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Les jeunes, fer de lance de la contestation en Turquie

"Nous sommes ici pour protéger nos droits, notre façon de vivre et pour dire +ça suffit+ au gouvernement fasciste".

Des jeunes manifestants turcs à Ankara, le 6 juin 2013. AFP / ADEM ALTAN

Leurs parents les croyaient totalement hermétiques à la politique, ils se sont trompés. Même s'ils rejettent les partis traditionnels, les jeunes de la génération "capitaliste" constituent le fer de lance des manifestations contre le gouvernement turc.

 

Ali vient tout juste de fêter ses 18 ans. Un masque de fortune pour se protéger du gaz lacrymogène autour du cou, il campe depuis trois jours avec ses camarades de lycée sur la place Kizilay, le coeur de la contestation dans la capitale Ankara.

"Nous sommes ici pour protéger nos droits, notre façon de vivre et pour dire +ça suffit+ au gouvernement fasciste", proclame fièrement le jeune homme, qui préfère ne pas donner son nom par peur d'être inquiété par la police.

 

(Reportage : Sous les pavés... à Istanbul)

Ses parents lui ont catégoriquement interdit d'assister aux manifestations, raconte en souriant Ali, mais ils ont dû capituler devant sa détermination.

"Ils ont bien compris que nous ne manifestons pas pour nous amuser mais pour notre avenir", dit-il. "J'appelle quand même ma mère après les charges des flics", pour éviter qu'elle vienne "me chercher"...

 

L'empressement des jeunes à se mobiliser, via les réseaux sociaux, pour rejoindre un mouvement parti de quelques militants écologistes stambouliotes opposés à la destruction d'un jardin public a surpris les sociologues, qui croyaient la génération née dans les années 1990 définitivement vaccinée de la politique.

"Bravo les enfants ! Nous pensions que vous étiez les fruits du capitalisme, vous avez détruit toutes les idées reçues", s'est félicité cette semaine un éditorial du journal libéral à grand tirage Hürriyet.

 

(Reportage : La « femme en rouge », nouvelle icône des manifestantes d’Istanbul)

 

Les sondages réalisés auprès des jeunes manifestants qui occupent la place Taksim d'Istanbul depuis une semaine ont confirmé que, s'ils se tiennent à distance de la "cuisine" politique turque, ils restent très intéressés par la "chose publique".


Une enquête de l'université Bilgi d'Istanbul a montré que 53% des contestataires n'avaient ainsi jamais participé à un rassemblement politique de leur vie, 70% n'étant membres d'aucune formation politique.

Mais 92% d'entre eux affirment que la répression policière et les restrictions dans leur vie quotidienne imposées par le gouvernement islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002, souvent dénoncées comme une islamisation rampante de la Turquie laïque, sont les principales motivations de leur mobilisation.

 

"Leur principale revendication, c'est que l'on n'intervienne pas dans leur espace privé et qu'on les écoute", explique la sociologue Nilufer Narli, professeur à l'université de Bahçesehir d'Istanbul, citée par le quotidien Milliyet. "Tout en s'amusant sur les réseaux sociaux, cette génération exprime aussi ses opinions politiques", ajoute-t-elle.

"Nous nous battons pour nos droits fondamentaux, contre un gouvernement qui veut contrôler notre vie", résume Can Dogan, un étudiant de 23 ans qui participe aux manifestations dans la capitale turque.

"Nous ne sommes pas une génération d'alcooliques ou de vandales, nous sommes des citoyens responsables", renchérit sa compagne, Merve.

 

Une allusion à de récents propos du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, qui a qualifié les manifestants d'"extrémistes" et de "vandales" et tenté de justifier une récente loi limitant la consommation de boissons alcoolisées par sa volonté de ne pas avoir "une génération qui titube jour et nuit sous l'emprise de l'alcool".

"M. Erdogan a misé sur l'économie pour un peu amadouer les masses. Et il n'a pas mal réussi, la société de consommation bat son plein en Turquie", juge Cengiz Aktar, politologue à l'université Bahçesehir.

"Mais il faut croire que la formule qui consiste à dire +consomme et tais-toi+ a des limites", ajoute-t-il. "Les gens disent +ça suffit, on veut aussi des libertés+".

 

(Reportage : L’alcool, symbole du défi lancé par les manifestants au gouvernement turc)

 

Une revendication confirmée par Elif Capli, 19 ans, qui bat le pavé à Ankara. "Même mon père n'intervient pas dans ma vie privée comme le fait Tayyip (Erdogan)", lance le jeune homme, issu d'une famille conservatrice. "De quoi se mêle-t-il ?"

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