Le ton s'est encore durci hier dans la crise ukrainienne entre les Occidentaux et la Russie, qui a répliqué du tac au tac à l'annonce d'un durcissement des sanctions américaines et européennes.
Les États-Unis ont frappé haut en visant de proches collaborateurs du président Vladimir Poutine, dont Sergueï Ivanov, son chef de cabinet. Ils ont ajouté vingt personnes à la liste des onze individus dont les avoirs sont gelés. Le président Barack Obama a menacé Moscou d'aller plus loin et de viser des « secteurs-clés » de son économie. « La Russie doit comprendre qu'une escalade supplémentaire ne fera que l'isoler davantage de la communauté internationale », a-t-il affirmé. Selon un membre de l'administration US, la banque Rossiya, détenue en partie par Iouri Kovaltchouk, un proche de M. Poutine, serait également visée par les sanctions.
Quelques minutes après cette courte intervention à la Maison-Blanche, la Russie publiait sa propre liste de sanctions visant trois conseillers de M. Obama et des parlementaires. Sur cette liste qui comprend neuf noms, figurent notamment Benjamin Rhodes et Caroline Atkinson, conseillers à la sécurité nationale, ainsi que Harry Reid et John Boehner, respectivement présidents du Sénat et de la Chambre des représentants, ainsi que le sénateur conservateur John McCain. « Qu'il n'y ait aucun doute : à chaque acte hostile nous répondrons de manière adéquate », a prévenu le ministère russe des Affaires étrangères. Un porte-parole du Kremlin a qualifié « d'inacceptables » les sanctions contre la Russie.
Pour leur part, les 28 dirigeants de l'Union européenne se sont retrouvés à Bruxelles pour un sommet de deux jours largement dominé par cette crise aux frontières de l'UE. Ils devaient décider d'allonger la liste des personnalités russes et ukrainiennes prorusses frappées d'interdiction de visa et de gels des avoirs. Une douzaine de noms seraient ajoutés aux 21 annoncés lundi, selon des sources diplomatiques. La liste des 21 « ne suffit pas », car elle n'inclut « que des responsables de très bas niveau. Il est temps de viser l'entourage proche » du président Poutine, a plaidé la présidente lituanienne, Dalia Grybauskaité. Les chefs d'État et de gouvernement de l'UE ont également brandi la menace de sanctions économiques, mais certains sont extrêmement réticents. « Si la Russie accepte d'ouvrir des discussions », s'il y a « désescalade », « alors il n'y aura pas de passage à d'autres sanctions », a prévenu le président français François Hollande. « À l'inverse s'il y a une montée de revendications illégitimes, des opérations de troupes, des menaces, alors il y aura d'autres sanctions », a-t-il ajouté. Mais « nous devons être extrêmement précautionneux », car l'UE doit à la fois garder des armes en cas d'escalade ultérieure et « veiller aux intérêts » des Européens, a mis en garde le Premier ministre belge Elio Di Rupo. Préoccupée par les risques de telles sanctions, l'agence d'évaluation Standard & Poor's a abaissé à « négative » la perspective de la note de solvabilité de la Russie.
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Le sommet de Sotchi et le G8 menacés
Les Européens devaient, par ailleurs, s'entendre sur l'annulation de la prochaine réunion UE-Russie prévue en juin à Sotchi, où la tenue du G8 semble également très menacée. Ils devaient parallèlement affirmer un soutien fort à l'Ukraine en signant ce matin, avec le Premier ministre Arseni Iatseniouk, le volet politique de l'accord d'association avec l'UE, une décision qui sera mal accueillie par la Russie. Pour sa part, M. Iatseniouk, présent à Bruxelles, a averti que l'Ukraine répondrait « militairement » à toute tentative russe « d'annexer » les régions de l'est prorusse du pays.
À Kiev, le Parlement a adopté une résolution affirmant que l'Ukraine « ne reconnaîtra jamais l'annexion » de la Crimée par la Russie et « ne cessera pas sa lutte pour sa libération, aussi longue et douloureuse qu'elle soit ». Kiev avait annoncé mercredi plusieurs mesures ponctuant la rupture avec Moscou, dont l'instauration de visas pour les Russes. Cette décision a été critiquée hier par M. Iatseniouk, selon lequel il convient d'éviter toute précipitation.
Parallèlement, Moscou a annoncé que son administration avait commencé à délivrer des passeports russes en Crimée. Ainsi, le Blitzkrieg institutionnel du rattachement de la péninsule est désormais presque terminé : la Douma a ratifié hier le traité signé mardi par M. Poutine avec les dirigeants prorusses de Crimée. Les députés ont aussi adopté une loi constitutionnelle sur l'incorporation de la Crimée au territoire russe. Le Conseil de la Fédération (Chambre haute) doit examiner ces deux textes aujourd'hui. Toujours à Moscou, rencontrant M. Poutine, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est dit « très préoccupé par la situation ».
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Vive President Obama, and l'Amérique !
13 h 03, le 22 mars 2014