Trente-neuvième semaine de 2013.
Il est un mot pratiquement jamais utilisé dans ces colonnes. Galvaudé, banalisé, désincarné, il ne veut plus dire grand-chose – il ne veut plus rien dire du tout. Au Liban, en particulier. C’est le mot scandale. Il n’empêche : le déploiement de l’armée et des FSI dans la banlieue sud de Beyrouth est un gigantesque, un insensé scandale.
En postant 2 400 hommes aux entrées de cette miniprovince syro-iranienne, de cet îlot qui exigera bientôt des visas d’entrée pour les Libanais non partisans ; en n’y entrant pas : franchir la ligne de démarcation eut été considéré comme une déclaration de guerre ; en attendant le bon plaisir et le bon vouloir d’un Hezb plus hypocrite que jamais, l’État libanais n’aura été, in fine, qu’un vulgaire prestataire de services loué par Hassan Nasrallah pour une période (très) limitée dans l’espace et dans le temps. L’État libanais aura été, en gros, un plombier.
Chargé de colmater les fuites et autres menus travaux, mais aussi, supreme treat, d’arrêter, s’ils se pointaient comme des fleurs à quelque barrage après une partie de golf, un dîner en ville ou une séance d’abdos-fessiers, les quatre suspects dans l’assassinat de Rafic Hariri, recherchés par le Tribunal spécial pour le Liban. Si, si : c’est Marwan Charbel qui l’a dit. Le plus sérieusement du monde.
Un scandale et une mascarade. Ce pauvre ministre (ultrasortant) de l’Intérieur pétri d’honnêteté, de candeur, de bonne volonté, aurait été parfait chez Oui-Oui. Ou en chef de la police à Salzbourg. Ce saint M. Charbel est persuadé, comme une bonne faction de Libanais, que Hassan Nasrallah a autorisé ces braves garçons à jouer aux gardes suisses aux entrées de son fief uniquement pour les beaux yeux de l’État. Persuadé que Hassan Nasrallah a eu une illumination. Que Hassan Rohani l’a converti. Alors que ce brave M. Nasrallah en a juste eu marre de ces p’tits cons de 16 ans qu’il avait placés par défaut aux barrages du Hezb et qui jouaient aux Batman et aux Zorro de supermarché, tellement et tellement mal qu’ils allaient finir par réveiller cent et mille Hussein Chamas, cent et mille Maha Rifaï. Provoquer un miniprintemps chiite dans la banlieue sud intra-muros. Et M. Nasrallah, tout le monde le sait, est terriblement occupé à gérer ses hommes envoyés en chair à canon en jihad antisunnite en Syrie ; sans oublier le sud du Litani, qu’il ne faut jamais complètement déserter. La seule chose que doit regretter le patron du Hezbollah c’est, finalement, l’absence... d’Achraf Rifi. Achraf Rifi qu’il avait supplié à maintes reprises il y a quelques années d’envoyer ses boys dans ce bunker hezbollahi qui s’anamorphosait de plus en plus en Medellin à l’époque dorée d’Escobar.
Un scandale que ce déploiement parce que ce n’est furieusement pas à l’État de s’approcher conjoncturellement et provisoirement des frontières de la banlieue sud, mais à ce mini-État de se suicider et de réintégrer, d’une façon globale et pérenne, l’État. Ou ce qui en reste.
Un scandale parce que ces 2 400 garçons, d’autres régions, où les concepts de milice, d’autosécurité, d’indépendantisme et de souveraineté (heureusement) balbutient encore, en ont sacrément besoin – plus, bien plus que cette banlieue sud qui s’est toujours largement autosuffi et qui s’en est toujours vantée. Tripoli par exemple, où sunnites et chiites se détestent comme Capulet et Montaigu, où le chaos, la peur au ventre et la dégénérescence sont devenus normalité.
Un scandale parce que hier, après une réunion au sommet au Sérail, sous la présidence du très Tripolitain Nagib Mikati et consacrée à la capitale nordiste, un homme a reconnu avoir exprimé son gros mécontentement, au nom de tous les Tripolitains qui ne comprennent ni n’acceptent le fait que ce soit la banlieue sud qui ait bénéficié avant eux du déploiement de l’armée et des FSI. Cet homme est le ministre sortant de la Jeunesse et des Sports. Le fils de l’un des Tripolitains les plus viscéralement proches du gang Assad. Un des jeunes cadors du 8 Mars. Un allié du Hezbollah : Fayçal Karamé.
Décidément très courtisé, cet État libanais... À un petit détail près : de quoi/qui s’agit-il exactement ? D’un président qui prêche dans le désert et que presque personne n’écoute ? D’un gouvernement sortant fondamentalement stérile ? D’un Parlement autoprorogé et ectoplasmique ? D’un commandant en chef de l’armée qui s’y voit déjà ?
Octobre s’annonce glorieux.
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En postant...
Ah...çà a pas plu mon petit papier....bon,on va faire plus simple...cette makhoulerie est une makhoulerie..çà va comme çà? Chacun peut interpréter comme il veut...mais c'est une makhoulerie quand même..
17 h 22, le 28 septembre 2013