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À La Une - Développement

Notre avenir se joue dans les villes

Le stand de Masdar City, la ville modèle située à Abou Dhabi, aux Emirats arabes unis. Photo AFP

En ce début de 21e siècle, les villes ont supplanté les campagnes pour devenir le lieu de vie de plus de la moitié de la population mondiale. Au Nord comme au Sud, le phénomène va s’amplifiant : alors qu’en 1950 une seule ville - New York - comptait plus de dix millions d’habitants, il y a aujourd’hui trente métropoles dans ce cas, et dix d’entre elles ont déjà franchi la barre des vingt millions d’habitants.

 

Dans ces mégalopoles, les problèmes de pollution et d’inégalités sont d’une ampleur colossale : l’accès à l’eau potable, à une nourriture saine et à un logement décent est souvent réservé à une minorité. Le mode de vie urbain, qui continue pourtant d’attirer chaque année des millions de ruraux, est extrêmement gourmand en ressources et en énergies fossiles. L’agence des Nations unies pour les villes ONU-Habitat estime que les agglomérations sont responsables de 70% des gaz à effet de serre, alors qu’elles n’occupent que 2% de la superficie terrestre. « Les effets de l'urbanisation et du changement climatique convergent aujourd'hui dangereusement et menacent sérieusement la stabilité environnementale, économique et sociale du monde entier », peut-on lire à la première ligne du rapport mondial 2011.

 

L’impact économique, social et environnemental des villes dépasse en effet leurs frontières administratives pour toucher des territoires qui en sont parfois éloignés : en prélevant des quantités importantes de ressources, notamment fossiles et minières, en reconfigurant les espaces agricoles et naturels, enfin en diffusant, via la télévision, les images du mode de vie citadin, c’est l’ensemble de la planète qui est transformée en profondeur par le phénomène urbain.

 

Plus mobile, plus carnivore, plus sensible aux effets de mode, donc davantage prisonnier de l’obsolescence des objets que l’habitant des zones rurales, le citadin occidental a une empreinte qui n’est pas soutenable. Selon le Global Footprint Network, si le mode de vie urbain avec ses consommations en matière de transports, de chauffage, d'éclairage, de production industrielle, agricole et de traitement des déchets devait être étendu à l’ensemble du globe, il faudrait trois à cinq planètes Terre supplémentaires …

 

Conscients de la position stratégique des collectivités locales pour inverser cette tendance, les signataires de la déclaration finale du sommet de la Terre de Rio, préconisaient dès 1992 l’adoption de stratégies de développement durable, baptisées « Agendas 21 locaux ». Cette approche, qui se voulait incitative et transversale, a permis une première prise de conscience des responsabilités des villes en matière de changement climatique. Mais l'outil n’a jamais véritablement réussi à s’imposer. Au mieux les Agendas 21 ont permis à certaines municipalités - surtout en Europe - de susciter des débats parmi les habitants, d’adopter des mesures de réorganisation administrative ou encore de lancer des projets d’aménagement urbain à l’échelle d’un quartier. Mais le plus souvent ces démarches ont abouti à l’adoption d’ambitieux catalogues d’actions dont un grand nombre est resté lettre morte.

 

Le relatif échec des sommets internationaux sur le climat depuis le début des années 2000 a renforcé la désillusion de la société civile vis-à-vis des pouvoirs publics. Prenant acte du désengagement des Etats sur ces questions, des mouvements citoyens ont émergé dans les villes, avec l’objectif à l’échelle locale de faire baisser leurs émissions de gaz à effet de serre, de sortir de la dépendance au pétrole et de manière plus générale de réduire leur empreinte écologique. Le mouvement des villes en Transition dans le monde anglophone (Transition Town Network, cf. encadré), le réseau des villes lentes (Cittàslow) né en Italie, ou encore le mouvement de la Simplicité volontaire au Québec tablent sur une transformation des villes par l’action collective. Ils adoptent un mode de fonctionnement ouvert, sans exclusive, et avancent des propositions pragmatiques qui suscitent un important engouement parmi les citadins des pays industrialisés.

 

Des éléments de leur programme, qui fait de la relocalisation de l’économie le principal instrument de la « résilience » - à savoir la capacité à affronter le pic de pétrole et le changement climatique - se retrouvent par exemple dans le succès des AMAP (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne qui proposent un pacte paysan-consommateur), dans les expériences d’agriculture urbaine, de jardins communautaires ou partagés, de clubs d’investissement solidaires (CIGALES), de systèmes de vélos en libre-service et d'autopartage, d’ateliers de réparation, de projets de consommation collaborative et de systèmes d’échanges de savoirs. Ces systèmes coopératifs semblent préfigurer une nouvelle façon de vivre en ville.

 

A une échelle plus vaste, les éco-quartiers et les éco-cités, qui nécessitent un important investissement des pouvoirs publics, notamment en terme d’infrastructure de transports et d’expertise technique, semblent faire les frais de la crise économique et du désinvestissement des Etats. Le projet de Dongtan en Chine, qui devait accueillir entre 50 000 et 80 000 habitants pour l’Exposition universelle de Shanghaï en 2010, a été gelé faute de financement. A Masdar City, la ville modèle située à Abou Dhabi (Emirats arabes unis), la recherche d’excellence environnementale ne concerne que le périmètre d'intervention. A l’exception notable du quartier Vauban à Fribourg (Allemagne), qui a été voulu et porté par les habitants, et qui a joué un rôle d’entraînement pour les industries locales d’énergies renouvelables, les éco-quartiers apparaissent comme des projets-vitrine qui ne parviennent à transformer les formes urbaines qu'à la marge.

 

D’Istanbul à Pékin en passant par Lagos, seuls des engagements forts des pouvoirs publics en faveur de normes d’efficacité énergétique adaptées aux besoins locaux couplés à des systèmes institutionnels favorisant l’engagement et la coopération entre citadins permettront d’éviter que les chantiers de construction persistent dans l’archaïsme du parpaing, de la fenêtre PVC et de l’étalement urbain incontrôlé.

 

 

Cet article fait partie de notre notre édition spéciale "Un monde de solutions".

 

 

 

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