Rechercher
Rechercher

À La Une - Éclairage

Les scénarios possibles ... et impossibles

Il ne le reconnaîtra sans doute pas, mais le Premier ministre démissionnaire Nagib Mikati a été ces derniers temps deux fois la victime de son alliance avec le leader druze Walid Joumblatt. D’abord, dans l’insistance pour la prorogation du mandat du général Achraf Rifi de la part de Walid Joumblatt qui l’a poussé à la démission et ensuite dans la désignation de Tammam Salam pour former le prochain gouvernement, alors qu’il lui avait promis qu’il serait nommé à nouveau. M. Joumblatt avait d’ailleurs déclaré à maintes reprises qu’il lie son sort à celui de M. Mikati au sein du gouvernement...

 

C’est d’ailleurs fort de la promesse d’être nommé de nouveau qu’il avait reçu, au lendemain de sa démission, des journalistes de la presse écrite pour leur parler de « ses conditions » pour un retour à la tête du gouvernement. Selon les informations qui circulent aujourd’hui, M. Mikati était donc convaincu de revenir au Sérail à la tête d’un gouvernement d’union basé sur la fameuse formule des trois tiers : un tiers au 8 Mars et au général Aoun, un tiers au 14 Mars et le troisième tiers au groupe dit centriste. Mais à travers ses négociations avec les Saoudiens, M. Joumblatt n’a pas pu leur faire accepter l’idée d’un retour de M. Mikati au Sérail, les dirigeants du royaume estimant qu’il doit payer pour avoir accepté de former « le gouvernement du Hezbollah ». Des noms plus offensifs ont été ainsi évoqués mais l’idée était de trouver une personnalité qui ne soit pas une provocation pour le camp adverse et qui, à travers ses qualités propres, puisse le rassurer et faire passer cette étape délicate.


C’est ainsi que Tammam Salam a été choisi, sachant que l’homme est issu d’une famille qui reste le symbole de la coexistence islamo-chrétienne et que lui-même n’a cessé tout au long des années écoulées d’adopter des positions modérées dans la plus pure tradition de la famille Salam. D’ailleurs, le camp adverse ne s’y est pas trompé, se ralliant rapidement au train en marche et décidant de désigner à son tour Tammam Salam.


Le Hezbollah, Amal et le bloc du Changement et de la Réforme ont ainsi pris de court leurs adversaires qui voyaient déjà la formation d’un gouvernement de leur bord chargé d’organiser les élections sur base desquelles ils reviendraient au pouvoir.


Mais la quasi-unanimité dont il a bénéficié contraint aujourd’hui Tammam Salam à négocier avec toutes les parties et c’est là qu’il se heurte à deux visions totalement différentes.


Pour le 14 Mars, Tammam Salam est chargé de former le plus rapidement possible un gouvernement plus ou moins neutre qui organisera des élections sur la base de la loi actuelle, même amendée (faute de temps pour en adopter une nouvelle) au plus tard à l’automne prochain, et à partir de là, la voie sera ouverte pour le retour des « faucons » du 14 Mars au Sérail. Il devra aussi régler la question de la direction des FSI actuellement prise en charge par intérim par le général Salem, mais ce dernier atteint l’âge de la retraite en juin.


Le Hezbollah et ses alliés ont une tout autre vision. Ils souhaitent un gouvernement d’union nationale ou de salut, autrement dit composé de personnalités politiques et de technocrates, dans lequel ils auraient au minimum le tiers des portefeuilles, alors que les portefeuilles de la Défense, de l’Intérieur et de la Justice seraient donnés à des personnalités indépendantes pour pouvoir organiser des élections. Justement, le véritable problème reste dans les élections, puisque le Hezbollah et ses alliés, sans parler de Bkerké, ne veulent plus entendre parler de la loi de 1960, alors que le 14 Mars affirme rejeter cette loi tout en appuyant les préparatifs des élections sur cette base. Le Hezbollah et ses alliés craignent ainsi une nouvelle fois d’être pris au piège de la loi de 1960, c’est-à-dire d’être mis devant le fait accompli. Et leur désignation de Tammam Salam est en partie conditionnée par cette appréhension, en poussant désormais le Premier ministre désigné à discuter avec eux de la formation du gouvernement.


Dans ce contexte complexe, Tammam Salam (et le Liban avec lui) se trouve devant plusieurs choix : soit il entre dans un long processus de formation d’un gouvernement d’union, en cherchant à concilier les inconciliables avec souffle et patience. Dans ce cas, il faudrait prévoir un report de facto des élections législatives, d’abord de quelques mois et ensuite pour un ou deux ans, le temps de laisser passer la tempête syrienne. Mais ce scénario ne plaît pas au 14 Mars.


Dans le deuxième scénario, Tammam Salam s’aligne sur la position du 14 Mars et n’attend pas l’acceptation du camp adverse, se lançant dans la formation d’un gouvernement de technocrates non candidats aux élections, chargé d’organiser le scrutin avant la fin de l’année en cours. Là aussi, il y a deux cas de figure : soit Walid Joumblatt revient sur la parole qu’il a donnée au président de la Chambre lorsqu’il lui a promis qu’il n’accorderait pas sa confiance à un gouvernement monochrome et le gouvernement de Tammam Salam obtient la confiance du Parlement grâce aux voix du 14 Mars plus Joumblatt et organise les élections comme prévu sur la base de la seule loi existante, celle de 1960. Soit Joumblatt et son bloc ne votent pas et le gouvernement de Salam n’obtient pas la confiance du Parlement. Mais si le chef de l’État signe le décret de la formation du gouvernement, celui-ci pourra gérer les affaires courantes, même sans un vote de confiance. Il remplacera ainsi le gouvernement démissionnaire de Mikati et la question de savoir si un tel gouvernement qui n’a pas la confiance du Parlement et qui gère les affaires courantes est en mesure d’organiser des élections, sur la base d’une loi existant déjà, celle de 1960, se posera et provoquera sans doute de vives polémiques dans le pays.


Il existe encore un autre scénario qui prévoit la formation rapide d’un gouvernement accepté par les deux camps, qui s’entendent tout aussi rapidement pour un léger report des élections, le temps d’adopter une nouvelle loi...Cela peut paraître trop beau, mais un premier miracle n’a-t-il pas déjà eu lieu ?

 

 

Lire aussi

Salam entame ses consultations au pas de charge

 

Législatives : Possible suspension des délais pour le dépôt des candidatures jusqu’au 19 mai

Il ne le reconnaîtra sans doute pas, mais le Premier ministre démissionnaire Nagib Mikati a été ces derniers temps deux fois la victime de son alliance avec le leader druze Walid Joumblatt. D’abord, dans l’insistance pour la prorogation du mandat du général Achraf Rifi de la part de Walid Joumblatt qui l’a poussé à la démission et ensuite dans la désignation de Tammam Salam pour...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut