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À La Une - L'Orient Littéraire

Douglas Kennedy et la réalisation de soi

Auteur de best-sellers internationaux, spécialiste du « Page-Turner » alliant l’accessible de la littérature à l’intéressant, le romancier américain Douglas Kennedy, à l’honneur au Salon du livre de Beyrouth, livre ses pensées sur les paradoxes de l’être, la possibilité du bonheur et le choix, ô combien difficile, du changement et de la réalisation de soi.

 

D.R.

Douglas Kennedy a trente minutes de retard. Nous sommes trois à l’attendre : son attachée de presse, la libraire qui doit le conduire à sa séance de dédicace et moi-même. C’est à un rythme rock et trépidant que se passe la tournée européenne de D. Kennedy, pour la promotion de son dernier roman. Et avec plus de cinq cents personnes venant parfois aux séances de dédicace, le temps devient une denrée rare et un allié plus que précieux. L’auteur arrive tout habillé de noir. Bien que courtois, il n’a aucun mal à imposer sa volonté pour régler les derniers points épineux du programme de la journée. Il n’hésite pas d’ailleurs à modifier son planning pour donner le temps qu’il faut à notre entretien.

 

Douglas Kennedy se révèle être un interlocuteur charmant et spirituel, appréciant « honnêtement » (qui est, avec « la vérité est » et « d’après mon expérience », une de ses expressions fétiches) dialoguer. Le romancier parle comme il écrit, et réciproquement. Ce qui revient à dire que son écriture est simple sur le plan stylistique, mais fluide, réfléchie, prolixe et dense en émotions et en dialogues entre les personnages. Cela revient à dire aussi que parler avec D. Kennedy, c’est un peu comme lire un de ses romans : conversation longue, quelquefois intéressante ou drôle, partant par moments dans tous les sens, ne se berçant pas d’illusions, mais dotée quand même d’espoir, aérée tout comme rythmée par de grandes maximes, des références littéraires ou artistiques (peinture, opéra) et des tranches de récits biographiques (fictionnels et/ou réels).

 

Fait exceptionnel, c’est la première fois que le Salon du livre francophone de Beyrouth, dans le cadre de son édition « Les mots des autres », met à l’honneur un romancier écrivant en anglais (Douglas Kennedy est par ailleurs parfaitement francophone). Autre fait exceptionnel, D. Kennedy est l’un des rares auteurs dont les romans font l’objet de chroniques tant dans Les Inrocks, que dans le Figaro Littéraire, Grazia ou encore VSD. Né à Manhattan en 1955, l’auteur américain a vécu à New York, le Maine, Dublin et Londres. Après avoir travaillé en tant que régisseur et producteur dans le milieu du théâtre et écrit des pièces radiophoniques pour la BBC, ses débuts dans le journalisme free-lance sont difficiles puis prennent un grand essor. C’est avec son deuxième roman L’homme qui voulait vivre sa vie (Belfond, 1998) qu’il connaîtra un succès international, succès qui n’a jamais été démenti depuis. D. Kennedy est aujourd’hui un des auteurs favoris des lecteurs francophones avec six millions d’exemplaires vendus pour l’ensemble de ses titres. Parmi ses romans, tous traduits dans une vingtaine de langues, trois ont été adaptés au cinéma : Piège nuptial, L’homme qui voulait vivre sa vie et La Femme du Ve.

 

Douglas Kennedy réside aujourd’hui dans le Maine et à Montréal quand il ne séjourne pas à Londres, Paris ou Berlin. Actif sur les réseaux sociaux, il échange régulièrement sur son site littéraire et sur sa page Facebook avec ses lecteurs dont il reçoit un nombre époustouflant de messages. Lors de notre entretien, il commence par poser les questions : son prochain séjour à Beyrouth l’intrigue. À l’évocation de Cinq jours, son dernier roman, il clame « C’est mon préféré », ce qu’il ne manquera pas de rappeler à divers reprises.

 

En dehors du fait qu’il soit votre dernier roman, pourquoi êtes-vous si attaché à Cinq jours ?

 

Cinq jours n’est pas un roman autobiographique, mais il est très personnel. Comme tous mes romans, il fonctionne à différents niveaux. En-deçà du récit se profile la question suivante : qu’est-ce qu’on veut véritablement ? Le désir véritable est, avec le changement, une des questions les plus difficiles. Tout le monde veut changer, mais la plupart du temps, on change peu ou pas. Assumer le changement et se réinventer est ce qu’il y a de plus difficile dans une vie.

 

N’est-ce pas une illusion de plus que de croire que l’on puisse vraiment choisir de changer de vie et se réinventer ?

 

C’est très difficile d’accepter le bonheur, surtout si on a longtemps vécu dans un climat malheureux. Un mariage raté, c’est comme le syndrome de Stockholm, et le bonheur un grand défi. Dans Cinq jours, qui est un de mes romans préférés, Laura réussit à mûrir et à comprendre ce qu’il lui faut assumer.

 

Dans Cinq jours, l’ombre parentale et l’ombre de l’enfance pèsent sur les personnages et font obstacle au changement.

 

Freud avait raison : on continue à faire face toute la vie à tout ce dont on a manqué durant l’enfance et à la question de savoir pourquoi on se répète. Dans mes romans, la fuite est partout, et cela s’enracine dans le fait que j’ai fui, notamment par l’écriture, le climat malheureux de mon enfance et le mariage raté de mes parents. Mais honnêtement, je suis aujourd’hui très reconnaissant pour ces difficultés.

 

Sincèrement ?

 

Oui. J’ai pardonné à mes parents depuis longtemps. La plupart des gens ont vécu des choses difficiles dans leur enfance. J’ai commencé à écrire mes propres contradictions et j’ai découvert que la majorité des gens partagent les mêmes contradictions. Le roman fonctionne comme un miroir : même si on n’a pas vécu la même histoire, on se reconnaît dans les personnages. Tout le monde est un peu perdu dans la vie. Comment lutter contre cela ? C’est ce qui va déterminer la trajectoire d’une vie.

 

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L'Orient-Le Jour au Salon du livre francophone de Beyrouth : Le programme et les offres spéciales

 

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