Une entreprise libanaise récompensée mondialement pour son action sociale

Délicatement, elle pose la feuille d'or sur ce qui fut autrefois une grille de balcon des années 1940. « Aujourd'hui, elle deviendra lampadaire », explique Nada en poursuivant le geste.
La mère de famille est devenue spécialiste des patines pour Beyt by 2b Design, la première et seule société libanaise à avoir reçu la certification B Corporation décernée aux entreprises répondant à des standards très précis dans les domaines sociaux, environnementaux et de transparence.

« Ici, il n'y a que de l'ancien, pas de neuf », ajoute Nada fièrement. La grille de balcon vient d'une ancienne maison de Tripoli détruite par la guerre. Elle servira à la fabrication d'une dizaine d'autres lampes, comme celle sur laquelle travaille la mère de famille. Ressusciter des débris et faire revivre le patrimoine libanais, telles sont notamment les raisons de la reconnaissance de l'entreprise libanaise.
Seules 967 entreprises dans le monde ont été certifiées B Corporation dans 32 pays, une véritable fierté pour Bénédicte de Blavous Moubarak, à l'origine de l'entreprise sociale. « Nous ne pouvons pas stopper les destructions, explique-t-elle, mais nous pouvons intervenir ensuite. Au lieu de faire fondre les balustrades ou ferrailles pour qu'elles finissent en objets de carrosserie, nous les transformons en œuvres d'art. »

De petits bouts de patrimoine
Éprise par le charme des maisons libanaises, l'idée a germé dans l'esprit de Bénédicte dès son arrivée au Liban en 1994. « Au lendemain de la guerre, nous pensions positivement à la reconstruction de l'héritage urbain. Mais malheureusement, les choses n'ont pas été faites dans les règles de l'art, déplore-t-elle. J'ai constaté que tout le monde se fichait des maisons libanaises ! J'ai alors eu l'idée de sauver de petits bouts de patrimoine avant qu'il ne soit trop tard... »
Pour cela, l'entrepreneuse sociale fait appel à l'ONG libanaise arcenciel, où handicapés physiques et mentaux travaillent les matériaux récupérés. Dans son atelier à Jeitawi, ce sont deux mères de famille, dont Nada, qui achèvent les finitions artistiques. « La réinsertion sociale est également une de nos missions, ajoute Bénédicte. Dans notre galerie à Boston, nous venons d'embaucher une sans-abri. Comme pour l'ensemble de nos employés, nous la formons jusqu'à ce qu'elle devienne artiste. »

L'entreprise sociale, un challenge quotidien
Aujourd'hui, Bénédicte est installée à Boston, aux États-Unis, première étape d'un plan d'expansion à travers les grandes villes américaines. « Outre-Atlantique, le concept d'entreprise sociale est davantage reconnu, explique-t-elle, les Américains sont très sensibles à ce concept qui est moins apprécié ici. » L'avenir de Beyt by 2b Design est ainsi de se tourner vers de nouveaux marchés. « C'est une nécessité, insiste l'entrepreneuse, car c'est toujours un challenge de trouver l'équilibre entre business et social. Depuis sa création, la société connaît une croissance continue, mais pour le moment, cela nous suffit juste à verser les salaires et payer nos charges. »

Il n'y a pourtant pas de quoi décourager la femme d'affaires. « Dans n'importe quel pays en conflit, il y a de l'héritage à récupérer, des personnes brisées à aider, et je reste convaincue que les affaires peuvent servir les causes sociales et aider la communauté. » Après une collection réalisée avec des réfugiés syriens, Bénédicte a déjà de la suite dans les idées : une collaboration avec de jeunes designers libanais. Avis aux intéressés...

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