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Mi-chair, mi pois(s)on

Ce qui est le plus hallucinant, dans le sanglant et interminable feuilleton de Tripoli, c'est le décalage systématique entre l'évidence des violences à venir et la lenteur, ou alors l'insuffisance, des moyens mis en œuvre pour y parer.

Non moins de dix-huit rounds de combats ont déjà opposé, au cours des derniers mois, sunnites de Bab el-Tebbaneh et alaouites retranchés dans leur quartier de Jabal Mohsen, se soldant par des dizaines de morts : soldats, miliciens des deux bords et surtout civils innocents. À chaque flambée ont été avancés des plans dits sécuritaires : lesquels, en capotant l'un après l'autre, n'ont fait en définitive que relancer les combats.

Voilà qu'on vient de se résoudre à user des grands moyens en chargeant l'armée de prendre le contrôle de Tripoli pour une période de six mois. Mais comme par l'effet d'une malédiction, c'est aux demi-mesures, aux décisions mi-chair mi-poisson, que continue d'être vouée la capitale du Nord. C'est vrai que les forces de police et de gendarmerie passent désormais sous le commandement de l'institution militaire, ce qui a l'avantage d'éliminer tout défaut de coordination entre les divers organes sécuritaires. Mais on attendra sans doute longtemps pour la solution de fond qui consisterait (et elle seule) à ramasser les armes lourdes que détiennent les diverses milices. Il n'est guère question en effet de la proclamation de l'état d'urgence, recours interdit à un gouvernement démissionnaire et donc tenu de se limiter à l'expédition des affaires courantes. Qu'à l'ombre des institutions en panne le pays, lui, court à la catastrophe ne fait qu'ajouter à l'absurde d'une situation menaçant désormais de condamner la force étatique elle-même à une lente, mais régulière, saignée.

C'est dire que les plans sécuritaires ne valent tous que par la volonté sincère des protagonistes, et surtout des forces politiques qui leur fournissent couverture, de mettre fin à ce qui est une claire transposition, bien qu'à moindre échelle, de la guerre civile de Syrie. Sacrifiant elle aussi, faut-il croire, à la vogue des réveils tardifs, l'ONU accusait lundi Bachar el-Assad de crimes contre l'humanité. Alerte, cependant : au Liban aussi, à Tripoli plus précisément, on canarde désormais des enfants.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Ce qui est le plus hallucinant, dans le sanglant et interminable feuilleton de Tripoli, c'est le décalage systématique entre l'évidence des violences à venir et la lenteur, ou alors l'insuffisance, des moyens mis en œuvre pour y parer.
Non moins de dix-huit rounds de combats ont déjà opposé, au cours des derniers mois, sunnites de Bab el-Tebbaneh et alaouites retranchés dans leur...