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À La Une - Rencontre

Présence française dans l’espace culturel libanais

La rentrée. Non seulement scolaire, mais aussi culturelle. Beyrouth, une capitale à multiples facettes, est au cœur d’un rayonnement certain. Contre vents et marées. À l’Institut français, ce haut lieu de la francophonie, entretien avec Aurélien Lechevallier et Carole Prat. Par-delà passé et avenir, bilan et perspectives.

Aurélien Lechevallier et Carole Prat au service de la culture au Liban. Photo Michel Sayegh

Comme une ruche laborieuse, l’Institut français, rue de Damas, à la grande pelouse verte et aux bâtiments clairement agencés les uns à côté des autres, grouille de monde. Ombragés par des eucalyptus centenaires, les arcades vitrées de la façade baignée de lumière, les bureaux des fonctionnaires, dès l’entrée, respirent ordre et dynamisme.


Pour faire le point sur l’activité culturelle, rencontre dans les locaux spacieux d’Aurélien Lechevallier (conseiller de coopération et d’action culturelle, ainsi que directeur de l’Institut français du Liban) en présence, et avec la participation, de Carole Prat (attachée culturelle et audiovisuelle).


À la veille de quitter sa mission au pays du Cèdre, après trois années de service pour une programmation culturelle soutenue et polyvalente, rappel en un vol rapide et quelque peu bref des multiples activités qui embrassent l’art, la photographie, le cinéma, la peinture, la musique, le théâtre, la pédagogie, l’enseignement, le financement.
Décontracté et accueillant, il lance, souriant, avec un brin d’humour et de complicité: «Voilà, moi c’est le passé et elle (en jetant un regard sur sa collègue Carole Prat en poste pour un an encore) c’est l’avenir...»


Et d’entrer dans le vif du sujet: «Oui, on a réussi à mener une programmation artistique, culturelle et audiovisuelle à un rythme intense. Et cela malgré le contexte difficile pour tout le monde. Les temps forts de la saison écoulée restent le mois de la francophonie, avec la fréquentation de beaucoup de jeunes (écoles officielles et privées), ainsi que les spectacles organisés. Une place de choix aussi pour la fête de la Musique qui a atteint une ampleur impressionnante. Avec 50 groupes et une sélection de qualité (100 candidats pour se produire en ville!). Tremplin pour les talents naissants, outre les libanais, il y avait des groupes du monde arabe (syrien, égyptien...). Cela a groupé, pour tous les publics (surtout les jeunes) et avec une entrée gratuite, tous les styles aussi bien techno, choral que classique. Le magazine Time Out a décerné à ces événements le prix du public pour le meilleur festival. Pour la musique toujours, on souligne la création du Centre du patrimoine musical libanais qui a déjà à son actif les partitions de plus de 61 compositeurs, dont Zad Moultaka, Gabriel Yared, Boghos Gelalian... Par ailleurs, les expositions ont eu des partenaires de choix avec les festivals (Beiteddine, Baalbeck, Bustan). Côté cinéma, l’activité a été aussi belle : rétrospective d’Alain Resnais, projections des films d’Olivier Assayas... Tout en n’oubliant pas de mentionner la reprise de la Semaine de la critique. À noter que l’Institut français est présent non seulement à Beyrouth, mais dans toutes les régions et sur tout le territoire du Liban. On a atteint Zahlé, Deir el-Qamar, Saïda, Nabatieh (street art et graffiti), Tripoli (concours de photos), la Békaa...»


Dans cette inépuisable et tonique énergie pour insuffler vie et sculpter un profil culturel à la créativité moderne, il y a aussi quelques bémols. Et des regrets.


«Des regrets? Bien sûr qu’il y en a, mais on œuvre toujours, sans pour autant baisser les bras, poursuit Lechevallier avec détermination, en toute franchise et simplicité. D’abord, ce projet d’obtenir un financement de l’Union européenne (siège de Bruxelles) pour l’éducation artistique au Liban. Des professionnels pour l’animation culturelle avec initiation à la musique, au cinéma, une certaine sensibilisation à l’art. Il y a sans nul doute une méconnaissance de Beyrouth, car on voulait un projet qui ressemble à l’aide et financement au cinéma et au théâtre contemporain arabe, comme celui de “Menassa”. Le financement de nos activités, sans quoi il est impossible de fonctionner, est assuré par trois revenus: d’abord la subvention du ministère des Affaires étrangères, ensuite les recettes des cours générés par les 10000 apprenants (cours de français et arabe dialectal) et, enfin, le mécénat, le sponsoring (l’Agence française de développement, les entreprises françaises et libanaises, les banques-partenaires fidèles: Byblos Bank, SGBL, BLC Méditerranée....) et les médias. Ensuite, il y a la volonté de faire avancer, avec le Liban, le travail de la mémoire sur la guerre. Comme soutenir la collection des archives de Studio Baalbeck. Il y a beaucoup à faire pour un travail de mémoire afin d’avoir un rapport apaisé avec l’histoire... Notamment ce projet de la Maison jaune au carrefour de Sodeco. On espère qu’il verra le jour en 2015 dans un partenariat réunissant la municipalité de Beyrouth et la ville de Paris. En chantier aussi le projet “Lux”, soutien au jeune cinéma libanais pour de longs-métrages (sous les auspices conjugués de la banque FFA et la fondation LibanCinéma). Le théâtre n’est guère oublié. On soutient la création d’un atelier d’écriture dramaturgique pour jeunes auteurs intitulé “Répliques” et ce serait sous la férule de Jean-Daniel Magnin, directeur littéraire du théâtre du Rond-Point et rédacteur en chef de la revue Ventscontraires.net. Et les textes des pièces retenues sont susceptibles d’être édités et publiés en France...»

 


Éric Le Sage à la salle Aboukhater
Les yeux brillants, le verbe pétulant, c’est avec enthousiasme et volubilité que Carole Prat annonce le programme de la saison prochaine. En dépit des temps moroses et gris, un programme riche et coloré.


Pour le 13 septembre, à la salle Pierre Aboukhater, en hommage à Poulenc et à l’occasion du 20e anniversaire du pacte d’amitié entre les villes de Paris et de Beyrouth, un récital de piano haut de gamme sera donné par Éric Le Sage. Mais seront également interprétées des pages de Beethoven, Schumann et Debussy.


Les peintures de Michel Pelloille (du 17 septembre au 12 octobre), grâce au commissaire et galeriste Fadi Mogabgab, seront les invités des cimaises de la salle d’exposition de l’Institut français. Sous le titre «Paradis trouvé, fonds sous-marins», on découvre les œuvres d’un peintre et graveur français né en 1956, à Paris, et formé à l’École supérieure des beaux-arts de la Ville lumière. Une série de toiles très particulières sur le thème des fonds sous-marins, exprimant parfaitement la maîtrise du dessin, la richesse des couleurs et la poésie d’un monde sans cesse réinventé.
Après un an de fermeture pour cause de travaux, cette salle d’exposition reprend sa vocation pour des activités polyvalentes tout en accueillant plus d’une demi-douzaine d’accrochages annuels et un marché de Noël très courtisé.
«La folle journée street art» efface un peu l’été pour renouer avec la rentrée. Portes ouvertes à l’Institut français (le mercredi 18 septembre à partir de 16h00) pour des ateliers de skate, rollers et BMX. Peuvent s’inscrire des jeunes (à partir de 5 ans) et les adolescents. Des animations de jonglage, de diabolo et d’acrobatie sont également au rendez-vous sur la pelouse, ainsi qu’un spectacle pour clore l’événement. Peau neuve des murs aussi puisqu’une performance graffiti «live» aura lieu, avec, en plus des graffeurs libanais, l’artiste français Damon.


La quatrième édition de Beirut Art Fair (du 19 au 22 septembre 2013) au BIEL groupera une cinquantaine de galeries internationales. La France et le Liban, ensemble, sont à bonne enseigne pour dévoiler l’art de peindre. En florilège d’artistes-peintres connus ou à découvrir.


La salle Montaigne revient au-devant de la scène. Avec un esprit et une programmation neufs, et des fauteuils d’un rouge flamboyant qui ne grincent pas et absolument confortables. Lifting opéré avec succès grâce à la générosité de Michel et Salim Eddé, Adnan Kassar et Maurice Sehnaoui. Pour célébrer cette remise à neuf et remercier les donateurs, une soirée exceptionnelle, organisée en partenariat avec UMAM et CNC, sera consacrée au patrimoine audiovisuel libanais.


À cette occasion (le vendredi 20 septembre à 20h), projection du film La Châtelaine du Liban, réalisé par Jean Epstein en 1934. Ce long-métrage a été restauré par les Archives françaises du film dans le cadre du plan de sauvegarde des films anciens du ministère français de la Culture. La soirée se déroulera en présence d’Éric Le Roy, président de la FIAF (Fédération internationale des archives du film).


S’égrènent aussi d’autres échos et annonces réjouissantes.
Mathieu Chedid, connu sous le nom d’artiste -M, sera le 27 octobre sous les feux de la rampe du Music Hall.
En janvier, «Photomed» étendra ses tentacules, ses flashs et ses regards goulus de caméra gourmande pour un festival de la photo dans plusieurs coins de Beyrouth.
Pour détendre et dérider le public, L’Art du rire de Jos Houben. Un moment qui tombe à point dans le chaudron régional dont le couvercle de marmite danse à gros bouillons...Un anxiolytique de choix!
Un accord entre le Conservatoire national supérieur de musique de Beyrouth et le Conservatoire de Lyon assurera un pont où la musique demeure un approfondissement et un enrichissement entre étudiants et professeurs de l’Hexagone et du pays du Cèdre.


Mais la nouvelle de taille reste sans nul doute, pour la présence française dans l’espace culturel libanais, la tenue du Salon du livre dans sa 20e édition (du 1er au 10 novembre 2013) avec des invités de marque. Outre Pascal Bruckner, Rachid Benzine, Thomas Lavachery et Rémi Courgeon, imaginez l’Académie française aux portes de notre capitale! Pas tous les académiciens, évidemment! Mais une délégation conduite par Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuelle depuis 1999 de l’illustre institution fondée en 1635 sous le règne de Louis XIII par le cardinal de Richelieu...


Derniers propos avec Aurélien Lechevallier qui souffle: «Voilà, je n’en dirais pas plus... Je tiens également à remercier la presse francophone pour son soutien médiatique. À part les grands moments événementiels qui marquent, il y a aussi ceux simples, du quotidien, le sourire des enfants et la coopération avec les collègues. Je suis très heureux de ces trois années car quels qu’aient été les projets qu’on a présentés, il y avait toujours un public qui réagissait... un public constamment réceptif.»

 

 

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Pour faire le point sur l’activité...

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