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À La Une - Conférence de Fès

Dialogue des religions : la jeunesse francophone veut faire entendre sa voix

Lors d’une initiative organisée par l’OIF et l’Isesco au Maroc sur le dialogue interculturel, les jeunes ont activement participé au débat, à leur manière.

Le secrétaire général de l’OIF, Abdou Diouf, a rencontré le groupe de jeunes francophones invités à débattre avec les participants à la conférence de Fès sur le dialogue des cultures et des religions.

Nehemiya, Hicham, Victor et Anne-Michèle sont quatre jeunes choisis avec six autres, parmi plus de 260 jeunes des quatre coins de l’espace francophone, pour participer à la Conférence internationale sur le dialogue des cultures et des religions, qui a eu lieu du 30 septembre au 2 octobre à Fès, au Maroc, et organisée par l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie), et l’Isesco (Organisation islamique pour l’éducation, les sciences et la culture).
Le travail des jeunes a commencé il y a déjà plusieurs mois, à travers un forum créé sur le site de l’OIF, à travers lequel les jeunes ont largement exprimé leur opinion, leur crainte, mais aussi leur espoir et leur vision sur un sujet assez conflictuel, tels que la diversité religieuse et culturelle.


« Nous avons essayé de les regrouper et de les répertorier sous forme de recommandations, pour les présenter aux participants de la conférence », explique Hicham, un jeune Marocain, étudiant-chercheur à l’université Ibnou-Zohr, à Agadir, qui travaille sur les questions relatives à l’immigration et la mobilité des personnes. Selon lui, « il faut former parmi les jeunes des ambassadeurs de dialogue de civilisation afin de leur confier des missions au niveau international, aller à la rencontre de l’autre, surtout des jeunes et ne pas avoir peur de parler des questions qui fâchent. La connaissance et l’éducation peuvent être un bon début pour le dialogue ».
Le regard espiègle, Hicham sautille d’une table à une autre, pose une question par ci, raconte une blague par là... Le jeune Marocain estime que « nous sommes tous concernés aujourd’hui avec la mondialisation. C’est pourquoi il faut trouver les outils adéquats pour résoudre les conflits qui ne vont pas disparaître d’un jour à l’autre, peut-être avec l’image, le théâtre, etc. »


Victor est français. Il a 21 ans, et il est athée. Il fait partie d’un groupe de cinq jeunes Français (juif, athée, agnostique, chrétien, musulman) qui parcourent le monde pour promouvoir les « initiatives interreligieuses et montrer qu’on peut vivre ensemble ». « L’objectif du voyage n’est absolument pas la conversion, mais accueillir les gens dans leurs diversités de cultures et de croyances. Chacun est dans une approche d’explication et pas d’imposition de sa foi. Tout le monde le dit, plus on fait de l’interreligieux, plus on est renforcé dans nos propres convictions. Je suis renforcé dans mon athéisme, mais aussi dans ma conviction qu’il faut proposer de nouvelles approches beaucoup plus inclusives du vivre-ensemble », ajoute Victor, rejoignant ainsi les propos de Hicham.

 


Plus d’action
L’initiative de l’association Coexister à laquelle appartient Victor a suscité beaucoup d’intérêt parmi les jeunes, dont Anne-Michèle qui est originaire du Cameroun. Elle fait partie depuis deux ans déjà du réseau Jeunesse de la francophonie où elle a participé à plusieurs activités et événements. Anne-Michèle a proposé de son côté plusieurs idées qui pourront encourager les échanges interculturels qui l’intéressent plus que les questions religieuses. En effet, ses craintes sont issues du caractère multiethnique de son pays, où il existe plus de 240 ethnies. « J’ai peur qu’un jour, la paix superficielle qui existe aujourd’hui dans mon pays vole en éclats. En prenant l’exemple du génocide au Rwanda entre deux groupes ethniques, alors au Cameroun, ce sera une hécatombe », avertit-elle.


Anne-Michèle, coquette et pleine de vie, croit plus à l’action qu’aux discours sans fin. « L’initiative de cette conférence est, en elle-même, très louable. Mais j’attends plus », ajoute-t-elle. Elle a notamment demandé la création d’un musée sur les civilisations francophones. Dans le même cadre, la jeune Camerounaise a proposé la création d’expositions itinérantes.
Selon elle, l’éducation est le fondement de tout dialogue : « C’est vrai que c’est un mot qui revient tout le temps, mais c’est une condition essentielle. L’éducation ne passe pas seulement par les écoles, mais aussi à travers les médias qui ont l’obligation de sensibiliser sur ces conflits. »
Elle estime en outre que la limite de l’action des jeunes est dans leurs moyens. Ils ont plein d’idées et de projets, mais leur réalisation a besoin de soutien et de financement.
Les problèmes de l’Afrique intéressent aussi Nehemiya, un jeune Nigérien qui se pose plein de questions « pour que les hommes puissent mieux vivre ensemble ».

 


D’abord comprendre
« Il se trouve que la société civile est le principal acteur, et donc est la plus habilitée à créer un environnement favorable pour dialoguer entre les différentes religions et les différentes ethnies au niveau national, régional ou international », affirme pour sa part Nehemiya qui estime que les réseaux sociaux ont donné aux différentes communautés la possibilité de s’exprimer et de s’affirmer, alors que nombre d’entre elles ont été largement mises à l’écart, discriminées et malmenées avec la domination culturelle et économique d’une puissance, avec l’avènement de la mondialisation. « C’est le cas avec les révoltes populaires en Afrique du Nord, ou avec les différents conflits en Afrique noire. Sans oublier par ailleurs que la composante jeunesse est mal intégrée dans les systèmes politique, social et économique actuels, qui doivent être repensés », ajoute le jeune Nigérien qui craint un repli identitaire à tous les niveaux de la société, non seulement sur le plan religieux et ethnique. Nehemiya estime aussi que le dialogue doit d’abord passer par un processus de compréhension de l’autre : « Il faut se mettre à la place de l’autre pour le comprendre, comprendre ce qu’il pense, ce qu’il ressent, comprendre sa culture, pour pouvoir s’ouvrir aux opinions des autres et les accepter tels qu’ils sont. »


Les propos de Hicham, Victor, Nehemiya et Anne-Michèle reflètent l’ensemble des centaines de contributions du Forum des jeunes de l’OIF. Pour le modérateur du site, Rachid Benzine, chercheur associé à l’Observatoire du Religieux (IEP d’Aix en Provence), « ce qui est intéressant, c’est d’abord de permettre à des jeunes venus de différents pays, traditions et religions de vivre ensemble durant plusieurs jours. Cette expérience inédite a été très enrichissante à plus d’un niveau. Elle a ainsi permis aux jeunes de voir comment dans d’autres pays, les gens vivent différemment leurs croyances religieuses, et notamment avec les religions traditionnelles qu’on appelle animistes ».
« Cette jeunesse-là que j’ai eu l’occasion de rencontrer est d’abord celle des réseaux sociaux. Ensuite, les jeunes n’ont pas de problème au niveau des croyances religieuses et du coup ils sont plus ouverts au dialogue entre eux », explique M. Benzine qui confirme le désir de ces jeunes à passer à l’action avec toute une réflexion en arrière-plan qui est vraiment tres riche.
Ils veulent ainsi mettre en place des jumelages entre différentes écoles et formations universitaires, pour permettre aux jeunes de voyager et de rencontrer d’autres cultures et d’autres horizons, à l’instar de l’initiative de Victor.

 


Des hommes et des femmes
Selon M. Benzine, « les jeunes ne sont pas férus de théologie, mais ils sont plutôt à la recherche d’expériences humaines, et c’est ce qui doit être mis en valeur. En effet, au-delà des religions et des histoires de chacun, ce sont avant tout des hommes et des femmes. Et il ne faut jamais l’oublier : derrière le dialogue des cultures et des religions, on a affaire à des hommes et des femmes qui sont travaillés par leur histoire, par leur blessure, par leur mémoire parfois douloureuse... On essaie ainsi de ne pas heurter l’autre dans ses convictions, de ne pas le blesser ». On peut ainsi le faire à travers mille et une façons, comme la musique, le cinéma, la littérature, les jeux vidéo, la peinture, qui sont autant de moyens d’entrée pour discuter ensuite du religieux. En fin de compte, « quand on est jeune, on a autre chose à discuter que la religion et le religieux. Et le dialogue interreligieux est un prétexte pour rencontrer les autres », explique Rachid Benzine ajoutant que la crispation identitaire, notamment religieuse (qu’elle soit chez les musulmans, chrétiens ou juifs) est « liée à des problèmes de transmissions qui sortent des modèles traditionnels. On fait face aujourd’hui à des bricolages identitaires dans le contexte de la mondialisation, où l’on a de plus en plus de religions sans cultures. Du coup, cela donne une certaine inculture religieuse où les gens sont en train de bricoler avec le peu qu’ils ont. Mais les religions sont aujourd’hui en crise, comme c’est le cas des autres systèmes de croyance philosophique, et comme c’est le cas des sociétés elles-mêmes ».

 

 

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