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Liban

Jeïtaoui : l’armée invoque « des atteintes aux bonnes mœurs », sans expliquer l’absence d’enquête préalable

« Cinquante-quatre ouvriers syriens, vingt égyptiens et sept soudanais ont été battus dimanche par des hommes portant l’uniforme de l’armée. Ils ont perquisitionné les chambres que ces ouvriers louent à Jeïtaoui (à l’est de Beyrouth) et les ont roués de coups, sans interrogatoire préalable ». C’est ce que rapportait le communiqué de Human Rights Watch (HRW). L’association suit de près cette affaire, qui avait été relayée lundi par le site d’information Now Lebanon, dont des journalistes avaient témoigné de la scène à partir d’un appartement avoisinant. Le raid violent aura duré près de quatre heures dimanche soir, certains ouvriers ayant subi individuellement des coups ininterrompus pendant trente minutes, comme l’explique à L’Orient-Le Jour Nadim Houry, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à HRW. 


Dans l’indignation des internautes face aux images montrant l’ampleur des coups subis par certaines victimes, photographiées de dos, l’armée est sortie hier de son silence, expliquant dans un communiqué les circonstances de sa démarche. Le texte officiel invoque en effet « des actes attentatoires aux mœurs publiques, des agressions répétées contre les passants et des cambriolages perpétrés par des ouvriers étrangers, toutes nationalités confondues, dans le quartier de Jeitaoui, à Achrafieh ». « Face à la multiplication des plaintes des citoyens habitant le quartier (...), une patrouille des services de renseignements a procédé, dans la nuit de dimanche à lundi, avec des renforts militaires, à la perquisition des lieux d’habitation de ces ouvriers », poursuit le communiqué. « Les agents venus vérifier les permis de travail et les pièces d’identité des ouvriers ont été surpris par la violente résistance qu’ils leur ont opposée, provoquant des altercations suite auxquelles dix ouvriers de différentes nationalités ont été arrêtés et soumis à l’enquête », précise le texte officiel.


Mais pour Nadim Houry, « le communiqué de l’armée ne répond pas à nos questions ». « D’abord, le prétexte de harcèlement ou de tout autre acte criminel perpétré par des individus appartenant à un groupe particulier ne saurait justifier l’inculpation de l’ensemble du groupe », explique-t-il à L’OLJ, assimilant la démarche de l’armée à un acte punitif collectif. Ensuite, si c’est un acte de criminalité que l’armée cherche à combattre, « elle ne peut le faire sans une enquête auprès des intéressés », ajoute Houry. Non seulement l’armée n’a pas procédé à la collecte d’informations utiles et nécessaires pour légitimer son opération, mais elle a agi sur un terrain qui ne relève pas de ses compétences, de son propre aveu d’ailleurs. Dans son communiqué, le commandement de l’armée reconnaît en effet que « le contrôle de la sécurité intérieure ne relève pas de ses missions et se désole de tout acte de sécurité ayant pu attenter à certains innocents parmi les ouvriers ». Mais si le communiqué observe ces nuances, c’est seulement pour revenir à la charge et refuser catégoriquement « toute atteinte portée à l’institution militaire sous couvert de défense des droits des ouvriers et des étrangers. Ces droits ne sauraient être au détriment des citoyens et citoyennes harcelés ». 

Intimidations continues 
Mais Nadim Houry recentre le débat. « Le sujet n’est pas ce qu’ils ont fait ou n’ont pas fait. Ce sont les violations de l’armée que nous contestons », a-t-il martelé, en dépit de l’appel lancé par l’institution miltaire aux médias et associations des droits de l’homme de « cesser de provoquer l’opinion publique sur cette affaire ». Pourtant, cette affaire continue de patauger dans le flou. Ainsi, le communiqué de l’armée fait état de l’arrestation de dix ouvriers pour l’enquête, une information que Nadim Houry n’a pu confirmer, précisant que la plupart des ouvriers se trouvent légalement au Liban, certains depuis 1996. Il met plutôt l’accent sur la peur intense qui ne lâche plus les victimes. « Des membres des services de renseignements, habillés en civil, passent chaque jour dans le quartier pour s’enquérir des ouvriers auprès des riverains. » L’appel de HRW à l’adresse du commandant en chef de l’armée et du président de la République est clair : ces intimidations doivent cesser et une enquête judiciaire doit être ouverte auprès des soldats ayant agi sous la pulsion d’une haine, aux motifs incertains... même si Nadim Houry en écarte la dimension politique.

 

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commentaires (3)

Une "Branche ?" locale les avait soupçonné à ces Syriens d'être Anti-"assadique" !

Antoine-Serge KARAMAOUN

09 h 53, le 11 octobre 2012

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Commentaires (3)

  • Une "Branche ?" locale les avait soupçonné à ces Syriens d'être Anti-"assadique" !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    09 h 53, le 11 octobre 2012

  • Votre poste est aux frontières les gars !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    05 h 47, le 11 octobre 2012

  • Le commandement de l'armée "se désole", mais n'annonce pas de sanctions, comme l'a fait la MEA pour une affaire beaucoup moins grave. Le mot "honneur" ne figure-t-il pas pourtant sur la devise de l'armée libanaise. Enfin, combien de fois et pendant combien de temps faudra-t-il répéter cette lapalissade, à savoir que la sécurité intérieure relève des Forces de... Sécurité Intérieure?!

    Yves Prevost

    23 h 50, le 10 octobre 2012

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