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Le Liban et la pratique comparative des quotas

Il est maintenant commun de constater que plusieurs pays tendent à pratiquer la politique des quotas ou de discrimination positive au sein de leurs institutions gouvernementales. Cette façon d'aborder la politique est de plus en plus nécessaire et utile aux États ayant sur leur sol des minorités culturelles, ethniques, religieuses ou linguistiques.
Malgré les efforts déployés, on considère trop à la légère ce problème. Bien que la question des quotas soit toujours d'actualité, il faut tenter de la comprendre davantage. La Revue internationale de science politique consacre un numéro spécial à l'étude du problème en perspective comparée (vol. 35, n° 1, janv. 2014). Le cas du Liban, abordé dans la revue, est bien plus riche et mérite une étude exhaustive, sans les idéologies et clichés en vogue1.
Les quotas ont trois objectifs majeurs : « s'excuser » auprès d'une communauté ayant subi des torts, intégrer toutes les communautés d'un État au sein du pouvoir sans discrimination comme en Roumanie où 18 groupes ethniques disposent d'un certain nombre de sièges au Parlement, et éviter des violences ou des guerres.
Il existe évidemment des défauts au système. Le problème majeur est celui de la sur-représentation. En effet, en donnant du pouvoir et une large place au sein de l'État à des petites communautés, elles prennent plus de place qu'elles ne devraient en avoir en terme de proportion.
Les quotas pour la représentativité des femmes ont aussi causé moult débats, notamment en France. Effectivement, plusieurs croient que les femmes sont choisies parce qu'elles sont femmes et non pas à cause de leurs compétences professionnelles.
On observe une lacune dans la recherche scientifique sur les quotas. Il n'y a pas eu assez de recherches sur ce que signifient réellement les quotas pour les groupes concernés.
Il est plus facile d'appliquer des quotas dans un système électoral proportionnel. L'esprit même du proportionnel implique une représentation de toutes les tendances au sein du pouvoir, ce qui n'est pas le cas avec le système majoritaire où il devient plus difficile pour les minorités de se faire entendre. Le système proportionnel, avec son programme de listes, facilite l'insertion de candidats en tout genre. La mise en place d'un certain pourcentage de minorités dans les listes électorales est beaucoup plus facile, alors qu'avec le majoritaire, on aura tendance à placer un seul candidat. La Belgique et les Pays-Bas ont adopté ce système et ont pu y intégrer les quotas.
Les quotas s'appliquent dans un pays en fonction de plusieurs variables. Il en existe quatre principalement :
1) Les lois et les circonscriptions électorales (majoritaire, proportionnel, uninominal à un ou deux tours...) façonneront la façon de mettre en place les quotas.
2) Il faut voir si tel groupe voit son existence niée par les autorités ou s'il possède une place adéquate au sein de la société.
3) Les quotas devront s'adapter en fonction du type de groupe, qu'il soit ethnique, religieux, linguistique...
4) Le degré de clivage communautaire dans la société visée. Existe-t-il des tensions entre les différentes communautés du pays, quelle est la situation actuelle de l'État, y a-t-il une cohabitation harmonieuse ? Les politiques de quota sont parfois nécessaires dans certains pays (Croatie, Bosnie...) pour éviter les tensions ou les violences intercommunautaires.
De tout cela découlent trois familles de quota. Il existe ce qu'on appelle les quotas ethniques de type européen (surtout localisés en Europe centrale et orientale). Ils sont basés sur un système proportionnel avec des variables, dans le sens où il y a des sièges ou des régions (districts) spécifiques réservés aux minorités du pays. C'est le cas au Kosovo et en Roumanie par exemple. Ainsi, il est de coutume de laisser des places spécifiques à des minorités dans les listes électorales. En Roumanie, pour pouvoir élire un député issu d'une minorité, il lui suffit seulement de 10 % des voix d'un député « normal » (de l'ethnie majoritaire), car les communautés minoritaires représentent 10 % de la population du pays.
Ensuite viennent les quotas où les groupes ethniques se voient intégrés dans des partis panethniques. Autrement dit, les partis politiques d'un État doivent avoir des quotas ethniques obligatoires dans leurs listes. Cela est spécifique aux sociétés ethniquement divisées où il peut y avoir des violences. Cette façon permet de faire baisser les tensions en intégrant les minorités dans les partis politiques. On trouve cela au Burundi, au Kazakhstan ou encore en Mauritanie.
Enfin, il y a la mise en place de districts électoraux uniquement réservés à certaines ethnies comme en Bolivie, en Colombie ou en Croatie. Cela permet à plusieurs candidats d'une même ethnie de s'affronter sur des questions politiques et non sur des questions reliées à la défense et la sauvegarde de cette même ethnie. On pousse donc les gros partis politiques à s'investir davantage dans la politique de l'ethnie minoritaire, puisqu'ils doivent eux-mêmes envoyer des candidats issus de cette communauté pour avoir des chances de gagner. Il s'agit surtout des États du Pacifique les îles Fidji, la Nouvelle-Zélande, la Bolivie, la Colombie.
Il y a eu au cours de ces deux années un changement de cap assez important. En effet, il y a eu une plus grande poussée des revendications sur le quota des femmes que sur celui des ethnies.
La figure de la femme issue de la minorité est beaucoup moins effrayante pour la majorité. En Europe, on se doute bien qu'une femme musulmane ne voudra jamais imposer la charia puisqu'elle-même devra en subir les conséquences.
Aujourd'hui, il y a plus de 100 pays à travers le monde qui ont mis en place des systèmes de quotas en tout genre dans le but de pallier le problème de la sous-représentation des minorités dans les institutions politiques.
L'Allemagne est l'un de ces États ayant favorisé ce système. Le pays accueille surtout des partis attrape-tout comme le SPD (Parti social-démocrate) et le SDU (chrétien-démocrate) qui font beaucoup plus de place aux quotas que les petits partis idéologiques. Les grands partis jouent à fond la carte de l'image, ils cherchent toujours un moyen de s'améliorer. Ils possèdent de grosses structures, ce qui leur permet d'arriver à mettre sur un pied d'égalité toutes les communautés.
Il n'existe aucune loi sur les quotas, mais les partis en appliquent une quand même. Ils ont créé la leur en quelque sorte. Ainsi, les partis de gauche auront tendance à faire prévaloir les quotas des minorités sur l'attachement régional, tandis que la droite donnera une priorité à l'attachement régional. En Allemagne, les systèmes de quotas régionaux permettent d'assurer une plus juste représentativité de tous dans l'ensemble des Landers (division administrative) du pays.
***
Les quotas dans un pays dépendent du type de régime politique, de la démographie (ethnique, religieuse, linguistique...) ainsi que des conflits ou tensions intercommunautaires.
Bien que le système des quotas continue à causer de la controverse, il est à noter que cette politique d'insertion a permis une meilleure représentation des communautés.

Jules GAUTHIER et Rémy
Durrieu de MADRON
Étudiants à l'Institut de sciences politiques, USJ.

1. A. Messarra, Théorie juridique des régimes parlementaires pluralistes, Beyrouth, librairie Orientale, 2012, 246 p ; surtout pp. 127-166.

Il est maintenant commun de constater que plusieurs pays tendent à pratiquer la politique des quotas ou de discrimination positive au sein de leurs institutions gouvernementales. Cette façon d'aborder la politique est de plus en plus nécessaire et utile aux États ayant sur leur sol des minorités culturelles, ethniques, religieuses ou linguistiques.Malgré les efforts déployés, on...

commentaires (2)

LES QUOTAS SONT UNE PRATIQUE DANS TOUTES LES DÉMOCRATIES DU MONDE... POUR COUPER L'HERBE SOUS LES PIEDS DES DÉMAGOGUES !

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 36, le 21 mai 2014

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • LES QUOTAS SONT UNE PRATIQUE DANS TOUTES LES DÉMOCRATIES DU MONDE... POUR COUPER L'HERBE SOUS LES PIEDS DES DÉMAGOGUES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 36, le 21 mai 2014

  • Quid de "l’État" des quotas en France, messieurs les Français ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    05 h 54, le 21 mai 2014

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