Le Liban est encore sous le coup de la désignation de Tammam Salam, baignant dans une sorte de béatitude. Mais après la détente et les démarches protocolaires, les choses sérieuses vont commencer, à savoir les tractations pour la formation d’un nouveau gouvernement. À ce stade, les chances de succès du Premier ministre désigné sont aussi grandes que ses chances de ne pas parvenir à trouver un accord entre les différents protagonistes. Mais de plus en plus de parties internes sont convaincues qu’il existe une chance réelle de solution, le choix de Tammam Salam et l’unanimité qui s’est faite autour de lui ayant dénoté une volonté réelle chez toutes les parties de coopérer.
Un observateur chevronné estime à cet égard que l’expérience des deux dernières années a montré à ceux qui avaient encore des doutes sur le sujet que le Liban est formé de grandes et de petites minorités, aucune d’elles n’ayant la possibilité de gouverner le pays seule. Le 14 Mars a fait sa propre expérience avec le gouvernement amputé des représentants de la communauté chiite entre 2007 et 2008, et le camp adverse a aussi fait l’expérience avec la désignation de Nagib Mikati. Ce dernier avait bien essayé de rallier tout le monde avant d’être contraint de former un gouvernement « monochrome ». Il a été ensuite soumis à une guerre impitoyable sur le plan sécuritaire et notamment dans son propre fief, Tripoli. Cette guerre et la position mitigée de son gouvernement, qui baignait dans le flou, ont placé le Liban au bord du précipice, exacerbant les sensibilités et les tensions confessionnelles, mettant à mal l’armée et les services de sécurité, et multipliant les contradictions internes au point qu’une explosion généralisée semblait imminente. D’autant qu’il fallait, en plus, tenir compte de l’afflux de déplacés syriens.
À ce sujet, il faut noter que le pouvoir au Liban a raté l’opportunité de transformer l’afflux de déplacés en un apport positif, en abritant la classe aisée syrienne et en lui accordant des facilités. Mais les différentes parties libanaises ont préféré aider les plus démunis, dans l’espoir qu’ils se rallient à elles et qu’ils grossissent leurs rangs, laissant partir les fortunes qui se sont établies ailleurs, dans les pays du Golfe ou en Europe. Au point que le problème des déplacés syriens n’est plus une simple question humanitaire, avec ses conséquences économiques et sociales ; il est aussi devenu un problème politique et sécuritaire, se greffant sur les dissensions internes et sur la division horizontale du pays entre deux grandes minorités, une sunnite et l’autre chiite, qui n’arrivaient plus à trouver le moindre terrain d’entente entre elles. On se souvient de la multiplication d’incidents inquiétants et à coloration confessionnelle, à Saïda, dans la Békaa et au Nord.
Le Premier ministre Mikati a tenu bon autant qu’il le pouvait, mais la situation était devenue totalement ingérable, d’autant que l’armée était soumise à une très forte pression sur le terrain, alors que le flou politique ne lui permettait pas d’agir comme elle le devait. Il a donc préféré démissionner parce que le maintien de son gouvernement était en train de pousser le Liban vers le chaos.
C’est pourquoi, toujours selon l’observateur chevronné, le principal message de la désignation de Tammam Salam consiste dans le fait que la stabilité du Liban reste une ligne rouge.
Que l’Arabie saoudite ait agi de sa propre initiative – pour ne pas perdre le Liban après avoir perdu l’Irak et face à une situation incertaine en Syrie, ou qu’elle ait l’aval des États-Unis, qui ne veulent pas de la déstabilisation au Liban pour ne pas compliquer encore plus la donne syrienne –, le choix du fils de Saëb Salam, leader traditionnel beyrouthin, est donc en lui-même un message de stabilité pour les Libanais. Le second message est qu’il est impossible de réitérer l’expérience d’un gouvernement monochrome, qu’il soit du 14 Mars ou du camp adverse. C’est pourquoi la classe politique est devant une chance rare de parvenir à un accord pour la formation d’un nouveau gouvernement. Saura-t-elle la saisir ? La réponse n’est pas évidente, d’autant que les principales parties commencent déjà à dresser la liste de leurs conditions pour participer au prochain gouvernement.
Mais la rue, elle, préfère souffler. Au pire, elle a gagné quelques mois de « trêve », en attendant que la situation régionale, et notamment en Syrie, se précise. Au mieux, les concertations qui viennent de commencer aboutiront à la formation d’un gouvernement d’union nationale qui organisera les élections législatives en automne après l’adoption par le Parlement d’une nouvelle loi électorale. On peut rêver...
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Il ne peut y avoir d'union nationale qu'entre les Libanais. Les Libanais sont ceux qui appuis des partis avec des idéologies sans allégeances a n'importe quel autre pays étrangers. Trouvez donc en un au sein des 8 martiens et alors nous discuterons d'union nationale.
15 h 11, le 09 avril 2013