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À La Une - Turquie

Erdogan esquisse un geste d’apaisement envers les manifestants

L’UE critique la répression et exige une enquête sur les violences policières.

« Tayyip, démissione ! » peut-on lire sur une banderole place Taksim et illustrant Recep Tayyip Erdogan en Adolf Hitler.      Gurcan Ozturk/AFP

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a esquissé hier un geste d’apaisement envers les manifestants qui réclament depuis huit jours sa démission dans la rue. Très ferme contre les « vandales » et les « extrémistes » devant ses partisans lors de son retour en Turquie dans la nuit, le chef du gouvernement s’est en effet montré un peu plus conciliant devant un forum international en se déclarant prêt à entendre toutes les « revendications démocratiques ». « Nous sommes contre la violence, le vandalisme et les actions qui menacent les autres au nom des libertés », a déclaré M. Erdogan lors d’une conférence à Istanbul sur l’Europe. Mais « nous accueillons de tout cœur ceux qui viennent avec des exigences démocratiques », a-t-il ajouté.


Juste avant qu’il ne prenne la parole, les Européens avaient une nouvelle fois rappelé le dirigeant turc à ses devoirs démocratiques. « Le recours excessif à la force n’a pas sa place dans une démocratie », a lancé devant son hôte le commissaire européen à l’Élargissement Stefan Füle, en soulignant que les manifestants avaient un droit « légitime » d’exprimer leur opposition. Il a également demandé une enquête « rapide et transparente » sur les violences policières. En dépit de ce rappel à l’ordre, M. Füle a assuré que la fronde qui agite la Turquie et les dérapages policiers n’auraient pas d’impact sur son processus d’adhésion à l’Union européenne (UE), paralysé depuis des années.

 

La chancelière allemande Angela Merkel avait elle aussi haussé le ton contre les autorités turques, insistant sur la nécessité de « discuter des problèmes avec les jeunes du pays », et exigeant qu’aucune « violence ne soit exercée contre les manifestants ».
Le Premier ministre turc a répondu en dénonçant le « deux poids, deux mesures » des critiques qui pleuvent sur son pays depuis le début de la contestation. « Des événements similaires se sont produits dans plusieurs autres pays aussi, en Grèce, en France, en Allemagne. Que diront ceux qui essaient de nous faire la leçon de “Occupy Wall Street” ? » a-t-il demandé en référence au mouvement de contestation pacifique qui a dénoncé en 2011 à New York les abus du capitalisme financier.

 

(Lire aussi: Même dans son quartier d’origine, le PM turc n’est plus incontesté)


De retour dans la nuit d’une tournée à l’étranger, M. Erdogan, parfois qualifié de « sultan » par ses détracteurs, avait adopté un ton beaucoup plus ferme. Devant des milliers de partisans chauffés à blanc, il avait ainsi exigé la fin « immédiate » des manifestations qui, a-t-il dit, « ont perdu leur caractère démocratique et ont tourné au vandalisme ». « Ils nous ont demandé le retrait de la police. Et puis quoi encore ? Ce n’est pas un no man’s land ! » a-t-il poursuivi. Cette démonstration de force était la première réponse publique organisée dans la rue par le Parti de la démocratie et du développement (AKP), au pouvoir depuis 2002, depuis le début de la fronde, avec le risque d’une escalade des violences.

« Nous ne partirons pas »
Car au même moment, des dizaines de milliers de personnes étaient réunies, comme chaque soir, sur l’emblématique place Taksim d’Istanbul pour réclamer la démission de M. Erdogan. Le mouvement de contestation a provoqué la mort de deux manifestants et d’un policier. Outre les trois morts, 4 785 personnes ont été blessées en une semaine, dont 48 très grièvement, selon un dernier bilan du syndicat des médecins turcs. Hier néanmoins, la situation était calme à Istanbul, où les manifestants ont conservé une détermination intacte. « Nous ne partirons pas », a assuré Murat Tepe, un styliste de mode de 36 ans. « Les gens vont continuer à venir », a-t-il pronostiqué, « nous n’avons peur de rien, avant tout le monde craignait de parler, maintenant c’est fini ». 


Le parc Gezi, et ses imposants platanes, a été le déclencheur de la contestation, les protestataires demandant l’arrêt du projet d’aménagement. Mais la revendication première a vite laissé place aux exigences de démission du gouvernement. Les détracteurs du Premier ministre lui reprochent un exercice « poutinien » du pouvoir : médias sous la mainmise du pouvoir, concentration par l’APK de l’ensemble des leviers, arrestations en masse des opposants kurdes et d’extrême gauche et islamisation rampante de la société...

À 59 ans et artisan en onze ans au pouvoir d’une politique qui a fait de la Turquie une puissance régionale dotée d’une économie en pleine expansion qui frappe à la porte de l’Union européenne, M. Erdogan a pu constater au Maroc et en Tunisie sa perte de crédit : le roi du Maroc Mohammad VI ne l’a pas reçu et son voyage à Tunis a été marqué par des manifestations hostiles.


Dans ce contexte, la contestation turque s’est offert une pleine page de pub dans le New York Times. Sous le titre « Qu’est-ce qui se passe en Turquie ? », la contestation turque a également récolté sur Internet plus de 100 000 dollars en cinq jours. « La population de Turquie a parlé, nous ne serons pas oppressés », affirme cette publicité, dont le titre disparaît partiellement derrière la fumée d’un gaz lacrymogène. « Durant les dix ans au pouvoir du Premier ministre Erdogan, nous avons vu l’érosion constante de nos droits civiques et de nos libertés. Les arrestations de nombreux journalistes, artistes et élus, et les restrictions sur la liberté d’expression, les droits des femmes et des minorités, montrent que le parti au pouvoir n’est pas sérieux sur la démocratie », ajoutent les auteurs du texte, qui se disent solidaires des « citoyens ordinaires qui protestent » en Turquie.
(Source : AFP)

 

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