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Liban - Le commentaire

Entre la paralysie et le chaos, le 8 Mars réitère la stratégie de 2005

Sortir le pays du danger qui le menace nécessite d’accélérer la formation d’un gouvernement de cohésion, capable d’affronter tous les scénarios et de se concentrer sur les doléances citoyennes. À défaut d’un cabinet unificateur, le Liban sera une nouvelle fois placé devant une alternative difficile : soit un gouvernement de paralysie, soit le chaos du vide...


 En dépit de l’importance de cet enjeu, rien jusque-là ne semble indiquer la disposition des forces du 8 Mars, et précisément du Hezbollah, à former un gouvernement efficace, étant donné que ce camp tient à être représenté au sein du cabinet en fonction de son poids parlementaire, ce que refuse par ailleurs le 14 Mars, alléguant de la participation du Hezbollah aux combats en Syrie. Il est donc impossible, en l’état actuel, de conclure un mariage sous la contrainte, puisque cette alliance promet de s’achever par un divorce.


 D’ailleurs, les entraves à la formation du gouvernement sont claires, exprimées par l’abstention du président du Parlement Nabih Berry et du chef du Front de lutte nationale, le député Walid Joumblatt, de proposer au Premier ministre désigné Tammam Salam des noms de non-partisans susceptibles de les représenter au sein du cabinet. À cela s’ajoute la déclaration récente du chef du bloc parlementaire du Hezbollah, le député Mohammad Raad, dont la teneur précise que « les armes de la résistance sont en dehors de tout débat », ce qui signifie un refus clair de la stratégie de défense proposée par le président de la République Michel Sleiman, et donc le refus de la déclaration de Baabda.


 Pourtant, il va sans dire que la présence des armes illégales non seulement contredit l’essence de la déclaration de Baabda, mais accentue la crise politique, sécuritaire et économique, qui risque de conduire le pays jusqu’à l’explosion. Ce risque est accentué par le face-à-face entre un camp armé qui impose sa volonté à un autre non armé, qui s’enfonce dans la colère et se trouve forcé à s’armer éventuellement. Or, il faut rappeler que si le camp sunnite pourrait s’armer par réflexe d’autodéfense, face à l’impuissance de l’État à le protéger, le camp du Hezbollah, lui, est armé pour servir des buts régionaux, trahis par sa participation en Syrie. Autrement dit, les armes du Hezbollah persisteront jusqu’à ce que s’achève le cercle des conflits régionaux commencés en Syrie et qui se propagent dans les pays voisins.


La question qui se pose dès lors est celle de savoir quel sera le destin du Liban, face à l’impossibilité d’une solution aux armes du Hezbollah, avant que celui-ci ne réalise ses objectifs locaux et régionaux.


 Pour certains milieux politiques, c’est le scénario de 2005 qui se répéterait aujourd’hui. Le Hezbollah et ses alliés placent le Liban devant deux options : soit un cabinet de fausse union nationale, qui est en réalité un cabinet de paralysie ; soit un non-gouvernement, le vide ainsi créé devant paver la voie au chaos, le chaos étant propice à l’émergence des mini-États. Si le 14 et le 8 Mars se sont entendus sur l’autoprorogation du mandat législatif, les divergences sur la formation du prochain cabinet persistent. Elles reflètent deux intérêts diamétralement opposés : l’intérêt du Hezbollah à maintenir le gouvernement d’expédition des affaires courantes, qui est en réalité son gouvernement, alors que le 14 Mars tient à la formation d’un nouveau cabinet capable de prendre les décisions importantes, qu’un cabinet transitoire n’a pas la compétence de prendre. En réalité, les forces du 8 Mars voudraient, à la lumière de cette situation anormale, que le Parlement qui a autoprorogé son mandat tienne lieu de pouvoir exécutif. La volonté du 8 Mars serait de réduire le système libanais au parlementarisme afin de boucher le vide ministériel, mais aussi l’éventuel vide présidentiel (jusque-là, l’entente sur la prorogation du mandat du président actuel fait défaut). C’est justement là le danger le plus important, qui menace d’abattre les assises mêmes du système libanais et les composantes élémentaires de ses institutions.


 La polémique actuelle sur le droit du Parlement d’approuver de nouvelles lois en présence d’un gouvernement démissionnaire porte ainsi une dimension politique, voire confessionnelle puisque le bras de fer entre le Parlement et le gouvernement est un tiraillement entre le pouvoir assuré par la communauté sunnite (la présidence du Conseil) et celui qu’occupe la communauté chiite (la présidence de la Chambre). Accorder à l’un ou à l’autre les pleins pouvoirs consacrerait l’omnipotence d’une seule confession. Cela conduirait à un déséquilibre certain entre les pouvoirs, mais ébranlerait également l’esprit de l’entente nationale.


 C’est pourquoi il est primordial que le Hezbollah facilite la formation du prochain cabinet, au risque d’être tenu responsable du chaos dans lequel le pays sera entraîné. Ce ne sera pas une victoire politique sur le 14 Mars que le 8 Mars aura marquée en entravant la formation du gouvernement, mais une poignante défaite économique pour le pays, que subiront sans exception toutes les parties. Le Hezbollah se trouve en position de sauver le Liban ou de le conduire vers l’effondrement... Le choix de se retirer de Syrie ou celui de continuer de servir les plans iraniens ne relève que de sa volonté. Quel que soit son choix, il ne pourra pas en contourner les conséquences.

 

 

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 En dépit de...
commentaires (2)

LES HUITISTES... 3AMAL YITMAZRATOU 3AL 3ALAM !

SAKR LOUBNAN

20 h 19, le 02 juillet 2013

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Commentaires (2)

  • LES HUITISTES... 3AMAL YITMAZRATOU 3AL 3ALAM !

    SAKR LOUBNAN

    20 h 19, le 02 juillet 2013

  • Selon Raad « les armes de la résistance sont en dehors de tout débat ». Il a raison: ces armes sont illégales, il n'y a là, en effet pas matière à débat!

    Yves Prevost

    06 h 56, le 02 juillet 2013

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