Pris en avril à l’occasion d’une discrète visite en Iran de ce dernier, ce cliché résume le tournant pris par la guerre en Syrie et, plus largement, le conflit entre chiites et sunnites. C’est ce jour-là en effet, dit-on de sources diplomatiques, que Téhéran a fait savoir à Hassan Nasrallah que ses combattants devaient voler au secours du président syrien Bachar el-Assad, dont les troupes étaient partout en repli.
Dès son retour au Liban, le chef du Hezbollah a annoncé dans un discours télévisé que son parti entrait en guerre aux côtés d’Assad et de son clan alaouite pour empêcher la Syrie de tomber entre les mains des extrémistes sunnites. Joignant l’acte à la parole, le Hezbollah a été le principal acteur de la reconquête de la ville frontalière stratégique de Qoussair en juin. Selon un responsable des services de sécurité libanais, il a depuis renforcé sa présence sur toutes les lignes du front syrien, y déployant entre 2 000 et 4 000 combattants sous la direction des gardiens de la révolution iraniens et en étroite coordination avec l’armée d’Assad.
Ni le Hezbollah, considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis et l’Union européenne, ni l’Iran n’ont souhaité commenter ces informations, Téhéran affirmant ne fournir qu’une « aide humanitaire » à la Syrie. Présenté comme une question de vie ou de mort par Hassan Nasrallah, l’engagement du mouvement dans le conflit syrien n’a toutefois pas fait l’unanimité en son sein en raison des risques qu’il comporte pour la communauté chiite, dit-on de sources proches du Hezbollah.
Voix étouffées
Pour le cheikh Sobhi Toufayli, qui a dirigé le Hezbollah de 1989 à 1991 mais a depuis quitté le mouvement, la décision a été prise par Téhéran et personne d’autre. « J’ai été secrétaire général du parti, je sais qu’il s’agit d’une décision iranienne et que la seule alternative était une confrontation avec les Iraniens, a-t-il dit à Reuters. Je sais que les Libanais du Hezbollah et Hassan Nasrallah plus que quiconque ne sont pas convaincus par cette guerre. »
Les voix dissidentes ont cependant été étouffées. « Le Hezbollah n’est pas maître de ce genre de décisions, note un responsable sécuritaire libanais. La décision revient à ceux qui l’ont créé. Il doit obéir aux ordres de l’Iran. » Comme le résume un politicien libanais, qui souhaite lui aussi rester anonyme : « Nasrallah ne va pas dire “non” à celui qui lui a donné 30 milliards de dollars en trente ans. »
Certains diraient qu’il s’agit d’un juste retour des choses : le « parti de Dieu » a en effet été conçu en 1982 derrière les murs de l’ambassade d’Iran à Damas pour lutter contre l’armée israélienne qui venait d’envahir le Liban. Le Hezbollah s’est d’abord illustré par des attentats-suicide, des enlèvements et des détournements visant notamment les troupes occidentales stationnées au Liban, avant de jouer un rôle-clé dans le retrait israélien du sud du pays.
Armées par l’Iran, ses forces paramilitaires seraient composées de 7 000 combattants et 20 000 réservistes, selon des sources sécuritaires et diplomatiques, ce qui les rend plus puissantes que l’armée libanaise elle-même.
La reconquête de Qoussair
La discipline et l’entraînement des hommes du Hezbollah ont fait merveille à Qoussair, où d’après une source sécuritaire régionale l’opération de reconquête a été intégralement conçue et réalisée par les miliciens libanais. « D’après nos informations, ils conduisaient même les chars T-55 et T-54 syriens et contrôlaient l’artillerie, les missiles antichars... », énumère-t-elle.
Fort de ce succès militaire, le Hezbollah a pris du grade en renforçant sa présence et son rôle opérationnel dans les régions de Damas et de Homs, sur lesquelles Bachar el-Assad entend asseoir son emprise.
« Le Hezbollah est en train d’y consolider ses positions parce qu’il sait que le combat va être long et qu’il déterminera son avenir au Liban », dit la source sécuritaire. Les combattants libanais s’efforcent aussi de couper les liaisons entre les rebelles syriens et la frontière libanaise, à la fois pour empêcher les livraisons d’armes aux insurgés et pour prévenir les infiltrations de jihadistes qui pourraient mener des attaques dans la plaine de la Békaa. Le Hezbollah est enfin chargé d’entraîner les chabbiha, les miliciens principalement alaouites d’Assad, et dispose, selon la source sécuritaire régionale, de « commandos d’élite, formés par les Iraniens, dont la mission est d’assassiner les chefs de l’opposition sunnite et les commandants de l’Armée syrienne libre (ASL) à Damas et Alep ».
Contre-jihad
Cet engagement croissant dans le conflit syrien n’est pas sans risque, comme l’ont montré les attentats à la voiture piégée et les tirs de roquettes qui ont visé ces derniers mois la banlieue sud. Le Hezbollah est entré dans le conflit sunnites-chiites en déclarant le jihad, il doit donc s’attendre à subir un contre-jihad en retour, note un responsable sunnite libanais.
Pour le cheikh Toufayli, le « parti de Dieu » s’est fourvoyé en s’engageant dans un conflit que les chiites, minoritaires, ne peuvent pas gagner. « Jusqu’à récemment, je pensais que la résistance armée (contre Israël) était notre priorité et notre objectif. Ceux qui veulent renforcer la résistance ne devraient pas se laisser entraîner dans une guerre entre sunnites et chiites qui va tous nous consumer », estime-t-il.
Le conflit syrien pèse en outre lourdement sur les finances du Hezbollah et surtout de l’Iran, dont l’économie est durement affectée par les sanctions internationales en raison de son programme nucléaire. Selon des sources sécuritaires régionales, Téhéran, qui finance le Hezbollah à hauteur de 70 à 90 %, dépenserait 600 à 700 millions de dollars par mois pour soutenir le régime syrien.
(Source : Reuters)
Phrase extraite du discours de chef mercenaire Nasrallah du 30 avril 2013 où il évoquait son éventuelle participation aux combats en Syrie : "...les amis de Damas dans la région ne permettront pas la chute de la Syrie entre les mains des Etats-Unis et d’Israël ou aux groupes extrémistes sunnites".
15 h 29, le 27 septembre 2013