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Travaux de force

Un président fort : jamais le terme n'a connu pareille fortune, tant il peut apparaître aujourd'hui comme le remède miracle à la lente mais inexorable déliquescence de l'État. Mais qu'est-ce exactement qu'un président fort, dans un pays comme le Liban ?


Pour d'aucuns, c'est un homme décidé, doté d'une vision nette mais aussi d'une substantielle assise populaire lui permettant de s'imposer face à d'éventuels contradicteurs. Pour d'autres, c'est au contraire un président fort surtout (seulement ?) du consensus national qui se serait cristallisé sur sa personne : élu de tous, il ne serait l'obligé, voire l'otage, de personne. Non sans quelque malice, d'autres encore avancent une troisième définition en se référant, cette fois, aux fermes prises de position affichées ces derniers mois par Michel Sleiman : pour eux, un président fort, ce n'est au fond qu'un président arrivé au bout de son sexennat : et qui, n'ayant rien à perdre, se sent pousser des ailes (et des griffes !), n'a plus à s'embarrasser de nuances et de formules en demi-teinte, révèle crûment ses convictions profondes, quitte à en indisposer plus d'un.


C'est précisément cette impression que s'est efforcé de dissiper, hier même, un président pourtant élu à la faveur d'un consensus aussi bien régional que local et qui devait déjà au bon vouloir des Syriens sa nomination au commandement de l'armée. Prenant la parole devant les ambassadeurs du Liban réunis au palais de Baabda, Michel Sleiman n'a pas manqué de rappeler en effet certaines de ses initiatives datées des tout premiers mois de son mandat, notamment son refus de cautionner les options des États radicaux arabes, et à leur tête la Syrie, concernant un règlement négocié de la question de Palestine. Quant au reste, ce sont, pour la plupart, des thèmes bien connus désormais qu'a développés le président en rejetant tout alignement sur les axes étrangers comme tout engagement dans le conflit de Syrie ; en s'associant à la sainte colère du patriarche maronite contre les députés qui s'obstinent à torpiller le quorum parlementaire lors des scrutins présidentiels ; en soulignant la nécessité d'endiguer au plus vite l'afflux de réfugiés syriens ; ou encore en réclamant une révision des accords de coopération conclus avec Damas, car c'est avec toute la Syrie que le Liban aspire à des rapports privilégiés.


Évidences que tout cela ? Évidences bonnes néanmoins à marteler sans cesse. Car à trois semaines de l'expiration de son mandat, le président de la République ne s'est pas contenté, hier, de dresser un bilan de sa propre gestion. C'est aussi, et même surtout, un cahier des charges, une feuille de route, qu'il a établis à l'adresse de son successeur ; qu'il compte ou non parmi les costauds, celui-ci ne pourra faire autrement qu'en tenir compte. C'est en cela que Michel Sleiman se hisse au niveau de force 1.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Un président fort : jamais le terme n'a connu pareille fortune, tant il peut apparaître aujourd'hui comme le remède miracle à la lente mais inexorable déliquescence de l'État. Mais qu'est-ce exactement qu'un président fort, dans un pays comme le Liban ?
Pour d'aucuns, c'est un homme décidé, doté d'une vision nette mais aussi d'une substantielle assise populaire lui...