'inconnues. D'abord, les visiteurs du royaume wahhabite font état d'un flou qui règne actuellement au niveau du pouvoir. L'axe Bandar ben Sultan-Saoud al-Fayçal est en train d'être poussé vers la sortie, d'autant que sa politique de « tout pour renverser le régime syrien » a échoué. Mais la relève tarde à se préciser. On parle beaucoup à Riyad de la volonté du roi Abdallah de remettre les clés du pouvoir à son fils Meteeb qui serait aidé par son autre fils Abdel Aziz et par l'émir Moqren. Mais les luttes de cour battent leur plein et d'autres forces attendent leur tour. Il faut donc que ce paysage saoudien se précise pour que le dialogue avec l'Iran puisse être fructueux... Et, une fois de plus, le Liban n'est pas en tête des priorités.

Depuis que l'Iran a confirmé avoir reçu une invitation « chaleureuse » de la part de l'Arabie saoudite pour participer à la réunion des ministres des AE des pays membres de l'Organisation de coopération islamique (OCI) à Djeddah, les 18 et 19 juin, les spéculations libanaises vont bon train sur l'ouverture concrète d'un dialogue sérieux entre les deux pays.
Des milieux diplomatiques...
commentaires (3)

Scarlett ou "al waqe3 kama houà". Si y avait pas ses analyses ici, ce serait vraiment de la simple propagande! Dieu/Allah existe, y a plus de doute! Et ce qui est rare.. est précieux. Merci Madame pour votre Lumière.

Ali Farhat

02 h 13, le 31 mai 2014

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Commentaires (3)

  • Scarlett ou "al waqe3 kama houà". Si y avait pas ses analyses ici, ce serait vraiment de la simple propagande! Dieu/Allah existe, y a plus de doute! Et ce qui est rare.. est précieux. Merci Madame pour votre Lumière.

    Ali Farhat

    02 h 13, le 31 mai 2014

  • On connait tous l'adage qui dit , mieux vaut avoir un ennemi intelligent qu'un ami bête ! les occicons ont leurs amis et alliés , et se sont trompés d'ennemis . La série de reculade binsaoudique énoncée par Scarlett est effarante de vérités . Le pire est à venir , les terroristes à qui on a promis monts et merveilles seront de retours avec des boules de pétanque contre le royaume , qui lui n'a pas encore réglé son problème de succession , que Dieu me pardonne mais l'actuel locataire des lieus a un pied dans la tombe et l'autre sur une peau de banane. Les salafistowahabites auront donc de quoi s'occuper pour un bon bout de temps mais à l'intérieur du royaume cette fois ci, comme un retour de flamme d'un moteur mal décalaminé . L'Iran , sorti des ténèbres dans lesquels "on" a voulu l'enfoncer voit venir un rayonnement futur , dans la mesure où les options sur la table sont devenus obsolets devant son progrès rapide à y faire face . Mais alors Scarlett , que va rester à la binsaoudie si elle n'arrête pas les frais dès à présent ? plus rien que les yeux pour pleurer , mais à qui la faute ? moi je sais !

    FRIK-A-FRAK

    12 h 49, le 30 mai 2014

  • Si l'Iran ne semble pas aujourd'hui très pressé d'ouvrir le dialogue avec le royaume wahhabite, alors quand la poule aura des dents nous aurons un président ,triste.

    Sabbagha Antoine

    12 h 33, le 30 mai 2014

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