« Le Liban a besoin de soins intensifs. » C’est en ces termes que le secrétaire général du Hezbollah s’est adressé aux nombreuses personnalités venues célébrer le jubilé d’argent de l’hôpital al-Rassoul al-Aazam, qui s’est agrandi au fil des années pour se doter d’un centre de cardiologie et qui planifie de construire un hôpital identique à Tyr.
Dans son discours très attendu, le secrétaire général du Hezbollah a certes rendu hommage à ceux qui ont fondé cet hôpital, notamment Issa Tabatabaï, et à tous ceux qui ont contribué à son succès dans les soins aux malades, et aux blessés de la résistance et de son public.
Nasrallah a divisé son discours en deux parties, la première consacrée à la question humanitaire des personnes disparues, en Syrie, au Liban, en Israël et même en Libye, puisqu’il a parlé de l’imam Moussa Sadr, invitant les autorités à désigner un cadre responsable de ces dossiers pour les clore définitivement, « avec courage, sens des responsabilités et conscience humanitaire », selon ses propres termes, un peu comme cela a été le cas pour les ex-otages de Aazaz, rappelant qu’un État qui se respecte et respecte son peuple ne laisse pas de tels dossiers en suspens. À ce propos, le sayyed a reconnu que le cas des otages de Aazaz a conduit à l’évocation d’autres dossiers qui font problème avec la Syrie (comme également avec Israël, a-t-il indiqué), notamment « celui des disparus libanais en Syrie durant la guerre civile », précisant que « la direction syrienne est bien disposée à assurer une fin heureuse » à ces problèmes.
(Pour mémoire : Ali Zgheib, ex-otage libanais en Syrie : "Notre rapt visait à faire pression sur toute une communauté" )
Mais c’est surtout dans le volet politique de son discours qu’il a adressé de nombreux messages. Le secrétaire général du Hezbollah a expliqué à cet égard que la situation en Syrie est en train d’évoluer dans le sens contraire aux désirs du 14 Mars et en particulier du courant du Futur et de l’Arabie saoudite. Il a précisé que cette partie libanaise a lié la situation au Liban aux développements en Syrie, misant sur le fait que la chute du régime syrien est imminente et qu’elle va lui permettre d’imposer ses conditions et d’appliquer sa politique d’exclusion. « Un de ses membres a même rêvé de rentrer au Liban par l’aéroport de Damas », a dit Nasrallah, dans une allusion à Saad Hariri, indiquant que ce dernier « est le bienvenu s’il décide de rentrer au Liban via l’aéroport » de Beyrouth.
Tout en déclarant qu’il ne veut pas entrer dans la polémique de qui est responsable de la paralysie des institutions, indiquant que le peuple est capable de faire son propre jugement, il a précisé que la situation en Syrie évolue dans le sens du renforcement du régime, face à l’incapacité de l’opposition d’unifier ses rangs et de modifier les rapports de force sur le terrain, en dépit de toutes les pressions exercées dans ce sens et de toute l’aide et le soutien qu’elle reçoit, alors que l’humeur populaire est en train de se tourner vers le régime, face à l’exemple donné par les groupes de l’opposition et à cause aussi de la disparition des possibilités d’une intervention militaire étrangère en Syrie. Toutes ces données aboutissent, selon Nasrallah, au résultat suivant : il n’y a pas de solution militaire en Syrie. La seule solution possible est politique et se fait par le dialogue, sans conditions préalables. Il a ajouté que, dans ce contexte, la conférence de Genève 2 ouvre un horizon. « Malgré cela, a-t-il affirmé, un État régional est très dérangé de cette situation et je ne révèle pas un secret, tout comme je ne suis pas en train de lancer des accusations injustes en disant qu’il s’agit de l’Arabie saoudite.
Ce pays a envoyé des dizaines de milliers de combattants en Syrie et certains disent que près de 30 milliards de dollars ont été versés pour aider l’opposition, sans parler de la pression médiatique... Tout a donc été essayé et tous les moyens disponibles utilisés pour renverser le régime. Mais la politique, c’est aussi l’art du possible. Il faut donc être réaliste et reconnaître qu’il ne peut pas y avoir de solution militaire. Refuser cela signifie causer encore plus de mort, augmenter les violences, la crise économique et les pressions sur le Liban et les pays voisins, sans oublier la Palestine... » Cette obstination à vouloir continuer dans l’option militaire est, selon Nasrallah, sans horizon. Il a aussi conseillé à ceux qui s’entêtent à refuser la solution politique, à l’accepter au plus tôt, car les conditions actuelles seront meilleures que celles qui vont suivre, la situation n’évoluant pas en faveur de leurs calculs.
Nasrallah a affirmé qu’en Syrie, le front international, régional et interne qui voulait renverser le régime pour contrôler ce pays a échoué. Il est donc temps, selon lui, d’être plus réaliste. « Sauf si le 14 Mars a une autre lecture... », a-t-il ajouté.
À partir de là, sayyed Nasrallah a invité les parties libanaises à cesser de retarder la relance des institutions en attendant des développements qui ne viendront pas. S’adressant au 14 Mars, il leur a dit : « Saisissez cette chance. Ce n’est pas une menace, mais un conseil. Et celui qui veut rentrer par l’aéroport de Damas restera chez lui. Qu’il rentre plutôt par l’aéroport de Rafic Hariri qui est ouvert à tous les Libanais. »
La formule gouvernementale
Nasrallah a rappelé un discours qu’il avait prononcé il y a deux ans et dans lequel il avait accusé le 14 Mars de miser sur plusieurs échéances régionales. Aujourd’hui, dit-il, toutes ces échéances sont passées et leurs paris ont échoué. Il a donc appelé le 14 Mars à revenir sur terre et à traiter les dossiers en suspens qui sont vitaux pour les Libanais. Il y en a deux en particulier qui sont très importants, celui des ressources pétrolières et celui de la sécurité en général, et de Tripoli en particulier. Au sujet du premier dossier, Nasrallah a fait état de pressions importantes exercées par l’Arabie saoudite et le courant du Futur sur le Premier ministre Nagib Mikati pour qu’il ne convoque pas une réunion du gouvernement.
Nasrallah a encore demandé au 14 Mars d’accepter la formation d’un gouvernement sur la base de la formule « 9, 9 et 6 », tout en précisant que son camp fait une concession en acceptant cette formule, vu qu’il réclamait jusqu’à présent une représentation proportionnelle au poids parlementaire. Ce qui favorisera ensuite le retour à la table de dialogue ainsi que la relance des réunions parlementaires. Selon lui, l’argument du 14 Mars, selon lequel le tiers de blocage accordé au 8 Mars et ses alliés paralyserait le gouvernement, ne tient pas. Car ce tiers de blocage ne servira que dans les questions qui exigent un vote des deux tiers des ministres. Ces questions sont clairement définies. Pour le reste, selon lui, les décisions peuvent être prises à la majorité et il sera possible de traiter ainsi de nombreux dossiers qui concernent la vie des citoyens. Ensuite, pourquoi l’autre camp mise-t-il toujours sur les aspects négatifs, ce tiers de blocage peut être utilisé et peut ne pas l’être. Mais un gouvernement en plein exercice relancera la vie politique et soulagera le pays.
Nasrallah a encore appelé à soutenir l’armée au lieu de faire appel à Daech (l’État islamique en Irak et au Levant) et il a demandé au 14 Mars de cesser d’avoir un double langage, appuyant publiquement l’armée mais en critiquant en filigrane son action. Il a conclu en disant que la région se dirige vers plus de divisions et le Liban a besoin de soins intensifs. « Les chrétiens, a-t-il dit, ont raison d’avoir peur. Mais tout le monde est menacé, les sunnites, les chiites, les druzes, des peuples entiers sont menacés... » D’où la nécessité de ne plus perdre de temps en misant sur des développements qui n’auront pas lieu...
Pour mémoire
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commentaires (8)
LES PARIS RESTENT... VALABLES POUR TOUS CERTES : RIRA BIEN QUI RIRA LE DERNIER !
SAKR LOUBNAN
09 h 31, le 30 octobre 2013