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À La Une - Repère

Iran : la présidentielle en huit questions

Le Conseil iranien des gardiens de la Révolution a publié le 21 mai la liste officielle des candidats autorisés à se présenter à la présidentielle du 14 juin. Après huit ans au pouvoir, Mahmoud Ahmadinejad cèdera la place, laissant derrière lui un pays épuisé par les sanctions économiques internationales et en proie à de graves divisions politiques.

Les candidats à la présidentielle iranienne. De gauche à droite et de haut en bas : Ali Akbar Velayati, Mohsen Rezaie, Mohammad Gharazi, Saïd Jalili, Gholam Ali Haddad-Adel, Hassan Rohani, Mohammad Reza Aref et Mohammad Baqer Ghalibaf.   

1. Qui sont les principaux candidats ? Quels courants représentent-ils ?  

 

Sur les 686 candidatures déposées, le Conseil des gardiens de la révolution, chargé de sélectionner les personnalités autorisées à se présenter à la présidentielle, n’en a conservé que huit.

 

Le Conseil a exclu de la course deux poids lourds de la politique iranienne.

Tout d’abord l’ancien président (1989-1997) et fondateur du régime Akbar Hachemi Rafsandjani. La décision pourrait être due à son grand âge, 78 ans. Mais Rafsandjani était aussi considéré comme trop modéré par les ultras du régime, ils lui reprochent son soutien aux manifestants qui avaient contesté la réélection de Mahmoud Ahmadinejad en 2009. 

 

Autre candidat empêché de se présenter : Esfandiar Rahim Mashaei. Bras droit de Mahmoud Ahmdinejad, qui l’a accompagné lors du dépôt de sa candidature, il est régulièrement qualifié de "déviationniste" par les conservateurs proches du Guide suprême, qui l’accusent de vouloir remettre en cause la théocratie iranienne au profit d’un régime plus nationaliste.

 

"Les conservateurs favorables au Guide suprême ont voulu organiser une élection entre eux", analyse Azadeh Kian, spécialiste de l’Iran à l’université Paris VII, interrogée par Lorientlejour.com. "Les candidatures de dernière minute de Rafsandjani et Mashaei sont venues troubler cet arrangement prévu de longue date", ajoute-t-elle

 

Akbar Hachemi Rafsandjani et Esfandiar Rahim Mashaei. Photo AFP

 

 

Seule solution pour les deux candidats exclus de la présidentielle : déposer un recours auprès du Guide suprême, unique autorité habilitée à remettre en cause les décisions du Conseil des gardiens de la révolution. Si Rafsandjani semble accepter les décisions de ce dernier, Mashaei a d’ores et déjà annoncé vouloir faire appel. Pour Azadeh Kian, Mahmoud Ahmadinejad pourrait même "menacer le Guide de révéler certains secrets compromettants" sur la République islamique afin d'imposer son candidat.

 

 

Les candidats autorisés par le Conseil des Gardiens sont donc les suivants :

 

Saïd Jalili, 47 ans, chef des négociateurs iraniens dans le dossier nucléaire. Vétéran de la guerre Iran-Irak (1980-1988), il est un poids lourd du camp conservateur. Pour Azadeh Kian, Saïd Jalili est "le candidat du Guide suprême" auquel il est "totalement soumis". Actuel favori, il n’a pourtant jamais occupé la moindre fonction exécutive.

 

 

Saïd Jalili, à Istanbul, le 15 mai 2013 (OZAN KOSE/AFP) 

 

Le principal concurrent de Saïd Jalili sera le très populaire maire de Téhéran Mohammad Baqer Ghalibaf. Conservateur charismatique, ardent partisan de la théocratie iranienne, il sait aussi se montrer "moderniste". "Il est aujourd'hui l'opposant principal à Mahmoud Ahmadinejad", souligne Azadeh Kian. "En politique étrangère, il a déclaré vouloir que cessent les rapports belliqueux" entre l'Iran et le reste du monde, "tout en maintenant des positions fermes", ajoute-t-elle. Héros de la guerre Iran-Irak, il dispose de larges soutiens au sein du Corps des gardiens de la révolution, les pasdarans. 

 

Le camp conservateur favorable au pouvoir religieux sera également représenté par Ali Akbar Velayati, ministre des Affaires étrangères durant seize ans, et par Gholam Ali Haddad-Adel, conseiller spécial d’Ali Khamenei. Sa fille est mariée à l’un des fils du Guide suprême. Autre candidat, Mohsen Rezaie, ancien chef des Gardiens de la révolution. Battu par Ahmadinejad à la présidentielle de 2009, il n’avait pas immédiatement accepté les résultats de l’élection.

 

Du côté des conservateurs modérés, on compte Hassan Rohani, ancien négociateur sur le nucléaire sous la présidence du modéré Mohammad Khatami (1997-2005). Il est aujourd’hui soutenu par le parti de la Modération et du Développement, qui avait appuyé la candidature de Mir Hossein Moussavi en 2009. La candidature du modéré Mohammad Gharazi, ancien ministre des postes et des télécommunications sous Rafsandjani, a également été approuvée.

 

Le camp réformateur ne comptera quant à lui qu’un seul candidat : Mohammad Reza Aref. Ancien vice-président de Mohammad Khatami de 2001  à 2005, ce cadre du régime s’est tenu à l’écart des protestations de 2009. "Comme les autres candidats, à part Saïd Jalili et Mohammad Ghalibaf, il s'agit d'un personnage politique de second plan, qui fera surtout de la figuration", estime Azadeh Kian.

 

A quelques jours du scrutin, Mohammad Reza Aref  et Gholam Ali Haddad-Adel se sont retirés de la course à la présidentielle. Six candidats étaient ainsi en lice le jour du scrutin. Un scrutin qui s'est joué, au premier tour, entre entre Hassan Rohani, devenu le candidat unique des modérés et réformateurs, et trois candidats conservateurs qui se sont détachés: l'ex-chef de la diplomatie Ali Akbar Velayati, le maire de Téhéran Mohammad Bagher Ghalibaf et le chef des négociateurs nucléaires Saïd Jalili.

 

 


2. Quels sont les pouvoirs du président iranien ?

 

Selon la Constitution iranienne, "le Président de la République détient la plus haute fonction officielle du pays", mais seulement "après celle du Guide" suprême, Ali Khamenei. Ce dernier "détermine" la politique du pays, commande aux armées, et nomme les principaux cadres du régime. Le président assume seulement "la direction de l’exécutif". Il est responsable devant le Guide, et non l’inverse. A la différence de la France ou des Etats-Unis, le président n’est pas le chef de l’Etat. L’ancien président Mohammad Khatami (1997-2005) a lui-même reconnu n’avoir rien été de plus qu’un "intendant".

 

 

 


3. La présidentielle peut-elle se dérouler librement ?

 

"Aucune élection depuis 1979 ne s’est déroulée librement", tranche Azadeh Kian. L'un des obstacles majeurs à un bon déroulement du scrutin étant le contrôle, en amont, des candidatures à la présidentielle par le Conseil des gardiens de la révolution, composé de religieux et de juristes conservateurs, note la chercheure. En 2009, sur les 475 candidatures déposées, seules 4 avaient été retenues, toutes liées au régime. Cette année, 686 personnalités se sont présentées devant le Conseil. Les huit candidats sélectionnés sont tous favorables au régime et, à une exception près, sont tous issus du courant conservateur.

 

Régulièrement, les journalistes et militants réformateurs sont la cible d'arrestations ou d'actes d'intimation de la part des autoritésA un mois de la présidentielle, les sites internet sont en outre ralentis ou censurés. Selon les internautes locaux et les observateurs étrangers, le pouvoir iranien veut éviter la réédition de la contestation de 2009 alimentée via la Toile.

 

 

 

4. Quid des femmes ?

 

"La loi interdit aux femmes d'accéder à la présidence", a déclaré Mohammad Yazdi, l’un des membres du Conseil. Trente femmes avaient pourtant présenté leur candidature. Selon Azadeh Kian, la loi électorale ne définit pas précisément le sexe des candidats : "Le mot utilisé, rajal, peut signifier homme ou personnalité importante".

"De plus de plus de femmes se présentent depuis la présidentielle de 1997", indique la chercheuse, qui précise qu'en "2009, le porte-parole du Conseil des gardiens avait déclaré ne pas voir de problème légal à la candidature de femmes à la présidentielle". Ceci dit, aucune candidate femme n'a jamais passé le filtre du Conseil des gardiens.

 

La stratégie d'obstruction du Conseil des gardiens a donné naissance à une candidate virtuelle, Zahra, héroïne d’une bande dessinée en ligne, soutenue par de nombreux internautes sur les réseaux sociaux.

 

Zahra Mohammadi, l'une des trente femmes ayant vu sa candidature rejetée par le Conseil des gardiens de la révolution, à Téhéran, le 11 mai 2013 AFP/MEHRI BEHROUZ

 

 

 

5. Quels sont les grands enjeux de cette présidentielle ?

 

Le sujet phare de l’élection reste l’économie, du fait que les sanctions internationales affaiblissent le pays. Entre 2010 et 2012, les exportations de pétrole ont baissé de 18%, alors que celles de pays comparables ont augmenté de 50%. L’inflation a atteint 31,5% en mars, et le rial ne cesse de chuter face au dollar (Voir tableau ci-dessous). Le pays ne créerait quasiment plus d’emplois depuis 2005.

 

La présidentielle sera aussi une lutte politique. Les conservateurs sont déchirés entre les partisans du Guide suprême et ceux fidèles à Mahmoud Ahmadinejad. Aux législatives de 2012, les deux camps sont entrés en compétition, avec un avantage aux conservateurs anti-Ahmadinejad.

 

La chute du rial iranien face au dollar depuis 2008 (Capture d'écran/XE.Com)

 


 

6. Où en est le programme nucléaire ?

 

Les négociations entre l’Iran et le groupe 5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU + l’Allemagne) sont au point mort. Les positions "restent très éloignées sur le fond", a récemment déclaré Catherine Ashton, haut représentant de l’Union Européenne pour les Affaires étrangères.

 

Le groupe 5+1 propose une levée des sanctions internationales en échange de l’arrêt de l’enrichissement de l’uranium à 20%. Téhéran exige, de son côté, un droit sans condition à l’enrichissement et a annoncé en février la mise en service de nouvelles centrifugeuses plus performantes.

 

Saïd Jalili et Catherine Ashton à Istanbul, le 15 mai 2013 (AFP/STR)

 

 

7. Que reste-t-il du mouvement réformiste vert de 2009 ?

 

Quatre ans après les manifestations contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, les leaders de la contestation, Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, sont en résidence surveillée. "Le Mouvement vert s’est délité en quelques mois, et il ne représente plus une alternative politique", écrit Fariba Adelkhah, chercheuse à Sciences Po Paris, dans le cadre d’un dossier consacré au pays

 

Cependant, pour Azadeh Kian, "les millions d’Iraniens qui ont vu leur vote confisqué en 2009 sont toujours là" et, "même s’ils réfléchiront à deux fois avant d’aller manifester", ils pourraient massivement voter pour un candidat qui saurait les représenter.

 

Manifestation contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, le 15 juin 2009 (CC/Wikipedia)

 

8. Cette élection peut-elle améliorer les relations entre l’Iran et l’Occident ?

 

Le 17 mai 2013, le secrétaire général du Conseil des gardiens de la révolution, Ahmad Jannati, a déclaré que tout candidat souhaitant instaurer des relations diplomatiques pleines et entières entre les Etats-Unis et l’Iran serait exclu de la présidentielle.

 

Cependant, selon Azadeh Kian, "on constate chez les conservateurs une évolution vers un langage moins belliqueux qu’avec Ahmadinejad", notamment au sujet du conflit syrien. Pour la spécialiste, les futurs dirigeants n’auraient plus d’autres choix que de négocier un allègement des sanctions internationales, afin de contenir le mécontentement social.

 

 

(L'article a été actualisé le 14 juin 2013)

 

 

 

1. Qui sont les principaux candidats ? Quels courants représentent-ils ?  
 
Sur les 686 candidatures déposées, le Conseil des gardiens de la révolution, chargé de sélectionner les personnalités autorisées à se présenter à la présidentielle, n’en a conservé que huit.
 
Le Conseil a exclu de la course deux poids lourds de la politique iranienne.
Tout d’abord l’ancien...

commentaires (2)

DEVINEZ LES SEPT, VOUS SAUREZ LA HUITIÈME !

SAKR LOUBNAN

20 h 27, le 23 mai 2013

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Commentaires (2)

  • DEVINEZ LES SEPT, VOUS SAUREZ LA HUITIÈME !

    SAKR LOUBNAN

    20 h 27, le 23 mai 2013

  • Fabuleux quelle belle photo ...! même en Iran ! ils ont un mur des cons...! elle n' est pas belle la vie en turbaninstand...

    M.V.

    17 h 43, le 22 mai 2013

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