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À La Une - Vient de paraître

«Les désorientés », ou le cercle des amis dispersés...

« Les désorientés », le tout dernier roman d’Amin Maalouf, est aussi son livre le plus personnel. Il y évoque, pour la première fois, sa relation au Liban et aborde, par le biais de la fiction – mais une fiction d’inspiration autobiographique, aux accents terriblements émouvants ! –, la question de son exil comme des différentes trajectoires d’une génération dispersée par la guerre...

Amin Maalouf, désorienté peut-être, mais surtout nostalgique de la douceur levantine du Liban d’avant…

Ils étaient inséparables: Albert, Bilal, Naïm, Mourad, Tania, Sémi, Ramez, Ramzi et Adam, le héros central des Désorientés (éditions Grasset, 519 pages). Une bande d’amis, tous différents, mais tous unis par la même envie de refaire le monde. Chrétien, musulman ou juif, d’origine bourgeoise ou plus modeste, peu importaient les étiquettes, le statut, la religion pour ce groupe d’étudiants à l’idéalisme juvénile qui se tenait, au milieu des années 70, sur les rivages d’une guerre qui allait chambouler leurs existences et les éparpiller aux quatre coins de la planète. Trente ans plus tard, la mort de l’un d’entre eux va les réunir. En mémoire de cet «ancien ami», avec qui certains s’étaient brouillés, le groupe va tenter de se reformer une ultime fois. Les retrouvailles auront lieu au pays. Mais si eux ont changé, le pays, lui, a-t-il gardé quelque chose de la douceur levantine qu’ils y ont connue? Parties dans des directions diverses, leurs trajectoires peuvent-elles y converger encore? D’ailleurs que peuvent avoir encore en commun l’hôtelière libertine, l’entrepreneur richissime, l’historien vivant à Paris, le moine retiré dans la Vallée sainte, le Brésilien d’adoption, le chercheur américain proche du Pentagone et la femme d’un des ministres de la tutelle syrienne? Comment vont se retrouver, se jauger, se juger et se comprendre les exilés et les locaux? Ceux qui, ne supportant pas l’effondrement de l’État, la domination des caïds locaux et des armées étrangères, ont préféré partir. Et ceux qui ont choisi de rester, par attachement aux racines, quitte à «passer des compromis» avec l’occupant pour «conserver le pays».

Un pays, comme un rêve interrompu
Que reste-t-il de cette fraternité qui régnait entre eux et qui symbolisait le Beyrouth d’avant? Un rêve interrompu? Un rendez-vous manqué? «Quelques réminiscences partagées et une nostalgie incurable pour le monde d’avant», répond le narrateur.
Les désorientés, ce sont ces Libanais de la guerre, ceux de la génération d’Amin Maalouf qui ont assez connu le «temps d’avant» pour en porter l’irrémédiable nostalgie. Cette nostalgie qui a sans doute poussé le nouvel académicien à revenir, pour la première fois dans un roman – le premier, du reste, où son nom est suivi de la mention «de l’Académie française» –, sur le Liban de sa jeunesse. Sur la «civilisation levantine» qu’il y a connue et qu’il avait, certes, déjà évoquée dans son roman familial Origines (publié en 2004 chez Grasset), mais avec la distance d’un écrivain-historien. Alors qu’à travers la fiction, traversée de passages au fort parfum de vécu des Désorientés, il raconte, avec la pudeur et la sensibilité qui le caractérisent, sa relation personnelle à sa terre natale, lève le voile sur les raisons de son exil et confie, comme dans un murmure, ses appréhensions pour l’avenir du pays du Cèdre «en sursis».
Mais c’est aussi en tant qu’historien et humaniste qu’Amin Maalouf fait partager à ses lecteurs, à travers les voix des différents personnages, ses idées et questionnements sur l’identité, la religion, l’intégrisme, la mémoire, les choix de vie, la finalité des guerres, la place du conflit moyen-oriental dans le dérèglement du monde ou encore celle de... l’amour dans une vie d’homme. Autant de facettes qui donnent à ce roman à la fois la densité d’un essai, d’un débat d’idées que l’attachante narration de destins à fort pouvoir identificateur.
Et malgré quelques répétitions, dues à la technique de double narration que l’auteur a privilégiée dans ce roman, on sort de la lecture de ce livre ébloui par la magnifique précision avec laquelle cet académicien, amoureux des mots, du juste mot, exprime sa pensée. Et absolument acquis à son mélancolique constat final!
Ils étaient inséparables: Albert, Bilal, Naïm, Mourad, Tania, Sémi, Ramez, Ramzi et Adam, le héros central des Désorientés (éditions Grasset, 519 pages). Une bande d’amis, tous différents, mais tous unis par la même envie de refaire le monde. Chrétien, musulman ou juif, d’origine bourgeoise ou plus modeste, peu importaient les étiquettes, le statut, la religion pour ce...
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