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Économie - Reportage

Liban : Les commerces, désespérément désertiques

La psychose s'est bel et bien installée à Beyrouth. Après les deux derniers attentats à la voiture piégée et les appels des ambassades étrangères à éviter les lieux de rassemblement, les commerçants débutent 2014 sans aucun espoir.

Malgré les prix sacrifiés, les commerces demeurent désespérement vides.

Les prix sacrifiés sur les vitrines n'y changent rien. Les mesures de sécurité renforcées, parfois même de manière drastique, non plus. En ce début d'année, les malls et artères commerciales de la capitale ont comme des airs de ville fantôme. Après les deux derniers attentats à la voiture piégée, les appels des ambassades étrangères à éviter les lieux de rassemblement et les diverses rumeurs qui courent un peu partout sur les prochaines cibles d'attentat, la psychose s'est bel et bien installée à Beyrouth.

Hier matin, dans un centre commercial habituellement très animé de la capitale, les visiteurs pouvaient presque se compter sur les doigts de la main. Malgré la présence renforcée d'agents de sécurité, la tension est palpable et l'ambiance n'est guère aux emplettes. Parmi les rares commerçants qui acceptent de s'exprimer sur le sujet, Leila et Rana avouent craindre pour leur emploi. « Cela fait dix ans que je travaille ici, souligne la première employée, mais c'est la première fois que la situation est aussi difficile. Je suis seule à m'occuper de mon père, si les choses venaient à empirer et que mon patron devait se passer de ma présence, je me retrouverais sans aucun revenu. » Selon les deux vendeuses, le roulement était déjà très léger en 2013 mais depuis le début de l'année, la situation est « désespérément désertique ». « Nous pouvons compter au maximum deux ou trois clients par jour », livre Rana.

Et s'ils sortent, les Libanais ont largement revu leurs dépenses à la baisse. Parmi les rares visiteurs ce matin-là, Janet et Joseph confient n'avoir ni le cœur ni la tête aux achats. « Ce n'est pas seulement la peur des attentats qui nous empêche de consommer, expliquent-ils. Nous craignons pour l'avenir. Au Liban on ne sait jamais de quoi demain sera fait, alors nous préférons épargner, mettre de l'argent de côté au cas où... ».

Entre -30 et -50 % de ventes en glissement annuel
« Le passage de décembre à janvier est une période traditionnellement difficile, explique Nicolas Chammas, le président de l'Association des commerçants de Beyrouth (ACB), et les soldes servent en général à amortir cette transition. Mais cette année, la situation est inédite par sa gravité, poursuit-il. Le mois de janvier est véritablement épouvantable ! Les ventes ont diminué entre 30 et 40 % sur la première quinzaine de janvier en comparaison avec la même période de l'année précédente. »

Selon le président de l'ACB, l'ampleur de la catastrophe est telle que de nombreux petits commerces envisageraient une fermeture. « C'est mathématique, explique-t-il. Dans le meilleur des cas, on peut s'attendre à des licenciements car les coûts sont trop élevés par rapport aux revenus. Les loyers n'ont pas baissé de manière suffisamment significative pour compenser les pertes de chiffres d'affaires. »

Même son de cloche au niveau de Charles Arbid, le président de la Lebanese Franchise Association (LFA). « Les coûts de fonctionnement auxquels nous devons faire face actuellement sont ceux d'un pays en paix alors que nous sommes dans une situation de crise », déplore-t-il. « Or le mois de janvier avec ses soldes est une période particulièrement importante pour le secteur de la mode. » Mais comme l'ensemble des commerçants, Charles Arbid souligne l'impact quasi instantané des deux derniers attentats sur l'activité et le roulement dans les centres commerciaux, le tout combiné au climat de peur et de rumeurs en tous genres qui circulent. « Nous sommes dans une spirale infernale, les gens ont peur, leur pouvoir d'achat est amputé, seul un choc positif comme la création d'un gouvernement pourrait permettre une infime reprise économique », souligne-t-il.

Le problème est le même pour les restaurants qui se trouvent en zone commerciale. Albert Thoumy, un des propriétaires de Crepaway, souligne lui aussi des dépenses courantes trop élevées dans un contexte de paralysie économique. « L'année 2014 a débuté de manière dramatique, insiste-t-il, nos restaurants qui ont le plus souffert sont ceux situés à Beyrouth même et dans le Nord. Le Metn et le Kesrouan s'en sortent un peu mieux. »
En parallèle, Albert Thoumy a constaté une augmentation des livraisons. « Les gens ont tendance à moins se déplacer pour des raisons sécuritaires et sont donc plus enclins à commander », précise-t-il. Mais pour le responsable, cela ne compense en rien les pertes et frais courants nécessaires pour faire fonctionner les restaurants. « Les loyers ont très peu diminué en comparaison avec la situation que nous vivons actuellement », constate-t-il comme ses pairs.

Contactés par L'Orient-Le Jour, les responsables de centres commerciaux n'ont pas souhaité s'exprimer sur le sujet. Habitué aux turbulences politico-sécuritaires, c'est la première fois que le Liban est confronté à une crise économique qui s'inscrit dans la durée. Les acteurs économiques en appellent encore une fois au dialogue, à la formation d'un gouvernement, pour sortir d'une situation qui pourrait, si rien est fait, rapidement dégénérer en marasme social.


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commentaires (1)

La psychose tue sans oublier les fausses rumeurs qui précisent ou sera au quotidien la future voiture piégée.Alarmant et triste.

Sabbagha Antoine

08 h 01, le 17 janvier 2014

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Commentaires (1)

  • La psychose tue sans oublier les fausses rumeurs qui précisent ou sera au quotidien la future voiture piégée.Alarmant et triste.

    Sabbagha Antoine

    08 h 01, le 17 janvier 2014

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