La libération de Hosni Moubarak a étonnamment suscité peu d’émoi en Égypte où une poignée de ses militants ont célébré l’événement. Mohammad el-Shahed/AFP
L’ex-président égyptien Hosni Moubarak, renversé par une révolte populaire début 2011, a quitté hier sa prison et est désormais assigné à résidence dans un hôpital militaire du Caire, le tout dans une indifférence quasi générale des Égyptiens.
Mercredi soir, l’armée, qui dirige de facto le pays depuis qu’elle a destitué le 3 juillet son successeur, l’islamiste Mohammad Morsi, avait coupé court aux spéculations après l’annonce de la remise en liberté de M. Moubarak dans la dernière affaire qui le retenait en détention. Elle avait prévenu que le raïs déchu, âgé de 85 ans et à la santé vacillante, serait « assigné à résidence » dès sa sortie de la prison de Tora du Caire. Hier après-midi, il a été transporté par un hélicoptère médicalisé à l’hôpital militaire de Maadi, dans la capitale égyptienne, où il avait déjà séjourné depuis son incarcération en avril 2011. Notons au passage que peu après la sortie de l’ex-président de prison, la Suisse a annoncé se pencher de nouveau sur le dossier du gel des fonds de M. Moubarak, soit 583 millions d’euros.
Ce rebondissement intervient alors que l’armée et la police mènent depuis plus d’une semaine une campagne de répression sanglante des manifestations de partisans de M. Morsi, premier président élu démocratiquement en Égypte et issu des Frères musulmans. Ce dernier est détenu au secret par l’armée et accusé de complicité de meurtres. Dans ce contexte, « le débat égyptien a déjà été déplacé sur d’autres champs », note Barah Mikaïl, spécialiste du Moyen-Orient au sein de l’institut de géopolitique espagnol Fride. De ce fait, poursuit-il, « la charge symbolique restera forte, mais sans beaucoup de chances d’aller vers un retour franc à “l’ordre ancien” ». En effet, réseaux sociaux et médias sont loin de l’effervescence habituelle, et à peine une vingtaine de partisans dansent quand son hélicoptère décolle de sa prison : l’événement suscite peu de passions dans le pays.
Procès parallèles
Nombre d’Égyptiens et d’experts soulignent d’ailleurs que le passage du statut de détenu dans une cellule médicalisée en prison ou d’accusé enfermé dans la chambre d’un hôpital militaire du Caire ne change rien : il n’est pas libre de ses mouvements et son procès en appel pour le meurtre de manifestants lors de la révolte de 2011 reprend dimanche. En outre, M. Moubarak est aussi inculpé dans d’autres affaires de corruption et attend son jugement.
Ironie du calendrier : le jour de la reprise de son procès doit s’ouvrir celui des dirigeants des Frères musulmans arrêtés par l’armée après le coup de force contre M. Morsi et ses partisans. Le guide suprême Mohammad Badie et ses deux adjoints, Khairat al-Chater et Rachad Bayoumi, doivent comparaître pour « incitation au meurtre » de manifestants anti-Morsi qui avaient attaqué le QG des Frères musulmans le 30 juin, journée de mobilisation massive pour réclamer le départ de M. Morsi. Depuis une semaine, près d’un millier de personnes ont péri, pour l’immense majorité des pro-Morsi, quand militaires et policiers se sont lancés dans une répression sanglante de leurs manifestations et arrêté plus d’un millier d’islamistes. Le dernier en date est Ahmad Aref, porte-parole de la confrérie. Face au coup porté aux Frères musulmans avec l’arrestation de ses chefs et l’autorisation donnée aux forces de l’ordre autorisées pour tirer, les islamistes peinent à mobiliser depuis quatre jours et seules quelques centaines de personnes ont manifesté tout au plus.
(Reportage : Porter la barbe et le niqab peut devenir dangereux en Égypte)
« Vendredi des martyrs »
En attendant, la journée d’aujourd’hui constituera un test de la capacité des Frères musulmans à rassembler dans la rue : les pro-Morsi appellent à de grandes manifestations pour aujourd’hui, appelé « vendredi des martyrs » après la mort de centaines de partisans du président déchu dans les violences. L’armée s’est appuyée sur la mobilisation massive anti-Morsi du 30 juin pour justifier sa destitution, alors qu’une grande partie des Égyptiens reprochaient au président renversé d’avoir accaparé les pouvoirs au profit des Frères musulmans et d’avoir achevé de ruiner une économie exsangue.
Face à cet engrenage de la violence, l’Union européenne a décidé la suspension des licences d’exportation vers l’Égypte d’équipements sécuritaires et d’armes, et va réexaminer l’aide importante qu’elle apporte au Caire. Washington fait également peser la menace d’une rupture des aides financières, mais l’Arabie saoudite a promis qu’elle compenserait avec ses alliés du Golfe tout arrêt de l’aide occidentale.
Enfin, Human Rights Watch a dénoncé des attaques contre 42 églises et de nombreuses écoles, maisons et entreprises tenues par des coptes, les chrétiens d’Égypte, et rapporté des témoignages accusant les forces de l’ordre d’avoir été absentes lors de ces attaques confessionnelles. De même, les chefs des communautés chrétiennes de Jérusalem ont dénoncé « le scandale sans précédent » des profanations et incendies d’églises en Égypte, dans un appel publié hier par le quotidien du Vatican. « Nous, patriarches et chefs des Églises à Jérusalem, suivons avec une grande préoccupation la terrible situation de l’Égypte, qui souffre de divisions internes, d’actes terroristes et d’une violence délibérée contre des personnes innocentes, tant chrétiennes que musulmanes », affirment les représentants catholiques, protestants, orthodoxes, dans cet appel reproduit par l’Osservatore Romano.
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Commentaire
C’est l’autoritarisme qui pose problème, pas l’islam !
Mercredi soir, l’armée, qui dirige de facto le pays depuis qu’elle a destitué le 3 juillet son successeur, l’islamiste Mohammad...
MAIS UNE DOUCHE FROIDE !
13 h 58, le 23 août 2013