Il s'agit bien des deux plus gros blocs de la Chambre. Dès lors qu'ils décident d'engager le dialogue entre eux, on peut raisonnablement s'attendre à ce que l'affaire donne ses fruits, et pas nécessairement après neuf mois.
Certes, cette interaction entre le courant du Futur et le CPL du général Michel Aoun n'est pas tout à fait nouvelle. Des réunions ont eu lieu voici déjà quelques mois entre députés et responsables des deux parties, dans le cadre de ce que les aounistes ont appelé une « ouverture tous azimuts ».
Mais c'est la première fois que les démarches entreprises directement entre ces deux formations sont en passe de produire des effets concrets, sur le plan gouvernemental bien sûr, mais aussi, peut-être, à moyen terme, au sujet de l'élection présidentielle.
Passons rapidement sur le second point : à ce stade, une sorte de phantasme insistant traverse des franges de l'opinion, positivement chez les uns, négativement chez les autres : on va jusqu'à croire que le général Aoun et le chef du Futur, Saad Hariri, se mettront d'emblée d'accord sur l'équation de l'exécutif à dater du 25 mai prochain, jour de l'expiration du mandat du président Michel Sleiman : une équation très simple, aux termes de laquelle le premier serait élu chef de l'État et le second nommé Premier ministre.
Non seulement on n'en est pas là, mais nombre d'observateurs des deux camps pensent que, même si l'on se répète que tout est possible en politique au Liban, un tel accord est extrêmement difficile à obtenir parce qu'il est grandement irréaliste.
Ces mêmes observateurs n'en concluent pas pour autant que toute l'affaire est perdue d'avance. Un rapprochement entre les deux formations pourrait très bien conduire à encadrer l'échéance présidentielle de telle sorte que, d'abord, elle ait lieu, si les deux le veulent, et ensuite, à ce que le candidat qui serait élu ait reçu au préalable la bénédiction des deux.
L'intérêt du général Aoun dans un tel scénario de rapprochement est manifeste. Si celui de M. Hariri ne saute pas aux yeux, il n'en est pas moins réel : bien sûr, il ne s'agit nullement ici, ni chez les uns ni chez les autres, de susciter un renversement d'alliances. Cependant, si le Futur peut faire en sorte que, sur les questions centrales, le CPL amorçait un recentrage par rapport aux positions du Hezbollah, ce serait un acquis certain.
Mais venons-en à ce qui paraît imminent : la formation du gouvernement. À en croire des sources informées des contacts en cours, celle-ci aurait lieu « à 90 % » ce matin, à quelques heures du départ pour un voyage à l'étranger d'une dizaine de jours du président de la Chambre, Nabih Berry. On imagine mal, en effet, que l'annonce de la mise sur pied du cabinet se fasse en l'absence de M. Berry.
Les 10 % qui restaient à régler touchent à l'attribution du ministère des Travaux publics et des Transports, celui-là même que les aounistes déclinaient dédaigneusement il y a quelques jours, sous prétexte qu'il s'agirait d'un « ministère en faillite ». On a semble-t-il changé d'avis à ce sujet à Rabieh et on voudrait bien à présent que ce portefeuille tombe dans l'escarcelle du CPL, plus précisément dans celle de Gebran Bassil lui-même. Mais M. Berry – encore lui – ne l'entend guère de cette oreille. Les TP sont censées cette fois-ci revenir à l'un de ses proches, au même titre que les Finances, et on propose donc en échange l'Éducation et l'Enseignement supérieur à M. Bassil, ce qui ne semble pas du goût de ce dernier. On en était là hier soir.
Dans l'intervalle, l'obstacle du ministère de l'Énergie et de l'Eau aura été aplani lors de la réunion tenue la veille au soir entre Nader Hariri, proche conseiller du chef du Futur, et M. Bassil. Les deux parties sont parvenues à un compromis qui joue subtilement avec le principe de la rotation. Le ministère échappera désormais à M. Bassil et au CPL, mais il doit être confié à Arthur Nazarian, un ancien ministre du Tachnag, lequel est membre du bloc du Changement et de la Réforme, que préside le général Aoun.
Pour les deux formations, les apparences sont ainsi sauves. Restait le point de savoir où caser l'indispensable M. Bassil. Selon diverses sources, il a été à un moment question de lui remettre les Affaires étrangères. Mais cette option dérange l'architecture confessionnelle décidée pour les quatre portefeuilles régaliens clés : un chiite (berryste) aux Finances, un sunnite (Futur) à l'Intérieur, un maronite, que nommerait le président de la République, à la Défense, et enfin un grec-orthodoxe pour le CPL aux Affaires étrangères.
Hier soir, on semblait, en effet, avoir opté pour le maintien de cette répartition qui, sur le plan politique, désavantage numériquement le 14 Mars : ce dernier n'a qu'un seul ministère-clé (alors que le 8 Mars en aura deux) et le chef de l'État un. Mais Saad Hariri aurait fait taire les contestations dans son camp à ce sujet en arguant du fait que le choix du chef de l'État devrait être considéré comme un choix ami.
Pour ce qui est des noms, on ballotte toujours, en fonction des sources, entre Yassine Jaber, député de Nabatiyeh, et Ali Hassan Khalil pour les Finances. La Défense reviendrait à l'ancien ministre Khalil Hraoui, l'Intérieur au député de la Békaa-Ouest Jamal Jarrah ou à son collègue de Tripoli Samir Jisr. Les deux sont considérés comme des figures acceptables par le 8 Mars plutôt qu'Ahmad Fatfat ou l'ancien directeur général des FSI, le général Achraf Rifi.
Quant au palais Bustros, il serait investi par le ministre sortant de la Culture, Gaby Layoun, ou par tout autre grec-orthodoxe que nommerait le général Aoun.
Pour ce qui est des autres portefeuilles, la configuration se présenterait comme suit, sous réserve de modifications et de « retouches » de dernière minute : Boutros Harb aux Télécoms – à moins que ce ministère ne revienne à Waël Abou Faour, ministre sortant des Affaires sociales, si on ne lui donne pas la Santé – Michel Pharaon au Tourisme et Sejaan Azzi (Kataëb) à l'Industrie. Samir Mokbel, actuel vice-président du Conseil, conserverait son poste. Rony Areiji, pour les Marada, briguerait la Santé.
Le troisième grec-orthodoxe serait l'ancien bâtonnier Ramzi Joreige à la Justice. Quant au ministère du Travail, il reviendrait à Mohammad Fneich, du Hezbollah. Akram Chehayeb, pour le PSP, ferait son retour au gouvernement, et Mohammad Machnouk, proche ami du Premier ministre désigné, Tammam Salam, son entrée (probablement à l'Information). Une première annoncée : l'entrée des minoritaires avec le député Nabil de Freige.
Et toujours pas de femmes...
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Nous ne sommes pas pourtant en avril et à son premier jour pour croire au poisson d' avril . Mais qui sait si ce soir au nom des amoureux en politique tout peut changer. Amusant .
12 h 39, le 14 février 2014