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À La Une - En dents de scie

Transgenre(s)

Huitième semaine de 2013.


C’est Martine dans le Maronistan.


Elle s’arrête d’abord à Rabieh. Chez Michel Aoun. Dans le champagne qui coule à flots depuis mardi. Il y a cinq ans, ce Don Quichotte de supérette qui arrive échéance après échéance à réinventer la démagogie et le populisme défendait bec et ongles la loi électorale de 1960, jurait qu’elle était idéale pour la représentativité chrétienne. Sauf que depuis, son antiharirisme a centuplé. Rien de mieux donc que cette hérésie, confessionnelle et sectaire comme jamais, ce projet qui n’a d’orthodoxe que les fantasmes d’un has been absolu, assadisé jusqu’à la moelle, Élie Ferzli, pour laminer le courant du Futur et faire briller les yeux de Hassan Nasrallah et de l’ensemble des aounistes.


Elle s’arrête ensuite à Meerab. Parmi les fleurs. Chez un Samir Geagea qui était en prières hier, en pleine cérémonie d’autopromotion des Forces libanaises. À la limite de la schizophrénie, entre un discours 14-marsiste d’une fermeté et d’une férocité exemplaires, et une supplique pathétique adressée, mains presque jointes, à Saad Hariri et Walid Joumblatt : Libera me. Samir Geagea prisonnier d’une majorité de la rue chrétienne, toutes tendances politiques confondues, et horrifié de l’ampleur de son syndrome de Stockholm ; Samir Geagea pleinement conscient de l’équation ubuesque qu’il a été obligé de faire sienne : assurer la victoire de l’entité, mais en payer le prix par une défaite claire et nette du collectif. Parce que c’est cela le projet dit orthodoxe : s’il était adopté, ce serait la curée pour le 14 Mars.


Elle est, plus tard, à Bickfaya. Chez Amine Gemayel. Une bête politique. Qui a tout vu, tout vécu. Capable du pire et du meilleur. Mais qui ne sait plus quoi inventer pour jouer l’électron hyperlibre. Pour doubler les FL. Pour ramasser les débris à venir, le jour des divisions, du CPL. Pour négocier avec Hassan Nasrallah. Pour dealer avec Michel Aoun. Bickfaya-Zghorta, c’est finalement vite fait. Chez Sleimane Frangié. Qui assure que le projet Ferzli garantira égalité et justice pour tous, mais en s’étranglant un peu, beaucoup : si elle passait, cette loi lui ferait perdre au moins un de ses trois députés. Chacun cherche son chat.


Martine s’arrête ensuite à Baabda. Au palais présidentiel. Chez Musclor. Le président de la République. Le Michel Sleiman 2.0, dont la cote de popularité chez les 30-45 ans est probablement en train d’exploser, entre mariage civil et élections civiques et civilisées. Il y a juste un petit problème : l’oublié du Maronistan n’est le champion que d’une certaine catégorie culturelle de Libanais en général, de chrétiens en particulier – pas sociale, justement, juste culturelle, c’est ce qu’aura réussi à (dé)faire le projet Ferzli. Le reste, au contraire, ne comprend pas, ne veut pas comprendre, que le premier des maronites soit à ce point opposé à cette proposition. Qui reste pourtant d’une étroitesse, d’une mesquinerie et d’une scélératesse remarquables. Qui a dit que la majorité a toujours raison ?


Martine s’en va aussi à la Maison du Centre.
Chez Saad Hariri – pourtant pas là. Le héros/héraut d’une majorité de sunnites qui aimaient à appeler Samir Geagea Abou Omar. Là, beaucoup plus qu’à Moukhtara, personne ne comprend ce qui s’est passé. Ou si. Ou comprennent trop. Certains acceptent les impératifs de la chose, admettent, heureusement, qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas vraiment au niveau de la représentativité chrétienne ; ils ont assimilé le nivellement par le bas imposé par Michel Aoun. D’autres garderont cette traîtrise longtemps gravée dans leur mémoire collective. Les autres, enfin, se disent qu’il y a juste eu une distribution de rôles. Une sacrée distribution de rôles. Que le malentendu ou le gros problème entre le Futur et le PSP d’un côté et le reste du 14 Mars de l’autre n’est que pure façade. Mais tous, finalement, n’accepteront jamais que la première communauté libanaise en nombre d’inscrits soit à ce point trimbalée. Baladée. Prise pour acquise. Moquée.


C’est comme l’intelligence des Libanais. Doublement giflée. Parce que le projet dit orthodoxe est d’une hypocrisie hallucinée : c’est rien moins qu’une forme de cantonisation, de division du Liban, un accoucheur de fédérations honteux et qui n’ose pas dire son nom. Et aussi, et surtout, parce qu’on a voulu faire croire aux maronites et aux chrétiens que c’est leur bon plaisir qui compte, qui primera, que cette loi électorale, finalement, sera taillée à la (dé)mesure de leur puissance. Alors que ce que le Hezbollah et Michel Aoun ont fait, impérialement aidés en cela, que ce soit à leur corps défendant ou pas, par Samir Geagea et Amine Gemayel, c’est leur faire comprendre qu’ils ne sont plus et qu’ils ne resteront plus que de bien mignons assistés.


Et même Martine en est affligée.

 

 

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