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Liban - Le commentaire

Quand la formation du cabinet n’est pas le problème...

À l’ombre de la situation anormale que le Liban subit depuis l’époque de la tutelle syrienne, marquée par un irrespect flagrant de la Constitution, du système et des lois, le problème n’est plus seulement la formation des gouvernements en soi, mais la position des partis et des blocs parlementaires vis-à-vis des cabinets qui sont créés. Des positions qui ne s’en remettent pas aux institutions constitutionnelles, et plus particulièrement à la Chambre des députés, mais à la rue et aux armes illégales...
Autrefois, lorsque le gouvernement était formé, il se présentait devant la Chambre pour obtenir la confiance. Soit il l’obtenait et gouvernait, ou bien, dans le cas contraire, il démissionnait, ou pour toute autre raison. De nouvelles consultations parlementaires avaient alors lieu pour désigner un nouveau Premier ministre, chargé de former un cabinet, ou bien le Premier ministre se récusait face aux obstacles entravant sa mission.
Cela, c’était évidemment quand le Liban respectait les dispositions constitutionnelles au sein d’un régime démocratique non dévoyé. En période de conflit, ce sont les institutions constitutionnelles qui tranchaient, et non la rue et les armes. C’est notamment pour éviter ce genre de déflagrations, non seulement politiques mais aussi sectaires, que ces institutions avaient été créées...
Le grand problème actuel n’est donc pas dans la formation du cabinet stricto sensu, pour que ce processus prenne désormais des mois, comme c’est le cas depuis l’an 2005... Il réside dans la position des partis et des blocs parlementaires, pas au sein de la Chambre des députés, mais hors de cette instance, dans la rue. Car l’expression du rejet des formules ministérielles ne se fait plus à la Chambre, mais dans la rue, à coups de manifestations, de sit-in, de grèves et de menaces de recours à la désobéissance civile... Comme s’il n’y avait plus d’institutions constitutionnelles dans le pays à même de gérer les conflits, encore moins de système ou d’ordre à même de trancher... Rien qu’un État manqué, gouverné par la loi de la jungle...
Face à cette situation délirante, il convient de poser une question précise aux forces du 8 Mars, et plus particulièrement au Hezbollah : leur position au sujet du gouvernement, lors de la formation de ce dernier, sera-t-elle exprimée à la Chambre des députés, où ils accorderont ou pas la confiance à l’équipe ministérielle, mettant aussitôt le président de la République et le Premier ministre désigné face à leurs responsabilités? Ou bien afficheront-ils leur attitude à l’extérieur de l’hémicycle, dans la rue, par le recours à la menace de l’usage des armes illégales ? D’autant que c’est la frayeur causée par cette attitude belliqueuse qui retarde aujourd’hui la formation du cabinet, nul ne voulant créer un problème supplémentaire à l’échelle nationale.
Car c’est en effet ce risque de voir la rue se réveiller et les armes réapparaître qui retarde sans cesse la formation des cabinets depuis 2005. Les événements du 7 mai 2008 avaient imposé les accords de Doha et, avec eux, l’exigence d’un cabinet d’union nationale et la loi de 1960. Puis, en 2011, le 8 Mars a réussi à arracher du 14 Mars le pouvoir, à travers l’étalage de force des chemises noires du Hezbollah, terrorisant Walid Joumblatt, lequel se pressa aussitôt de nommer Nagib Mikati au détriment de Saad Hariri pour former le nouveau cabinet. Le 8 Mars a même poussé le défi jusqu’à former un cabinet monochrome, sans prendre en considération la représentation des blocs à la Chambre, comme il se targue de le faire maintenant afin de faire obstacle aux efforts du Premier ministre désigné Tammam Salam.
Walid Joumblatt est aujourd’hui confronté aux mêmes menaces qu’en 2011. C’est cela qui explique sa position instable au sujet du cabinet actuel, sa peur pour la paix civile, sa crainte de voir le 8 Mars prendre la rue d’assaut pour s’en retourner aux manifestations et aux grèves, comme il l’avait fait à l’époque du cabinet Siniora à partir de décembre 2006. Sans cette épée de Damoclès, le cabinet aurait été formé dès le premier mois suivant la nomination de Salam, et Joumblatt lui-même ne se retrouverait plus dans cette position inconfortable sur les lignes de démarcation entre le 14 et le 8 Mars.
Si le Hezbollah répond à la question fondamentale posée au sujet du sort du cabinet par l’option de la rue et des armes, cela signifie alors que le Liban n’est plus qu’un État manqué. Tant que les institutions constitutionnelles ne sont pas le lieu où les conflits sont résolus, rien n’y fera ; la formation des cabinets restera suspendue et sujette aux pressions diverses, et le Liban continuera de voguer vers l’inconnu.
À l’ombre de la situation anormale que le Liban subit depuis l’époque de la tutelle syrienne, marquée par un irrespect flagrant de la Constitution, du système et des lois, le problème n’est plus seulement la formation des gouvernements en soi, mais la position des partis et des blocs parlementaires vis-à-vis des cabinets qui sont créés. Des positions qui ne s’en remettent pas aux...
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