La condamnation à la prison en Égypte de trois figures de la révolte qui a chassé Hosni Moubarak du pouvoir fait redouter un retour à un État policier et érode les espoirs de démocratie suscités par la fin d'un régime autoritaire.
Reconnus coupables de « manifestation illégale », Ahmad Maher, Ahmad Douma et Mohammad Adel sont devenus dimanche les premiers manifestants non islamistes condamnés depuis que l'armée a destitué le président islamiste Mohammad Morsi, le 3 juillet, et que le nouveau pouvoir dirigé de facto par les militaires réprime implacablement ses partisans. Un autre militant, Alaa Abdel Fattah, inquiété sous M. Moubarak puis sous la junte militaire qui lui a succédé avant l'élection de M. Morsi, attend son jugement dans une affaire similaire.
Ces jugements sévères interviennent quelques jours à peine après l'acquittement dans une affaire de corruption des deux fils Moubarak et d'Ahmad Chafiq, dernier Premier ministre de M. Moubarak et candidat malheureux au second tour de la présidentielle contre M. Morsi.
Pour les experts, ces affaires menacent les progrès réalisés ou promis depuis la chute de M. Moubarak. Pour 14 ONG égyptiennes, dont l'influente Initiative égyptienne pour les droits de l'homme, elles signifient le retour d'un « État policier plus brutal que jamais ».
Pour Sarah Leah Whitson, directrice de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, près de trois ans après la chute de M. Moubarak, « les forces de sécurité se sentent plus fortes que jamais et sont toujours déterminées à écraser le droit des Égyptiens à manifester contre les actions de leur gouvernement ». « L'emprisonnement de militants est un vrai retour en arrière dans le processus engagé à la chute de M. Moubarak », estime James Dorsey, spécialiste du Moyen-Orient, évoquant une « atmosphère de peur, voire d'intimidation ».
Pour les militants, les méthodes comme les accusations n'ont pas changé par rapport à « l'avant-révolution ». « Il est clair que le pouvoir laisse désormais la responsabilité exclusive du dossier de l'activisme politique et public à l'appareil sécuritaire, comme cela était le cas » du temps de M. Moubarak, accuse ainsi le communiqué des 14 ONG égyptiennes. « Dans les faits, (le régime) conserve un pouvoir autocratique. Si l'on ajoute à cela la loi sur les manifestations, il n'y a plus qu'un espace extrêmement réduit pour la contestation », note M. Dorsey, chercheur à l'École d'études internationales S. Rajaratnam de Singapour.
Les experts s'interrogent sur les réelles intentions des autorités quant à la « feuille de route » annoncée par l'armée et qui promet une transition démocratique, dont la première étape sera un référendum sur la nouvelle Constitution les 14 et 15 janvier, avant des élections législatives et présidentielle mi-2014. Pour Hassan Nafaa, professeur de sciences politiques à l'Université du Caire, le jugement de dimanche « est une opération de sabotage contre le front qui soutenait la feuille de route » et qui incluait notamment le mouvement du 6-Avril, fondé par M. Maher. Le groupe, fer de lance de la révolte de 2011, a soutenu la transition mais lui a retiré son soutien dimanche soir.
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commentaires (3)
MIEUX VAUT UN ETAT POLICIER QU'UN ETAT IKHWANISTE !
LA LIBRE EXPRESSION
13 h 36, le 24 décembre 2013