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À La Une - Liban-La situation

Banlieue, Baalbeck, Tripoli : le sécuritaire pour remplir le vide institutionnel

Un vide qui semble s’éterniser sur fond de tensions croissantes entre chiites et sunnites.

Après la banlieue sud, la Békaa. L’entêtement du Hezbollah à se croire infaillible et investi d’une mission divine a, une fois de plus, provoqué un drame : cette fois à Baalbeck. L’intervention de l’armée a heureusement permis de rétablir le calme dans la ville, mais après quoi : cinq tués, dont deux miliciens du Hezbollah (notre photo Wissam Ismaïl) et un militaire. Morts pour rien !

Alors que les négociations sur la formation du gouvernement continuent de faire du surplace – les protagonistes ayant à tour de rôle entériné leurs conditions et contre-conditions –, c’est le sécuritaire qui vient remplir, une fois de plus, le vide institutionnel qui semble s’éterniser sur fond de tensions croissantes entre chiites et sunnites. 


C’est au tour de la ville de Baalbeck – relativement préservée à ce jour des remous politiques – de voir la contagion de l’exacerbation communautaire s’insinuer dans ses ruelles, qui ont connu au cours du week-end dernier des affrontements d’une rare violence. Cet épisode, qui survient après une série d’incidents sanglants qui se sont produits dans le sillage du phénomène d’autosécurité, proclamé et exécuté par le Hezbollah dans ses zones d’influence après l’explosion de Roueiss, vient démontrer, une fois de plus, la profonde polarisation de la scène locale qui n’est plus confinée aux seuls milieux politiques mais s’est répandue comme un virus au sein de la société libanaise, touchant plus précisément les chiites et les sunnites. 

 

(Lire aussi: Mikati appelle à accélérer la formation d’un gouvernement pour affronter les échéances locales et régionales)


L’accrochage, qui a opposé des membres du Hezbollah à un clan sunnite, a été provoqué suite à l’exaspération d’un membre de la famille al-Chiyah, qui se plaignait depuis quelque temps du comportement « provocateur » des éléments du parti chiite à un barrage situé face à son commerce, comme l’atteste une source de la localité.
L’altercation s’est vite transformée en bataille rangée entre clans sunnites et chiites de la ville, le Hezbollah, en tant que formation politique, s’étant bien gardé d’interférer directement, ou par le biais d’une décision centrale, laissant aux clans le soin de régler leurs comptes entre eux, même si certains des éléments chiites armés étaient bel et bien membres du parti. 


Cette tension latente, qui a fini par éclater au grand jour samedi dernier, avec de grands moyens à l’appui, devait se manifester une fois de plus lors d’une rencontre organisée hier entre les notables et représentants religieux des deux communautés de la ville.
Réunis avec pour mission de calmer le jeu et d’œuvrer à pacifier les lieux après une nuit de combats fratricides, les participants ont fini par faire ressortir leur profond désaccord, le représentant du mufti ayant claqué la porte après le « refus catégorique » des interlocuteurs chiites « de voir flotter le drapeau du Front al-Nosra » sur les poteaux de la ville, une « accusation » qui a offusqué les dignitaires sunnites présents. C’est dire la profondeur du clivage qui marque désormais – partout sur le territoire libanais – les relations intercommunautaires sur fond de crise syrienne.

 

(Lire aussi: Les violences de Baalbeck ravivent les craintes d’une discorde confessionnelle)


À quelque chose malheur est bon, dit l’adage. En dépit du sang qui a coulé dans les rues de Baalbeck, l’État peut au moins se targuer d’un dénouement positif, les forces de l’armée ayant déjà remplacé la plupart des barrages préalablement tenus par le Hezbollah aux portes et à l’intérieur de la ville. Une mesure qui pourrait être le prélude à un plan sécuritaire parrainé par les forces de l’ordre, à l’instar de celui qui vient d’entrer en vigueur dans la banlieue sud, et qui peine à voir le jour à Tripoli.
C’est ainsi qu’il faut comprendre l’appel lancé par le député du Hezbollah, Hassan Fadlallah, exhortant l’État « à remplir sa mission sécuritaire comme il l’a fait dans la banlieue sud, y compris dans la Békaa et le Nord ». Un message à peine feutré sur la reconnaissance du parti chiite du besoin pressant de se voir déchargé du fardeau de la sécurité interne dans ses localités, un front qu’il ne lésine désormais plus à abandonner pour en confier la relève à l’État. 


Le déploiement des forces légales est d’ailleurs souhaité avec autant de véhémence à Tripoli, haut lieu par excellence des règlements de comptes entre pro et anti-Bachar, comme en a témoigné hier encore la localité de Kobbé. Invité par des « amis » à un déjeuner dans un café situé dans ce quartier sunnite, cheikh Hachem Minkara, chef du mouvement al-Tawhid proche de Damas, soupçonné et arrêté dans l’affaire des explosions de Tripoli, a servi d’« alibi » par sa présence jugée « provocatrice » à un groupe de radicaux qui ont mis le feu au café et détruit les lieux. 


Prévu pour aujourd’hui, date de la rentrée scolaire dans la capitale du Nord, le plan sécuritaire élaboré depuis un certain temps devrait officiellement entrer en vigueur dès les premières heures. Ce n’est, rappelons-le, ni le premier ni le dernier du genre, la ville ayant battu les records en nombre de plans mis en échec, principalement à cause des ingérences politiques qui entravent le travail de l’armée, pressée à chaque fois par les parrains politiques respectifs de relâcher les fauteurs de troubles. 

 

(Lire aussi: Ahdab : Des officiers de renseignements syriens au Nord)


C’est donc les yeux rivés vers la Békaa et Tripoli que le chef de l’État entamera sa semaine, dont le programme a d’ores et déjà été changé par l’annulation de sa visite en Arabie saoudite, qui était prévue pour aujourd’hui. Aucune information sérieuse n’a encore filtré sur les raisons de ce report –, les rumeurs sur la santé du roi s’étant avérées infondées. Cette modification à l’agenda du chef de l’État ne devrait cependant pas faire obstacle à un autre voyage prévu dans les Émirats, mercredi.

 

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