La politique de « dissociation » lancée par le gouvernement Mikati, qui était née, il faut le dire, atteinte d’un syndrome immunodéficitaire particulièrement sévère, semble plus que jamais à l’agonie.
Sur le plan de la souveraineté interne stricto sensu, l’armée syrienne pro-Assad a bombardé hier les environs du village de Abboudieh, tandis qu’un feu nourri en provenance du territoire syrien a visé l’ancien poste des douanes dans la même région, le village même, et la frontière, ce qui a provoqué la fuite des habitants des localités situées dans la zone des tirs. Les forces pro-Assad ont également renforcé leur présence militaire en face de Abboudieh. À l’évidence, l’armée libanaise est encore restée inerte face à ces nouvelles violations : une « dissociation », certes... mais de la réalité, qui n’empêchera pas de nouvelles incursions. L’armée turque, de son côté, a encore répliqué hier aux atteintes syriennes à la souveraineté de son pays, tandis que le président Abdullah Gül a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle mette fin à cette situation.
Mais là n’est pas le plus grave. Car la politique de « dissociation » est désormais confrontée à un plus grand mal : l’implication du Hezbollah et d’autres composantes du 8 Mars ouvertement dans les combats en Syrie au côté du régime. Après la mise en terre d’« Abou Abbas », le commandant du parti tombé à Qousseir, dans la province de Homs, le Hezbollah a de nouveau organisé des funérailles hier pour un autre de ses combattants « jihadistes », Hussein Abdel Ghani el-Nemer, dans le village d’Ansar, à Baalbeck. Cheikh Mohammad Yazbeck, chef du conseil chérié du parti, a indiqué dans son élégie que le combattant était tombé « dans une bataille en défendant la dignité de l’islam et des musulmans ».
L’élément nouveau est cependant venu hier du député du Parti syrien national social (PSNS), Marwan Farès, qui a reconnu hier la présence de combattants libanais du Hezbollah, du PSNS et du Baas en Syrie. Dans un entretien accordé à la MTV, M. Farès a affirmé que les combattants de ces trois partis se trouveraient dans « un village libanais chiite enclavé en territoire syrien pour en défendre les habitants », ce que cheikh Yazbeck avait déjà laissé entendre lors des funérailles d’« Abou Abbas » la semaine dernière.
Ce prétexte invoqué par le 8 Mars pour intervenir en Syrie n’a pas été sans rappeler, dans les milieux du 14 Mars, le prétexte syro-iranien des hameaux de Chebaa et toute la polémique autour de sa « libanité » pour justifier la poursuite de la résistance armée du Hezbollah contre Israël après l’an 2000...
Mais ce qui risque de faire le plus de mal aux Libanais, c’est bien la publication de certains documents secrets des services de renseignements syriens, qui accompagnent progressivement l’effondrement du régime de Damas. La chaîne al-Arabiya a déjà jeté deux pavés dans la mare en une dizaine de jours : l’ordre donné par le pouvoir syrien d’en finir avec cheikh Abdel Wahed dans le Akkar et l’implication présumée du Hezbollah dans l’assassinat de Gebran Tuéni, ce que le Hezbollah s’est empressé de démentir vivement hier. Sans oublier tout ce qui ressortira des aveux de Michel Samaha.
Le feuilleton ne fait donc que commencer et il risque d’éprouver sérieusement, jusqu’à ses toutes dernières limites, les capacités d’endurance du microcosme politico-populaire libanais.
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