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À La Une - L'Orient Littéraire

Le Liban culturel aux Jeux de la Francophonie

Malgré le marasme ambiant, le Liban culturel ne baisse pas les bras. Aux VIIes Jeux de la Francophonie qui se dérouleront à Nice du 7 au 15 septembre, il sera représenté par un groupe de jeunes artistes talentueux. L’Orient Littéraire a voulu en savoir davantage sur cette sélection prometteuse.

D.R.

Depuis leur création en 1987, les Jeux de la Francophonie ont pour vocation de réunir chaque quatre ans des artistes et sportifs francophones qui entrent en compétition dans différentes disciplines pour glaner des médailles (or, argent, bronze) comme aux Jeux olympiques, afin de « permettre le rapprochement des pays ayant en commun l’usage du français ». Au cours des trois dernières éditions, le Liban s’est classé premier dans le volet culturel, dépassant ainsi une cinquantaine de pays en lice, mais il n’a jamais vraiment brillé dans le volet sportif où les athlètes français (comme David Douillet), canadiens ou africains se taillent la part du lion. Les Jeux de 2009, organisés à Beyrouth, ont connu un franc succès et ont marqué les esprits. La soirée d’ouverture, orchestrée par Nora Joumblatt, a accueilli des artistes comme Magida el-Roumi, Youssou N’Dour ou Tania Kassis, et a été diffusée en direct par TV5 et par nombre de télévisions francophones, donnant ainsi une image positive du Liban. C’est à Nice que se dérouleront les prochains Jeux, dans une atmosphère festive et conviviale. De nouvelles disciplines (comme le hip-hop ou la jonglerie) y seront présentes pour la première fois. Sous l’égide du ministère de la Jeunesse et des Sports, et celui de la Culture (la délégation libanaise comprend Michel de Chadarévian, Hadi Damien et Mohammad Oueidat), les candidats du volet culturel se disent prêts pour ces Jeux, même si certains d’entre eux regrettent le retard (habituel) des autorités à leur assurer à temps le financement nécessaire à leur préparation…

 

Valérie Cachard, une écrivaine en devenir

 

La candidate dans la section littérature se nomme Valérie Cachard. Férue de lettres et de théâtre, elle a longtemps enseigné le français dans un lycée à Beyrouth tout en animant des ateliers d’art dramatique. Lors du passage de JMG Le Clézio au Liban, on s’en souvient, ses élèves ont fait une lecture remarquée de textes écrits par le lauréat du Prix Nobel de littérature. Elle a aussi joué dans plusieurs pièces, sous la direction de Nagy Sourati ou de Betty Taoutel, et a monté un « monologue », qu’elle a elle-même écrit et interprété dans la crypte Saint-Joseph. Elle a également obtenu le 5e prix au concours du jeune écrivain francophone et a été invitée, à ce titre, au Salon du livre de Paris. Ayant quitté le Liban pour suivre son mari, elle a effectué une résidence d’écrivain à l’étranger et participé à des ateliers d’écriture à Toulouse. « J’écris en permanence, nous confie-t-elle. Ce n’est pas seulement une passion, c’est un besoin. Je n’ai pas encore fait la démarche de contacter des éditeurs pour publier mes textes, mais je me sens prête aujourd’hui à franchir le pas. » Pour elle, sa sélection est surtout l’occasion de « retrouver d’autres artistes libanais et de mieux découvrir, au contact d’auteurs francophones venus d’horizons différents, comment on écrit le français ailleurs ». La nouvelle qui lui a valu de représenter le Liban s’intitule Dounia. C’est l’histoire d’une femme libanaise mariée à un étranger qui s’interroge sur son impossibilité à transmettre sa nationalité, et donc son identité, à son enfant, et qui, au même moment, suit à la télévision un documentaire chinois qui lui révèle un autre monde, situé aux antipodes du sien. Un texte militant, féministe, écrit avec finesse et subtilité, qui aborde un problème dont souffrent de nombreux couples mixtes. Valérie Cachard tentera de faire aussi bien que les quatre auteurs libanais qui ont obtenu des médailles au cours des Jeux précédents. Mais sa présence à Nice est déjà, en soi, la confirmation de son grand talent d’écrivain.

 

Cyrille Najjar : l’imagination au service de l’écologie

 

Ce grand blond aux yeux bleus, épris d’écologie, pourrait aisément passer pour un Suédois. Mais il est libanais et il représente son pays à Nice dans la catégorie « Création écologique ». Ce brillant créatif est d’ailleurs doté d’un solide bagage puisqu’il est diplômé en innovation et design industriel du Royal College of Arts de Londres, et qu’il a obtenu un master en architecture. Fondateur de l’entreprise White sur White spécialisée dans l’innovation technologique, une rareté au pays du Cèdre, il présentera le projet d’une mallette permettant d’assurer le courant grâce à une batterie alimentée par l’énergie solaire et l’énergie électrique, aussi bien au Liban que dans les villages reculés d’Afrique. « Ce module portable est destiné à remplacer les générateurs, précise-t-il. Il s’agit d’une unité solaire de cinq ampères qui permet de croiser deux énergies non polluantes et d’alimenter une douzaine de lampes, donc plusieurs foyers à la fois. Contrairement à d’autres équipements qui s’épuisent quand la batterie est à plat, celui-ci est rechargeable de zéro. » Le prototype qu’il défendra aux Jeux est assez proche du modèle définitif, qui nécessite un financement supplémentaire pour être conforme aux souhaits de son créateur, symbole de l’inventivité de la jeunesse libanaise et de son engagement en faveur de l’amélioration de notre quotidien – dans le respect des normes écologiques.

 

EyeSeeExperience : le numérique en mouvement

 

Un autre créatif sera également présent à Nice pour défendre le Liban dans le domaine de la création numérique : Moses Magharian. Ingénieur en télécom, passionné d’arts visuels, ce jeune homme fera sur place une démonstration consistant en un clip improvisé ayant pour thèmes les droits de l’homme et la démocratie. La réussite de ce projet, qui exige un matériel performant qu’il a eu le plus grand mal à obtenir, dépend d’une parfaite synchronisation entre la musique, composée par son complice Kevork Kechichian, et l’animation proprement dite, mise au point par Ziad Filfli. « Il s’agira d’exprimer le son avec des couleurs et du mouvement, tout en restant fidèle au thème imposé, nous explique-t-il. Pour cela, j’ai déjà prévu une banque d’images dans laquelle je puiserai les effets visuels destinés à accompagner la musique. » Fondateur d’une société qui s’occupe de « live visuals et de 3D mapping » (termes difficiles à traduire dans la langue de Molière !), il espère, à travers sa participation, prouver les compétences des Libanais dans ce domaine d’avenir.

 

Sae Lis' : une battante en musique

 

La représentante du Liban dans le domaine de la chanson s’appelle Elissa Boustani, alias Sae Lis'. Elle a vécu en Afrique et en France, étudié aux États-Unis, avant de s’installer au Liban. Très influencée par sa mère chorégraphe, elle a grandi dans l’amour de la musique et de la danse. Après des études en arts du spectacle et un diplôme de production audiovisuelle, elle décide de se consacrer à la création musicale. Elle se met alors à composer ses propres chansons et sort bientôt un premier CD en anglais intitulé « The Quest ». Très ouverte sur toutes les musiques du monde (elle aime aussi bien Michael Jackson que le reggae, Nina Simone, Brel et le hip-hop), elle signe des chansons où l’empreinte orientale est souvent perceptible. Elle présentera à Nice trois ou quatre chansons en français, aux textes « musclés », accompagnée par Karim Khneisser et Raja Farah. « Je ne cherche pas à plaire à tout le monde, les paroles de mes chansons sont souvent dérangeantes, nous affirme-t-elle. J’aime les mariages musicaux, la cohabitation du oud avec une musique élecro-swing, par exemple. » Sae Lis' sait qu’elle devra affronter des voix africaines incomparables. Mais elle sait aussi que son style particulier, sa musique originale et ses textes « qui déménagent » peuvent faire la différence.

 

Le hip-hop libanais selon Makriss

 

Du hip-hop au Liban ? Pourquoi pas ! Le groupe Makriss Dance Ministry (MDM), issu de l’école de Charles Makriss, considérée comme la première école de « Street Dance » dans la région, ira à Nice se mesurer aux plus grands, notamment le groupe Pokemon, champion du monde en la matière. Retenus parmi les 19 formations qualifiées (sur 77 pays), les artistes qui le composent ne sont pas des débutants : ils ont déjà organisé de nombreux spectacles, participé à plusieurs clips connus et joué dans le film Bosta de Philippe Aractingi – lui-même lauréat dans la catégorie cinéma lors de précédents Jeux de la Francophonie. La prestation qu’ils présenteront à Nice aura pour fil directeur les pérégrinations d’un émigré libanais. À chacune de ses escales, c’est un nouveau monde, et donc un nouveau style de danse, qui sera offert au jury – et au public. « Adolescents, nous dansions le hip-hop dans la rue, au grand dam de nos parents qui ne nous encourageaient pas à suivre cette voie, se souvient Maroun Adolph, l’un des membres du groupe. À présent, la danse est devenue notre métier et nous l’enseignons. Nous souhaitons franchir un nouveau palier à Nice, gagner en expérience et montrer au monde ce que nous savons faire. »

 

Les autres candidats, absents de Beyrouth lors de l’entretien, ont aussi de fortes chances de décrocher des médailles : le peintre Charbel Samuel Aoun, le sculpteur Pascal Hachem et la photographe Clara Abinader, sans oublier les Beirut Juggles dans la catégorie « jonglerie ». À l’heure où le pays est, de nouveau, dans l’œil du cyclone, il leur appartiendra de défendre « une certaine idée du Liban » : un Liban cultivé, créatif, ouvert sur le monde et, tout en étant attaché à ses racines arabes, membre actif de la vaste famille francophone.

Depuis leur création en 1987, les Jeux de la Francophonie ont pour vocation de réunir chaque quatre ans des artistes et sportifs francophones qui entrent en compétition dans différentes disciplines pour glaner des médailles (or, argent, bronze) comme aux Jeux olympiques, afin de « permettre le rapprochement des pays ayant en commun l’usage du français ». Au cours des...

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