Le président libanais Michel Sleiman
On pouvait, à première vue, penser que la mise au point publiée hier par la présidence de la République au sujet de la déclaration de Baabda visait le 14 Mars et ses tentatives de mettre en évidence l’opposition qu’il y a entre la teneur de cette déclaration, prônant essentiellement la neutralité du Liban dans le jeu des axes extérieurs, et le triptyque « armée-peuple-résistance », cher au Hezbollah.
Il n’en est – presque – rien. Certes, le président Michel Sleiman soigne son image centriste et consensuelle et s’efforce en permanence de paraître à mi-chemin de l’ensemble des protagonistes. C’est la raison pour laquelle il tente, depuis le début des tractations en vue de la formation du gouvernement de Tammam Salam, d’éviter que la déclaration de Baabda, appelée naturellement à devenir la Bible et le Coran de la diplomatie libanaise, ne soit trop regardée à travers le seul prisme du 14 Mars.
Aux yeux des milieux présidentiels, il était donc impératif de ne pas mettre face à face la déclaration et le triptyque, de façon à ce que la promotion de la première ne donne pas automatiquement le sentiment d’un rejet du second. C’est à cette fin que la mise au point du palais est venue hier rappeler que la question du statut particulier des armes du Hezbollah et de leur devenir n’était pas mentionnée dans le texte de la déclaration.
(Pour mémoire : Les 17 points de la « Déclaration de Baabda »)
Formellement, cela est vrai. Aucun des dix-sept articles de cette déclaration, avalisée le 11 juin 2012, ne porte explicitement sur le dossier de l’arsenal du Hezb. Mais il n’empêche que dans le fond, le 14 Mars n’a pas tort : la déclaration de Baabda est un instrument de « re-libanisation » de la doctrine diplomatique libanaise et à ce titre, elle ne peut que contredire à terme la philosophie qui sous-tend le triptyque.
D’ailleurs, ce qui ne finit pas de surprendre dans cette affaire, ce n’est guère l’hostilité exprimée présentement par le Hezbollah et certains de ses alliés au sein du 8 Mars vis-à-vis de la déclaration de Baabda, mais c’est plutôt le fait qu’en juin 2012, la formation chiite l’ait avalisée.
Voilà le point essentiel que cherche à mettre en exergue la présidence dans sa mise au point d’hier. Les déclarations répétées de personnalités de premier ou de second plan au sein du 8 Mars, à l’instar de Mohammad Raad, chef du bloc parlementaire du Hezbollah, du leader des Marada, Sleimane Frangié, de l’ancien président Émile Lahoud, et d’autres, mettent en effet l’accent ces derniers temps sur le caractère mort-né de la déclaration. Ainsi que le déplorent des sources du palais, on cherche surtout dans ces milieux à suggérer que la présidence de la République avait réussi à faire passer la déclaration « en douce », autrement dit à l’insu du Hezbollah et de ses alliés.
Cela est évidemment impossible et impensable. D’ailleurs, le représentant du Hezb à la séance du dialogue national au cours de laquelle la déclaration a été adoptée – il s’agit du même Mohammad Raad – a lui-même contribué à façonner ce document par des propositions d’amendement qu’il avait faites par rapport à la mouture initiale et qui ont été introduites, soulignent les sources de la présidence.
Par conséquent, si le Hezbollah a décidé de faire passer le texte, on peut en déduire qu’à l’époque, cela l’arrangeait de jouer le jeu de la « distanciation » décrétée par Baabda et le gouvernement Mikati vis-à-vis du conflit syrien et de paraître ne pas lier son sort à celui du régime syrien. Ce qui est clair, c’est qu’en cours de route, il a changé d’avis, probablement sous impulsion iranienne, et décidé de s’impliquer ouvertement en Syrie. D’où ses tentatives de jouer actuellement la carte de la « nullité » de la déclaration de Baabda, au grand dam de celui qui se considérait naguère comme son principal allié, le général Michel Aoun, abandonné en quelque sorte à son embarras au milieu du chemin.
La mise au point de la présidence est donc bel et bien un épisode du bras de fer que se livrent Michel Sleiman et le Hezbollah autour de la déclaration de Baabda. Le ferment de dispute que ce texte contient est, en effet, énorme, dans la mesure où pour le premier, il est le principal acquis de son mandat jusqu’ici et un motif légitime de fierté, alors que pour le second, il devient un piège mortel le jour où il est pris au sérieux et où il est réellement mis en œuvre.
Le chef de l’État avait d’autant plus besoin de se manifester à ce propos que la déclaration de Baabda est le principal bagage diplomatique qu’il doit emporter avec lui aux Nations unies dans quelques jours.
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Déclaration de Baabda aura ou n’aura pas lieu l’ important dans toute cette farandole de trouver un consensus pour former un nouveau gouvernement sauf si chaque politicien compte au nom de sa tribu renouveler son mandat et garder ainsi la porte du pays ouverte à tout danger . Antoine Sabbagha
14 h 41, le 13 septembre 2013