Rechercher
Rechercher

À La Une - Economie

Liban : Ils taxent le peuple ... mais gonflent leurs salaires

Nouvelle grille des salaires, mesure kamikaze pour l’économie libanaise ?

Les attaques se multiplient depuis plusieurs jours contre la nouvelle grille des salaires des fonctionnaires. Et, une fois n’est pas coutume, les critiques proviennent aussi bien de la société civile que des organismes économiques. Certes, les raisons et arguments avancés par les deux parties sont différents, mais la virulence des propos et la détermination à faire entendre leurs voix sont les mêmes.


Il y a quelques semaines déjà, les organismes économiques avaient prévenu qu’après la visite du pape, ils reviendraient à l’attaque concernant ce dossier épineux. Et ils n’ont en effet pas perdu de temps. Hier, avant le Conseil des ministres, ils ont organisé une rencontre avec les ministres de l’Économie et du Commerce, Nicolas Nahas, du Tourisme, Fadi Abboud, et de l’Industrie, Vrej Sabounjian, « pour leur faire part de la gravité de la situation économique et sociale dans le pays », a indiqué à L’Orient-Le Jour le président de l’Association des commerçants de Beyrouth (ACB), Nicolas Chammas. « Le gouvernement ferait une très grave erreur en laissant passer un tel décret qui mènerait le pays, déjà très affecté par la crise, à la faillite », a affirmé M. Chammas.


Tout comme le président de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Beyrouth (CCIAB), Mohammad Choucair, l’avait souligné lundi, M. Chammas appelle à faire la distinction entre une hausse des salaires des fonctionnaires et la nouvelle grille qui est à l’ordre du jour en ce moment au Conseil des ministres. Selon eux, il est normal que le secteur public bénéficie d’une revalorisation de salaires en fonction de l’inflation, avec un effet rétroactif depuis le 1er février 2012, date à laquelle la hausse des salaires des employés du secteur privé est entrée en vigueur. Cette hausse coûterait à l’État 61 milliards de livres par mois. « Par contre, ce qui complètement insensé, c’est d’adopter une nouvelle grille, qui n’est pas en lien avec la cherté de vie et qui coûterait 58 milliards de livres supplémentaires par mois, soit quasiment le double de la simple hausse des salaires », s’est indigné le président de l’ACB, qui a estimé le coût direct supplémentaire de cette mesure à plus d’un milliard de dollars. « Avec une croissance annuelle estimée à 1,2 % en 2013, il faudra au moins trois ans au pays pour couvrir une année de la nouvelle grille des salaires des fonctionnaires », a ajouté M. Chammas.

Un financement qui pose problème
Depuis plusieurs semaines, la presse et les réseaux sociaux s’interrogent, à juste titre, sur les mesures prévues par le gouvernement pour financer cette nouvelle grille des salaires.
« Le total des taxes et impôts supplémentaires proposés pour financer la grille avoisine les 4 milliards de dollars pour un PIB national d’environ 40 milliards, soit un choc fiscal de 10 % ! » s’est indigné M. Chammas. « Il est hors de question que ce soit le citoyen et le secteur privé qui subissent cette flagrante injustice, il est temps de dire halte à l’improvisation, de marquer une pause par rapport aux intérêts personnels des politiciens et de leurs considérations électorales. C’est l’économie de tout un pays qui est en jeu », a-t-il ajouté.
Même son de cloche du côté du président de la commission parlementaire des Finances et du Budget, Ibrahim Kanaan, qui a mis en garde lundi le gouvernement contre « des décisions sans queue ni tête ». « Il est inacceptable que le Conseil des ministres fasse passer au Parlement le décret tel qu’il est et de continuer par ailleurs à accroître les dépenses publiques et creuser le déficit sans prévoir aucun plan de financement au préalable », a-t-il affirmé lundi.

Une nouvelle grille accusée de faire du favoritisme
Quand, il y a plusieurs jours, les chiffres de la nouvelle grille ont été approuvés et publiés, la société civile a crié au scandale, et pour cause : les députés et les ministres se sont eux aussi senti concernés par la hausse du niveau de vie en s’attribuant une augmentation mensuelle de... 4,3 millions de livres, contre 2 millions pour les employés de première catégorie, un million pour les enseignants et 270 000 livres pour les ouvriers. « Une provocation inacceptable dans un pays où la hausse des salaires des employés du privé n’a pas toujours été appliquée, un pays où des milliers de familles vivent aux alentours du seuil de pauvreté, un pays qui croule sous ses dettes », peut-on lire sur les réseaux sociaux et plusieurs blogs d’activistes libanais. La question avait été soulevée en Conseil des ministres la semaine dernière pour exclure les ministres et députés de la hausse des salaires, mais certains s’y étaient fortement opposés...


Parmi d’autres catégories de population qui sont considérées comme « favorisées », le président de l’ACB évoque les retraités de la fonction publique. « Ils sont 80 000, et contrairement aux retraités du privé, ils jouissent d’une très confortable retraite », a indiqué M. Chammas. « Avec la nouvelle grille, ils vont bénéficier d’une revalorisation de leur fonction, alors qu’ils sont à la retraite et ne payent pas d’impôts », a-t-il ajouté.
Et pendant ce temps, les syndicats promettent eux aussi de descendre à la rue si la nouvelle grille ne passe pas... Entre manifestations sociales et d’autres à caractère religieux, la rentrée s’annonce chaude au Liban, dont l’image est déjà suffisamment dégradée à l’étranger. D’ailleurs, le président de la CCIAB l’a bien souligné : « Pour sortir le pays du marasme économique dans lequel il est plongé depuis plusieurs mois, il faut commencer par redonner confiance aux touristes et investisseurs étrangers, et cela même avant de se lancer dans des plans et projets de redressement économique. » Qui entendra cet appel ?

 

Pour mémoire :

Exsangue, le billet de Rana ANDRAOS

 

Et maintenant on va où... ?, la tribune de Fouad ZMOKHOL, président du Rassemblement des dirigeants et chefs d’entreprise libanais (RDCL)

 

Lire aussi :

Tzannatos : Le Liban a des leçons à tirer de la crise en Europe

 

Salaires des fonctionnaires : beaucoup d’interrogations demeurent

 

Les attaques se multiplient depuis plusieurs jours contre la nouvelle grille des salaires des fonctionnaires. Et, une fois n’est pas coutume, les critiques proviennent aussi bien de la société civile que des organismes économiques. Certes, les raisons et arguments avancés par les deux parties sont différents, mais la virulence des propos et la détermination à faire entendre leurs voix...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut