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À La Une - Liban - L’éclairage

L’appétit vorace du 8 Mars et les limites de l’ouverture de Salam

Le Premier ministre désigné entend toujours diriger un cabinet de ministres non ouvertement partisans et surtout non candidats aux législatives.

Le Premier ministre désigné Tammam Salam après la prière du vendredi à la mosquée al-Farouk à Beyrouth, hier. Photo Dalati et Nohra

Les conseils de patience et de prudence prodigués par le président de la République, Michel Sleiman, et par le chef du PSP, Walid Joumblatt, au Premier ministre désigné, Tammam Salam, dans ses démarches destinées à la formation de son gouvernement, ont contribué à ouvrir une nouvelle brèche devant les ambitions du Hezbollah et de ses alliés. 


Ainsi, le scénario classique est désormais en marche : entreprendre de dissuader le Premier ministre désigné de déclencher l’ire du Hezbollah en le mettant devant le fait accompli d’un gouvernement qui n’arrange pas ses affaires, c’est permettre au 8 Mars de hausser les enchères ; ce qui, automatiquement, se répercute sur les appétits ministériels du général Michel Aoun.
Or il semble bien qu’en plus des conseils du président Sleiman, le chef du PSP aurait transmis à M. Salam la teneur d’un message qu’il avait fait parvenir au président de la Chambre, Nabih Berry, et qui dit que le bloc joumblattiste ne participerait pas à un gouvernement qui n’aurait pas l’heur de plaire au tandem chiite Amal-Hezbollah.

 

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C’est à la suite de l’échec des concertations entre le Premier ministre désigné et une délégation du 8 Mars, samedi dernier, que M. Salam s’est vu conseiller de faire preuve de prudence et d’éviter de braquer le tandem chiite. Lors des discussions, la délégation n’était pas parvenue à persuader M. Salam de la nécessité de modifier sa conception du « gouvernement d’intérêt national », comme il l’avait lui-même nommé, et dont la principale mission serait de superviser les élections législatives.
Refusant d’entériner un cabinet de technocrates ou de neutres, le 8 Mars souhaitait d’emblée un gouvernement pleinement politique. À présent, ce camp réclame en plus d’être représenté au sein du cabinet proportionnellement à son poids à la Chambre, soit 45 % – ce qui lui permettrait de détenir largement le tiers de blocage –, mais aussi de nommer lui-même ses ministres et de garder dans son giron les ministères-clés qu’il détenait, en particulier les Affaires étrangères et l’Énergie.


Pour ce qui est du Hezbollah en propre, ce dernier n’a guère de visées ministérielles. Ce qui lui importe par-dessus tout, c’est le maintien du fameux triptyque « armée-peuple-résistance ». Mais à cette condition perpétuelle, le parti chiite en ajoute à présent une seconde, la satisfaction de son allié chrétien, Michel Aoun. Autrement dit, le Hezb n’entrerait pas au gouvernement si le général Aoun était mécontent de la part qui serait attribuée à son bloc au sein du gouvernement. Cette position de son allié chiite a naturellement incité le chef du CPL à se montrer encore plus gourmand que d’ordinaire. D’ores et déjà, il annonce la couleur en réclamant le portefeuille des Finances en échange de l’un des deux ministères juteux qu’il a détenus jusqu’à présent, l’Énergie et l’Eau d’un côté et les Télécoms de l’autre.

 

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Face à ces positions, le Premier ministre désigné affiche une constance dans les principes qu’il souhaite mettre en œuvre pour accompagner la genèse de son équipe ministérielle. Il entend toujours diriger un cabinet de ministres non ouvertement partisans et surtout non candidats aux législatives.
Faisant, il est vrai, preuve de souplesse, M. Salam, qui reste chez lui et refuse d’effectuer « la tournée de la mariée » auprès des leaders politiques, a demandé aux blocs parlementaires de lui remettre des listes de noms de leurs ministrables et des portefeuilles convoités, étant cependant entendu que lui-même se chargerait de faire le tri.
Le Premier ministre désigné rejette, en effet, une réédition de ce qui s’était produit lors de la genèse du cabinet Saad Hariri, en 2009, lorsque le général Michel Aoun avait pris l’initiative d’annoncer de Rabieh les noms des ministres et les portefeuilles qui lui revenaient avant que M. Hariri ne rende lui-même publics les détails de son gouvernement à sa sortie du palais présidentiel de Baabda, comme cela est la règle.


On reconnaît, dans les milieux proches de Mousseitbé, que M. Salam a reçu des conseils sur la nécessité de jouer davantage en coulisses afin d’assurer le plus large soutien possible à son cabinet. Mais ces milieux s’empressent d’ajouter que cela ne signifie aucunement que le Premier ministre désigné est porté à changer ses convictions. De même, précise-t-on, le fait que l’on souhaite obtenir l’aval du tandem chiite ne veut pas dire qu’il va se soumettre à leurs desiderata et à ceux de leur allié le général Aoun. Ainsi, par exemple, il n’est pas question pour lui de céder sur le principe qu’il s’est imposé de prendre à ses côtés des ministres non adhérents à des partis et non candidats aux élections.

 

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Toujours selon ces milieux, M. Salam est entouré d’un certain nombre de personnes qui continuent de le presser de soumettre au chef de l’État une mouture gouvernementale répondant à ses propres critères, formée de 24 personnalités éminentes sur la scène civile et ne constituant de défi pour aucune formation politique.
Ce gouvernement, ajoute-t-on, devrait être présenté comme celui de la supervision des élections, mais aussi du « rattrapage des occasions manquées dans tous les domaines ». Pour ces conseillers, entrer dans la logique du marchandage et de la surenchère serait préjudiciable pour M. Salam et pour l’aura qui a accompagné sa nomination, et cela d’autant plus qu’il rejette tout lien entre un accord sur la loi électorale et la formation du gouvernement.
Le 8 Mars craint que derrière cette fermeté ne se cache un « mot d’ordre » en provenance de l’étranger.


Toujours est-il que le Premier ministre désigné cherche à rompre avec les méthodes et les scénarios éculés qui ont lassé l’opinion publique et veut opérer un retour aux sources de la démocratie libanaise : les forces politiques hostiles au gouvernement n’ont qu’à lui refuser leur confiance et à siéger sur les bancs de l’opposition et celles qui le soutiennent à se ranger à ses côtés.

 

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