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Liban

Le bouc du rabbin

Par Carlos EDDÉ
Amid du Bloc national
On raconte que dans l’est de la Pologne, pas loin de Mikaszewicze, vers la fin du XVIIIe siècle, vivait dans une petite maison une grande famille juive démunie. Le père, la mère, les grands-parents, les tantes et sœurs célibataires et naturellement les nombreux enfants n’arrêtaient pas de se disputer, mais nul n’avait les moyens de quitter la chaumière.
Un samedi, après la prière du sabbat, ils allèrent trouver le rabbin, homme connu pour sa sagesse, et lui demandèrent conseil. Ce dernier leur répondit que la solution était simple et qu’il leur rendrait visite pour leur résoudre leur problème. Peu de temps après, il fit apparition chez eux, accompagné d’un bouc ; il leur dit que l’animal devait vivre avec eux à l’intérieur de la maison et que tout irait bien avec le temps. La famille était perplexe mais accepta l’animal.
On peut imaginer ce qui s’ensuivit : le bouc se mit à manger tout ce qui lui tombait sous le nez, et son manque d’hygiène rendit vite la situation intenable. Le samedi suivant, avant la prière du sabbat, ils prirent le bouc et le rendirent au rabbin. Et lorsqu’ensuite, ils rentrèrent chez eux, ils trouvèrent que la situation était bien meilleure sans l’animal, et en furent ravis.
La morale est évidente : quand ceux qui sont supposés vous résoudre une situation en sont incapables ou veulent maintenir le statu quo, il leur suffit d’introduire un bouc chez vous pour envenimer les choses, puis de le retirer, pour vous donner l’illusion d’une amélioration. C’est exactement ce qui s’est passé avec la loi électorale Ferzli. Et durant toute la période de discussion sur le choix du système électoral, il n’a jamais été question de la vraie représentativité, c’est-à-dire du fait de donner à l’électeur le droit de choisir son député en toute liberté, de lui accorder la capacité de pouvoir sanctionner les parlementaires, ou d’espérer un jour pouvoir renouveler la classe politique. Jamais, jamais, jamais ! Le seul objectif, de part et d’autre, est de maintenir les mêmes groupes au pouvoir, chacun essayant d’améliorer sa position relative ou tout au moins de la maintenir.
Alors qu’ils ont tous deux gouverné le pays, soit ensemble, soit à tour de rôle, les deux groupes ont produit des résultats négatifs pour le pays évidemment car sur le plan personnel ça va de mieux en mieux pour certains. Dans un pays qui se respecte, les dirigeants sont jugés et reconduits au pouvoir en fonction de leur performance. Cela est vrai en politique comme dans les affaires. Naturellement, vous les entendrez dire qu’ils n’ont pas pu faire mieux, pour un bord à cause de la corruption passée, et pour l’autre car les armes empêchent tout progrès. Mais la vérité, l’incontournable vérité, est que ni les uns ni les autres ne sont capables de prendre les mesures nécessaires pour améliorer la situation du Liban et des Libanais.
Alors comment ces mêmes personnes sont-elles systématiquement reconduites au pouvoir ? Comment n’y a-t-il pas le moindre renouveau au Parlement ? C’est très simple : le système est fait pour maintenir le statu quo et toutes les propositions de systèmes électoraux envisagés – la loi Ferzli, ou la proportionnelle, ou la loi actuelle – se font sur base de listes. Et c’est à travers cet instrument – la liste – que les forces en présence présélectionnent des candidats dociles à leurs maîtres et n’offrent au citoyen que deux choix, l’un mauvais, l’autre pire.
Dans les deux clans, le discours électoral ne tourne qu’autour d’un seul argument : il faut empêcher l’adversaire de passer car il est mauvais. Ainsi, dans leur grande majorité, les Libanais ne votent pas pour un projet de réforme ou un candidat en qui ils ont confiance, mais contre le groupe qu’ils aiment le moins. La circonscription uninominale à deux tours, seul système qui pourrait permettre un changement structurel au Liban, est refusée de part et d’autre car elle remettrait en question l’hégémonie de chacun des leaders des deux clans sur leurs blocs respectifs.
Du point de vue des élections et de la démocratie, le Liban, de fait, n’est qu’une oligarchie ploutocratique. Et la situation ne risque pas de s’améliorer, quel que soit le résultat des élections faites à travers le système des listes. La loi mixte n’est qu’un compromis établi entre les deux groupes au détriment de l’intérêt du pays, de la logique et du citoyen. Comme pour Frankenstein, on raccommode la tête de l’un avec le corps d’un autre. Cette loi mixte, mélange de 1960 et de proportionnelle tarabiscotée, fait partie de la plus grande duperie imposée aux Libanais. Et pourtant elle provoque un grand enthousiasme dans beaucoup de milieux. Chez les politiciens, je veux bien, ils vont être reconduits. Mais chez les citoyens et dans la société civile, pourquoi cette réjouissance ? Après que l’on a introduit le bouc électoral et empesté l’atmosphère, le simple fait de l’avoir retiré rend-il la mauvaise situation initiale acceptable ?
La joie de tous ceux qui sont contents qu’un si mauvais compromis ait été atteint pour faire des élections qui ne vont rien changer me rappelle une expression italienne que mes parents répétaient dans des cas similaires : « Cornutos e contentos. »
On raconte que dans l’est de la Pologne, pas loin de Mikaszewicze, vers la fin du XVIIIe siècle, vivait dans une petite maison une grande famille juive démunie. Le père, la mère, les grands-parents, les tantes et sœurs célibataires et naturellement les nombreux enfants n’arrêtaient pas de se disputer, mais nul n’avait les moyens de quitter la chaumière.Un samedi, après la prière...
commentaires (6)

Et, comme de bien entendu, Ma BiS Sohh Ellas Sahhîh avec le Ämîd Carlos : Digne descendant de la lignée des Émile, Pierre et Raymond Éddé.... et de celle bien sûr Orthodoxe des Sursock.

Antoine-Serge KARAMAOUN

18 h 35, le 18 mai 2013

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Commentaires (6)

  • Et, comme de bien entendu, Ma BiS Sohh Ellas Sahhîh avec le Ämîd Carlos : Digne descendant de la lignée des Émile, Pierre et Raymond Éddé.... et de celle bien sûr Orthodoxe des Sursock.

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    18 h 35, le 18 mai 2013

  • Cher Amid, donner des leçons ne vous fait pas gagner des voix. Vos interventions sont rares pour vous faire entendre. ""L’hégémonie de chacun des leaders"" est le fait de la guerre, et ils maîtrisent parfaitement leur jeu, avec un grand appétit pour partager le gâteau électoral. Depuis juillet 2011, le mode de scrutin est leur seul fonds de commerce, car il faut bien remplacer l’autre débat qui nous menait au bord de la guerre civile...

    Charles Fayad

    17 h 38, le 18 mai 2013

  • Il faudra alors vous présenter ainsi que le BN en tant qu’Indépendant, Ämïd !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    12 h 36, le 18 mai 2013

  • Ce que j'ai aimé dans cette narration et au delà l'esprit même de l'article, c'est qu'il a un sens révolutionnaire, "prolétaires de tous les pays ....". On se fout de notre gueule de tout côté, et la vérité c'est que nous voyons toujours les memes noms revenir depuis la nuit des temps, le seul miracle qui pourrait nous arriver c'est qu'on commence à retirer ce gaz au large de nos côtes et qu'on puisse nourrir et éduquer décemment nos enfants, même si le khabbaz devait en manger la moitié .

    Jaber Kamel

    12 h 23, le 18 mai 2013

  • Amusante cette historiette du rabbin ... quoique ...au Liban nous avons la vache en plus ...! pour que le peuple bouc émissaire.... ait ...l'impression diffuse de participé à la traite ...

    M.V.

    10 h 48, le 18 mai 2013

  • Excellent...

    GEDEON Christian

    05 h 01, le 18 mai 2013

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