Dents d’acier !

La fourchette est un ustensile en forme de petite fourche, dont l’usage remonterait à l’Antiquité. Les Égyptiens utilisaient déjà des sortes de crocs en métal pour cuisiner et attraper des aliments dans les chaudrons, mais pour manger, on utilisait ses doigts. Chez les Grecs et les Romains « de qualité », les domestiques passaient entre chaque plat avec un bassin à laver où les convives plongeaient leurs mains. Une coutume toujours existante dans les traditions orientales. En Inde, en Birmanie, en Éthiopie par exemple, la plupart des plats se mangent avec les doigts, dans un récipient commun à tous. Un morceau de pain fait office de cuillère et le riz est roulé en boulettes pour être facilement trempé dans la sauce... La fourchette actuelle, quant à elle, serait apparue dans l’Empire byzantin. Elle a été introduite en Italie du Nord au milieu du XIe siècle quand la princesse byzantine Théodora Doukas épousa le doge de Venise Domenico Selvo. Mais, à l’origine, elle était réservée à la consommation des pâtes. Introduite en France par Catherine de Médicis, son usage est d’abord resté très limité. Ce couvert n’était en effet utilisé que pour consommer des poires cuites. C’est le roi Henri III, fils de Catherine de Médicis, qui a véritablement lancé la mode des fourchettes en France. De retour de Pologne en 1574, il fait une halte en Italie, le pays natal de sa mère. Invité à quelques festins de la noblesse vénitienne par le doge, Henri III fut intrigué par un ustensile de table qu’il n’avait encore jamais vu : un manche finement ouvragé en corne, en ivoire ou en pierre dure, prolongé par deux dents effilées. Cet accessoire ingénieux qui se nommait « fourchette » présentait le double intérêt de piquer les viandes plus élégamment qu’avec ses doigts ou la pointe d’un couteau, en évitant de tacher cette fraise tuyautée et empesée que la mode imposait de porter autour du cou. Il ramène cet ustensile d’Italie et s’affiche avec une fourchette dans son restaurant de prédilection : l’Hostellerie de la Tour d’argent (actuelle Tour d’argent à Paris). Henri III inaugura cet ustensile par un dîner qui fit grand bruit à Paris. Dès lors, la Tour d’argent devint incontournable, et Henri IV y venait régulièrement déguster un pâté de héron qui fit la réputation de Rourteau, son maître de maison. L’usage de ce couvert s’est imposé très progressivement en France. Ainsi, à la table du roi Louis XIV, chaque convive avait une fourchette à la gauche de son assiette, mais on ne l’utilisait pas car le roi en personne préférait manger avec les doigts qu’il posait sur une serviette humide entre chaque plat...
Il a fallu attendre la fin du XVIIe siècle pour que ce couvert entre dans l’usage pour porter les aliments de l’assiette à la bouche. C’est à la même époque que la forme des fourchettes se transforme, passant de deux à quatre dents.
Même si la fourchette se place toujours à gauche de l’assiette, il existe deux manières de disposer les fourchettes sur la table, « à la française » ou « à l’anglaise ». En France, on place habituellement la fourchette pointes vers le bas. Cet usage date de la Renaissance, quand les personnes de la haute société faisaient graver leurs armoiries sur le dos du manche des fourchettes. Pour que ces armoiries soient visibles par tous les convives, on plaçait les fourchettes pointes vers le bas. En Angleterre, les fourchettes se posent pointes vers le haut car les armoiries anglaises étaient gravées sur la face du manche de ces couverts.
Aujourd’hui encore, certaines fourchettes ne possèdent que deux ou trois dents : les fourchettes à huîtres, les fourchettes à crustacés ou encore les fourchettes à escargots.
Même si, depuis une dizaine d’années, la mode du « sans couteau ni fourchette » ou le « finger food » est revenue, incluant bouchées, miniquiches, minibrochettes de viandes et légumes et autres minitoasts, la fourchette reste incontournable et devient même un allié minceur ! Eh oui, entre la « HAPIfork » qui vibre quand on mange trop vite et la « IC3 », la fourchette qui calcule les calories des plats qu’on mange, la fourchette n’a jamais été aussi fine et notre taille aussi... je l’espère !

Sources principales : gralon.net ; suite101.com ; france-pittoreque.com