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Culture - Mois de la francophonie - Théâtre

Le délicieux millefeuille théâtral des « Pâtissières »

Sur les planches du Tournesol*, « Les Pâtissières » de Jean-Marie Piemme, mise en scène par Nabil el-Azan, déploient les subtiles saveurs d’une pièce d’auteur : finesse, réflexion et humour caustique. Une délicieuse tranche de théâtre francophone à déguster ce soir encore et demain.

Un formidable trio de comédiennes qui servent avec brio un texte où l’humour acéré cache une mélancolique réflexion.     Photo Marwan Assaf

Elles sont drôlement féroces ces «pâtissières»! Ou, pour être plus exact, ces ex-pâtissières.
Trois sœurs qui ont consacré leur vie à la préparation du «charlemagne», gâteau-culte de la pâtisserie familiale bicentenaire dont elles avaient hérité et porté haut le fanion, hissant leur artisanat au rang d’art de vivre, et qui se retrouvent aujourd’hui sur la touche. Retraitées! Désœuvrées, papotantes, chamailleuses, un brin... amères – ironie du sort pour des confectionneuses de douceurs! –, elles reviennent sur les circonstances de leur mise à quai. La faute à l’âge, évidemment. Mais pour ces presque septuagénaires, encore pimpantes, le passage du temps n’est que le prétexte dont s’est servi le promoteur immobilier pour leur racheter maison et commerce. Ce promoteur devenu leur ennemi commun – et qui a bizarrement disparu – est aussi l’incarnation du «mauvais goût de l’époque», qui préfère désormais les produits industriels à la qualité du fait main.
Une époque dont tous les représentants vont en prendre pour leur grade avec ces malicieuses et mordantes pâtissières. Mina, Flo et Lili, respectivement campées par Christine Murillo, Chantal Deruaz et Christine Guerdon (trois talentueuses comédiennes françaises, anciennes du Conservatoire, dont une ex-sociétaire de la Comédie-Française), n’épargnent rien ni personne. Depuis les banquiers «spéculateurs» à la presse qui écrit n’importe quoi, en passant par les décérébrés directeurs de maisons de retraite, les «petits» commissaires de police, ou encore la mondialisation à coups de baklavas arabes et de production chinoise... Elles balancent, dynamitent les poncifs, avec une gouaille féroce, ces vieilles dames indignes! «Dieu n’aime plus l’Europe!» ira même jusqu’à s’exclamer Flo, la plus «intégriste du goût» parmi les trois.

Un arrière-goût sucré-salé
Mais au milieu des caissons de déménagement, dans lesquels tiennent finalement toutes leurs vies, c’est avant tout entre elles qu’elles règlent leurs comptes, les trois sœurs. Trois personnalités différentes qui, à l’heure du bilan, portent sur leurs parcours un regard scrutateur et évaluateur. «Avons-nous été heureuses?» s’interrogent-elles en s’affrontant avec tendresse, nostalgie, mais aussi drôlerie et cruauté sur leur choix de vie. Et là, transparaît tout l’art de ciseleur de dialogues de Jean-Marie Piemme – l’un des auteurs francophones contemporains les plus traduits – qui, sous le couvert d’une joyeuse dérision, sert une multitude de saveurs: sucrées-salées, douces-amères, parfois acides, d’autres fois
piquantes...
Vous l’aurez deviné, c’est une pièce à la construction d’un millefeuille que servent là ces délicieuses «Pâtissières». Un trio de comédiennes au jeu magistral et d’un naturel confondant, porté par un texte brillamment caustique et riche en messages (autant d’allégories politiques et sociales que de mélancoliques réflexions existentielles en forment les couches), mis en scène avec une subtile et fluide intelligence par Nabil el-Azan. C’est à la fois crémeux et légèrement croustillant, fin et poudré. Un savoureux théâtre de tradition française, en somme !

*Théâtre Tournesol, Sami el-Solh, samedi 9 et dimanche 10 mars, à 20h30. Tél. : 01/381290.


 

Le programme

« Le printemps de la francophonie » sous le signe de la jeunesse, de la créativité et de l’inédit
Elles sont drôlement féroces ces «pâtissières»! Ou, pour être plus exact, ces ex-pâtissières. Trois sœurs qui ont consacré leur vie à la préparation du «charlemagne», gâteau-culte de la pâtisserie familiale bicentenaire dont elles avaient hérité et porté haut le fanion, hissant leur artisanat au rang d’art de vivre, et qui se retrouvent aujourd’hui sur la...

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