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À La Une - Rencontre

Pour Juppé, la Russie porte la responsabilité du blocage sur la Syrie

Le maire de Bordeaux est au Liban pour faire la promotion de sa ville.

Alain Juppé en compagnie de l’ambassadeur de France au Liban.

Jacques Chirac avait dit de lui qu’il « est le meilleur d'entre nous ». Tout le monde le considère comme un grand homme d’État. Malgré des hauts et des bas, Alain Juppé reste aujourd’hui une figure incontournable de la politique française, voire même le nouvel espoir pour une droite en déroute. Premier ministre et plusieurs fois ministre, l’actuel maire de Bordeaux était de passage à Beyrouth.


Lors d’une rencontre hier à la Résidence des Pins avec la presse francophone, M. Juppé a expliqué le double objectif de sa courte visite : « D’abord faire la promotion de la ville de Bordeaux », une ville qui a connu depuis une quinzaine d’année une métamorphose que tout le monde se plaît à saluer et qui a beaucoup de projets pour les dix et quinze ans à venir.
M. Juppé est donc venu « convaincre les investisseurs libanais “d’oser Bordeaux” », pour aller découvrir, s’installer et investir dans cette ville à l’avenir prometteur. « Nous avons de gros projets dans de nouveaux quartiers pour construire des logements, des bureaux, des commerces, des hôtels, un centre d’affaires important à vocation européenne, etc. »
Bordeaux est en effet célèbre pour son vin – une richesse évidemment précieuse, mais la ville regorge d’autres attractions captivantes à l’instar du pôle aéronautique et spatial important, un laser de grande puissance unique au monde, une grande forêt, une grande attractivité touristique, et la ville développe d’autres secteurs, en particulier la filière numérique.


Le second objectif d’Alain Juppé était de voir le travail de l’architecte libanais Youssef Tohmé à qui a été confié l’aménagement d’un des nouveaux quartiers de la ville, le quartier Brazza. Le maire de Bordeaux a ainsi visité le site du nouveau campus de l’Université saint-Joseph ainsi qu’un second site situé à Rabieh.
M. Juppé a également profité de sa visite pour faire quelques contacts officiels, rencontrant le président du conseil municipal de Beyrouth ainsi que le président de la République Michel Sleiman pour discuter de la situation au Liban dans un contexte régional qui est source d’inquiétude.

 


Le soutien au Liban
« J’ai eu l’occasion d’affirmer ce qui est une constante de la diplomatie française quels que soient les présidents et les gouvernements de l’Hexagone, à savoir l’attachement indéfectible au Liban, à son indépendance, à sa souveraineté et à son intégrité territoriale. La France est donc plus que jamais aux côtés du Liban », a déclaré M. Juppé qui « a constaté que la francophonie se défendait plutôt bien », estimant par ailleurs « qu’entre le Liban et nous, il y a un peu plus que des mots que nous partageons, ce sont des idées, une façon de voir le monde et une culture ».


Concernant plus généralement la région, Alain Juppé estime que « la situation est compliquée. Personne n’a une vue très précise des évolutions en cours ». Il revient au début des révoltes arabes, à une époque où il était ministre des Affaires étrangères. Selon lui, « le choix de la France a été de ne pas ignorer les aspirations des peuples à la liberté, alors que les dirigeants français ont peut-être fait preuve dans le passé d’aveuglement en soutenant des régimes dictatoriaux au motif qu’ils garantissaient, semble-t-il, la stabilité, une stabilité qui s’est avérée extrêmement fragile. Nous aurions donc été infidèles à nos valeurs et à nos principes si nous n’avions pas soutenu ces mouvements de libération des peuples. D’où notre intervention en Libye, notre soutien aux manifestants en Tunisie et en Syrie où, au début, il faut se rappeler, les manifestations pacifiques ne demandaient qu’un peu de démocratie et de liberté ».
« Faut-il le regretter aujourd’hui ? Je réponds résolument non », affirme M. Juppé qui estime qu’on ne peut pas passer d’une quarantaine d’années de dictature à une démocratie apaisée en quelques mois ou même en quelques années. « Nous sommes dans un processus de transition révolutionnaire qui sera probablement long et difficile. Mais il y a des signes d’espoir, comme c’est le cas en Tunisie où ceux qui sont attachés à la démocratie et à la laïcité se battent bien. La situation en Égypte est beaucoup plus complexe et beaucoup plus dangereuse », ajoute-t-il.


Quant à la Syrie, Alain Juppé réaffirme « son indignation devant la tragédie qui s’y déroule et l’impuissance de la communauté internationale, et surtout du blocage aux Nations unies dont la Russie porte la responsabilité. Je pense qu’il faut appeler un chat un chat ». Selon lui, la crise risque de durer, surtout que l’opposition elle-même a ses faiblesses, elle est divisée et incapable de s’organiser.

 


Le soutien à l’opposition syrienne
Est-ce que les Occidentaux sont responsables de l’aggravation de la situation à cause de leur hésitation ? M. Juppé refuse net cette logique : « Nous sommes habitués en Occident à porter toujours le chapeau. Nous ne faisons pas assez, nous sommes faibles, trop hésitants... Je crois que c’est un procès injuste. Les Européens, et la France en tout cas, ont dès le début condamné la répression perpétrée par le régime et affirmé leur volonté de soutenir l’opposition. » Toutefois, Alain Juppé affirme que les Européens ne peuvent passer outre à l’un des principes fondamentaux de la diplomatie européenne et française, c’est-à-dire n’utiliser la force que si le Conseil de sécurité de l’ONU l’autorise.
« Quant à la livraison d’armes aux rebelles, il s’agit d’une décision aux conséquences assez lourdes, avec une interrogation : à qui les livrer ? Surtout que l’opposition est divisée et comprend des mouvements extrémistes », ajoute-il.


Selon lui, les responsabilités sont partagées. Toutefois, « nous avons fait tout ce que nous pouvons avec le groupe des Amis de la Syrie, les pressions internationales, la reconnaissance de la coalition...
Concernant l’Iran, Alain Juppé estime que l’Iran joue un rôle dans le problème syrien avec son soutien actif au régime de Bachar el-Assad.
Or, toujours selon M. Juppé, la position de la France sur ce sujet est très claire, « le maintien d’Assad au pouvoir est inenvisageable. Lorsqu’on a porté la responsabilité du massacre de 100 000 Syriens, je ne vois pas comment le président syrien pourrait rester au pouvoir ».
Alain Juppé déclare par ailleurs que le conflit syrien pourrait s’étendre à d’autres pays de la région. « C’est une menace à la stabilité régionale », d’où l’insistance à un rôle accru du Conseil de sécurité pour trouver une solution politique à la crise.

 


Une guerre de religion
Estime-t-il que le conflit régional se transforme en une guerre entre sunnites et chiites ? Alain Juppé estime qu’on « assiste à une véritable guerre de religion dans la région. Il faut regarder la réalité en face ».
Enfin, la crise syrienne est en train de déstabiliser le Liban sur les plans politique, humanitaire et sécuritaire, à cause notamment de l’implication du Hezbollah aux côtés du régime de Bachar el-Assad.
Pour M. Juppé, « la position de la France avec ses partenaires de l’UE consiste à considérer que l’implication de la branche armée du Hezbollah dans le conflit syrien en soutien à l’armée du régime justifie l’inscription de la branche armée sur la liste terroriste. Pour le reste, la France ne souhaite pas compliquer davantage la situation politique au Liban ».
M. Juppé n’est toutefois pas pessimiste concernant la capacité du Liban à résister aux défis actuels et à rebondir comme il l’a déjà fait par le passé dans des situations tout aussi difficiles.

 

 

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